À la suite du pacte germano-soviétique, du deuxième arbitrage de Vienne et des accords de Craiova, la « Grande Roumanie » voulue par les alliés de la Première Guerre mondiale et dont les frontières avaient été garanties le par la France et le Royaume-Uni, perd plus d'un tiers de son territoire (101 952 km2 sur 295 049 km2) dont 50 135 km2 au profit de l'URSS (28 juin-4 juillet 1940), 44 405 km2 au profit de la Hongrie (30 août 1940) et 7 412 km2 rendus à la Bulgarie (7 septembre 1940). En conséquence de cette forte diminution territoriale, le système administratif mis en place en 1938 par la dictature carliste, avec dix « ținuturi » (régions : Crişuri, Someş, Timiş, Suceava, Prut, Nistru, Jiu, Argeş / Bucegi, Dunării, Mării) est dissout et seuls les județe sont conservés, avec leurs arrondissements (plasă) et districts urbains (oraș), dont la municipalité (municipiu) de Bucarest. Le gouvernement du maréchal Antonescu est représenté à chaque échelon administratif et dans la municipalité de Bucarest par un préfet civil et au niveau du județ par un préteur militaire, généralement un officier de rang intermédiaire de l'armée roumaine.
En 1941, la participation roumaine à l'invasion de l'Union soviétique permet la récupération de la Bessarabie et du nord de la Bucovine. Le régime Antonescu invente alors un nouvel échelon administratif regroupant plusieurs județe : le « gouvernorat » (guvernământ), appliqué aux territoires moldaves ayant été occupés par l'Union soviétique de 1940 à 1941 : Bucovine (capitale à Cernăuți) et Bessarabie (capitale à Chișinău). Ce nouvel échelon est dirigé par un gouverneur militaire et placé sous la loi martiale : l'ancienne administration civile anéantie par le NKVD est remplacée par une nouvelle administration aux pouvoirs extra-judiciaires, ayant entre autres taches celle de dépister et condamner les citoyens ayant collaboré avec le pouvoir soviétique[3].
Aux deux « gouvernorats » de Bucovine et Bessarabie s'ajoute à l'automne 1941 un troisième, constitué en Podolieukrainienne, dans le territoire offert par l'Allemagne nazie à la Roumanie en compensation de ses pertes au profit de la Hongrie et de la Bulgarie. C'est le « gouvernorat de Transnistrie », incluant le port d'Odessa et administé militairement sans être officiellement annexé. En Bucovine et Bessarabie, la citoyenneté roumaine n'est pas automatiquement rendue à tous les habitants devenus soviétiques de 1940 à 1941, mais seulement aux Moldaves de souche, et les minorités issues de la colonisation russe et soviétique, principalement russe, ukrainienne, rome et juive, se retrouvent apatrides et en butte à des persécutions ciblées. Les autorités roumaines utilisent la Transnistrie comme une « Sibérie roumaine » à partir de juin 1942, et y déportent plus de 25 000 Roms et de 90 000 Juifs dont plus de la moitié mourra par privations, froid, maladies ou assassinés, enfermés dans des granges de kolkhozes remplies de paille arrosée d'essence, à laquelle le feu était mis [4],[5]. À propos de la Shoah en Roumanie, la maréchal Antonescu déclare : « Peu m'importe que l'histoire nous considère comme des barbares, du moment que nous y entrons en vainqueurs »[6].
La capitale du gouvernorat de Transnistrie est d'abord établie à Tiraspol (1941–42), puis déplacée à Odessa (1942–44). Contrairement à la Bessarabie et à la Bucovine, la Transnistrie ne fit pas partie intégrante de la Roumanie en 1941-44 et, bien que treize județe y aient été établis, les divisions administratives soviétiques de base, les raions, ont été conservées.
Descriptif
Voici la liste des subdivisions administratives de la Roumanie en mai 1942. Les capitales des județe sont indiquées entre parenthèses. Remarque : les noms des échelons administratifs coïncident avec les noms de leurs capitales, sauf indication contraire (par exemple : Plasa Ștefan Vodă -Rădăuți)
↑D. Deletant, Springer, 2006, Hitler's Forgotten Ally: Ion Antonescu and his Regime, Romania 1940-1944, p. 53
↑Mihai Pelin, Antonescu, le Pétain roumain et ses guerres, Ed. Iosif Constantin Drăgan, Venise 1988.
↑(ro) Anatol Petrencu, Basarabia în timpul celui de-al doilea război mondial (1939-1945), Ed. Prut Internaţional, Chișinău 2006.
↑Radu Ioanid, The Holocaust in Romania - The Destruction of Jews and Roma Under the Antonescu Regime, 1940–1944, United States, Rowman & Littlefield Publishers, (ISBN9781538138090), p. 3154
↑Anton Weiss-Wendt, The Nazi Genocide of the Roma - Reassessment and Commemoration, United Kingdom, Berghahn Books, (ISBN978-0-85745-843-8), p. 132
↑Mathieu Macheret, « Les heures sombres de l’histoire roumaine », Le Monde du 20 février 2019 - [1].
Bibliographie
Monitorul Oficial al Romaniei, 1942
Buletinul Provinciei Basarabia, 1 februarie 1942
Buletinul Administratiei Provinciale a Bucovinei, vol. I (1941/1942), vol. II (1942)