Afin de résoudre la crise, le secrétaire d'État pour l'Irlande du NordChris Heaton-Harris propose dès octobre de convoquer des élections anticipées pour 2023, avant de finalement faire voter à plusieurs reprises des délais pour permettre aux négociations de se poursuivre. La signature du cadre de Windsor fin février 2023 permet ensuite la reprise des négociations et la formation d'un gouvernement début 2024. La dirigeante du Sinn Fein, Michelle O'Neill, est officiellement élue Première ministre le , avec Emma Little-Pengelly (DUP) comme vice-Première ministre. C'est la première fois que le premier ministre d'Irlande du Nord est issu de la mouvance républicaine et nationaliste
Pour cette raison, la vie politique nord-irlandaise n'est pas structurée en une majorité et une opposition parlementaires.
Le pays est doté de manière permanente d'un gouvernement d'union nationale. L'exécutif nord-irlandais est choisi par l'Assemblée, chaque parti politique disposant d'un nombre de ministres proportionnel à son nombre de sièges à l'Assemblée. Le pays demeure membre par choix du Royaume-Uni, et conserve le droit de le quitter si une majorité de ses citoyens le souhaite.
Mode de scrutin
Le Northern Ireland (Miscellaneous Provisions) Act de 2014 prévoit que les élections ont lieu tous les cinq ans, le premier jeudi de mai. Les dernières élections ayant eu lieu en 2017 de manière anticipée, le scrutin suivant est organisé cinq ans après.
Le Parti unioniste démocrate (DUP), qui dominait depuis 2003, se présentait affaibli. Bien que co-dirigeant l'Exécutif, il n'est pas parvenu à empêcher les concessions de Londres dans l'application du Brexit en Irlande à tel point que, pour marquer son désaccord, le Premier ministre Paul Givan a présenté sa démission juste avant les élections. Celui-ci avait remplaçé Arlene Foster, elle aussi démissionnaire, et contestée en interne. Enfin, le parti est désormais concurrencé par la Voix unioniste traditionnelle (TUV) qui a bondi après 15 ans d'existence à 7,6% des premières préférences, une augmentation de 5,1 points à comparer avec la baisse du 6,7 points du DUP. Le DUP perd finalement 3 sièges et la première place donnant droit au poste de Premier ministre[4],[5].
Ainsi, bien qu'ils n'accroissent pas leur nombre de sièges, les nationalistes du Sinn Féin arrivent en tête. C'est une première en Irlande du Nord.
Par ailleurs, le scrutin est surtout marqué par la percée des libéraux de l'Alliance, qui remettent en cause le système de consociationalisme (17 sièges, +9). Ce parti, qui était le 5e depuis 40 ans, se retrouve 3e car il dépasse les deux partis modérés des deux communautés, qui perdent tous deux des sièges : les sociaux-démocrates nationalistes du SDLP (8 sièges, -4) et l'UUP (9 sièges, -1).
Suites
Crise politique
Dés les jours qui suivent, le Parti unioniste démocrate fait part de son refus de participer à un nouveau gouvernement en raison de son opposition au protocole nord-irlandais post-Brexit, qui instaure une forme de frontière douanière avec le reste du Royaume-Uni[6]. Le DUP bloque ainsi l'élection du nouveau président de l'Assemblée. La participation du premier parti unioniste à ce vote comme au gouvernement étant obligatoire dans le cadre de l'accord du Vendredi saint, cette situation conduit à une impasse institutionnelle qui s'installe dans le temps. Le secrétaire d'État pour l'Irlande du NordChris Heaton-Harris finit par rappeler le 28 septembre son obligation de convoquer des élections anticipées si aucun gouvernement n'est mis en place six mois après les élections, fixant le 28 octobre pour date limite[7]. Malgré l'opposition du Sinn Fein à un retour aux urnes, et les appels au compromis du Vice-Premier ministre irlandaisLeo Varadkar et du Premier ministre du Royaume-UniRishi Sunak, le vote organisé le 27 octobre conduit pour la quatrième fois à l'échec de l'élection d'un président de la chambre. Le lendemain 28 octobre, Heaton-Harris annonce être dans l'obligation de convoquer des élections anticipées. Le scrutin est alors annoncé pour le 15 décembre 2022 par plusieurs médias qui s'appuient sur une déclaration du président de la commission électorale, qui mentionne cette date comme étant la plus probable[8],[9],[10],[11]. Le 29 octobre cependant, Heaton-Harris laisse sa décision en suspens, avant d'organiser une série de consultations avec les différents partis le , puis d'annoncer quelques jours plus tard que les élections n'auront pas lieu en décembre[12]. La possibilité d'un vote en décembre avant Noël — pour laquelle la commission électorale effectuait des préparations — aurait été écartée en raison de critiques quant au coût et à l'impact d'un vote en pleine période de festivités[13].
