L'Oracle a prononcé. La royale victime,
La blanche Andromèda, liée au roc amer
Par les cruelles mains des Nymphes de la mer
Est livrée en pâture au Monstre de l'abime.
Dans l'ombre, les flots noirs se dressent, furieux,
Et la vierge au cœur pur, mêlant son cri sauvage
Aux hurlements de Poseidon, roi de l'orage,
Pleure sa belle vie en maudissant les dieux.
Dans sa paupière close, où se peint l'affreux rêve,
Elle voit le courroux d'Héra, l'enfantement
Du Dragon que vomit la mer, glauque, écumant,
Et dont l'énorme approche épouvante la grève.
Femme, lève les yeux ! Hors du profond azur,
De là-haut, de là-bas, hors de la nuit stellaire,
Une clarté se précipite vers la terre,
Rapide comme un trait jailli d'un arc très sûr.
Plus près ! plus près ! semant des gerbes d'étincelles,
L'astre tombe à travers la nue ! O vision
Glorieuse et terrible ! O fulguration !
Eclairs d'épée ! appels joyeux ! battements d'ailes !
Casqué d'or, cuirassé de splendeurs, brandissant
Le glaive de Pallas, et chevauchant Pégase,
Devant la vierge aux yeux révulsés par l'extase,
Perseus libérateur s'abat, éblouissant !
Et le Monstre bondit, prit d'un hideux délire,
Sur le calme héros et son divin coursier !
Mais Pallas aiguisa le fer justicier,
Et l'Océan s'empourpre, et le Dragon expire.
Alors, pâle d'espoir, Andromède aux doux flancs,
Sous la nuit maintenant bleue et pleine d'étoiles,
Sent tomber les liens de son beau corps sans voiles
Qu'effleurent le Kronide avec des doigts tremblants.
Et le héros saisit la vierge, et sur les ailes
De Pégasos, l'emporte aux champs lointains du ciel
Où des fleurs de lumière et des flammes de miel
Couronnent les amants de clartés éternelles !
⁂
Âme humaine, arrachée aux cieux que tu pleuras,
De ton humanité captive torturée,
Crois en la liberté ! tu seras délivrée ;
Crois en la Vie ! et, dans ta Norme, tu vivras.
Car loin du gouffre où gronde un ressac de désastres,
Loin du monstre Douleur, dévorateur du Jour,
La Poésie ailée et l'immortel Amour
T'emporteront vers les vrais dieux, parmi les astres !