Le secrétaire d'État annonce finalement le 9 novembre son intention de faire voter une nouvelle loi accordant un délai supplémentaire jusqu'au 8 décembre, avec la possibilité d'une extension supplémentaire de six semaines, soit jusqu'au . Le délai d'organisation des élections restant inchangées, celles ci auraient par conséquent lieu le au plus tard[14],[15]. La loi est votée le 6 décembre 2022 au Parlement britannique, et l'extension de six semaines utilisée deux jours plus tard à l'expiration du délai. Cette nouvelle loi donne par ailleurs au secrétaire d'État le pouvoir de modifier l'indemnité des membres de l'Assemblée d'Irlande du Nord, une mesure ouvertement réclamée par Chris Heaton-Harris pour sanctionner les parlementaires responsables du blocage. Le lendemain de l'extension du délai, celui-ci annonce une diminution de 27,5 % de l'indemnité, qui passe à partir du de 51 500 à 37 337 livres, tout en déclarant ne pas exclure une nouvelle diminution en cas de persistance du blocage[16],[17].
Une réunion de solution de crise est convoquée par Heaton-Harris pour le 11 janvier, mais le Sinn Fein annonce refuser d'y participer en raison de l'exclusion de sa présidente, Mary Lou McDonald. En réponse, le Parti social-démocrate et travailliste se retire à son tour[18]. Le délai étendu expire le 19 janvier sans qu'une date ne soit officiellement fixée pour le nouveau scrutin, Chris Heaton-Harris cherchant à temporiser dans le contexte d'une nouvelle série de négociations entre le gouvernement britannique et l'Union européenne sur le sujet du protocole nord irlandais[19]. Le 9 février, le Gouvernement britannique introduit une nouvelle loi — votée au parlement britannique le 22 février — qui prolonge à nouveau le délai, cette fois ci fixé au 18 janvier 2024[20]. Le secrétaire d'État conserve néanmoins la possibilité de convoquer les élections anticipées à tout moment au cours de ce délai, s'il n'est pas satisfait de l'évolution des négociations[21].
Le , l'Union européenne et le Royaume-Uni annoncent la signature du cadre de Windsor, qui modifie le protocole sur l'Irlande du Nord en réduisant fortement les procédures de douanes entre cette dernière et la Grande-Bretagne, ainsi que la règlementation de l'Union européenne qui s'applique en Irlande du Nord[22]. L'annonce est accueillie chaleureusement par les dirigeants nord-irlandais, le Sinn Fein et le SDLP appelant tous deux à mettre fin à l'impasse politique[23]. Considérant les changements insuffisants, le DUP décide cependant de poursuivre son refus d'incorporer un gouvernement afin d'obtenir de nouvelles concessions de la part du gouvernement britannique[24].
Fin de la crise et formation du gouvernement
L'absence prolongée d'un gouvernement pendant deux ans amène l'ensemble du secteur public à organiser une grève générale courant janvier 2024[25]. La veille de la date limite, le 17 janvier, l'assemblée se réunit à nouveau et constate la poursuite du blocage par le DUP[26]. Chris Heaton-Harris annonce en conséquence l'extension du délai au 8 février, qui est voté le 25 janvier[27]. Cinq jours plus tard, le DUP annonce avoir conclu un accord avec le gouvernement britannique sur la mise en œuvre du Cadre de Windsor afin de « sécuriser » la place de l'Irlande du Nord dans le marché intérieur du Royaume-Uni. L'accord sur la sauvegarde de l'Union (Safeguarding the Union paper) s'accompagne d'un financement visant à répondre aux demandes du secteur public. Le parti annonce dans la foulée être maintenant disposé à revenir siéger et former un gouvernement avec le Sinn Fein[28],[29],[30]. La dirigeante de ce dernier, Michelle O'Neill, est officiellement élue Première ministre le , avec Emma Little-Pengelly (DUP) comme vice-Première ministre. C'est la première fois que le premier ministre d'Irlande du Nord est issu de la mouvance républicaine et nationaliste[31].