En vert, les pourcentages de Magyars en Transylvanie et la ligne de partage du Deuxième arbitrage de Vienne.
Depuis l’Anschluss en 1938 et l’occupation de la Bessarabie en juin 1940, le Troisième Reich et l’URSS s’affirment comme des puissances danubiennes de premier ordre[1], qui remettent en question l’ordre établi par le traité de Versailles en 1919, où la Roumanie (dont la France et le Royaume-Uni avaient garanti les frontières le ) jouait un rôle important[2]. Fin , la flotte et le Service maritime roumain transportent de Constanza à Alexandrie le gouvernement, le trésor de la banque nationale, les divisions restantes de l’armée polonaise ainsi que de nombreux réfugiés civils, pris en étau lors de l’invasion de la Pologne par le Troisième Reich et l’URSS. À Alexandrie, ces forces furent intégrées par les Britanniques dans les armées alliées (action qui fit dire à Hitler : La Roumanie est comme les États-Unis : elle est officiellement neutre, mais elle nous livre une guerre froide)[3]. Il fallait donc l’affaiblir, mais en évitant d’avoir à lui faire la guerre. Le second arbitrage de Vienne s’inscrit dans ce contexte.
Contexte
Les proportions des locuteurs en Transylvanie du Nord à l’époque du second arbitrage de Vienne.
Alors que sa protectrice, la France, vient de s’effondrer, le chantage à la guerre détermine le roi Carol II et son régime « carliste » à cesser leurs persécutions contre la Garde de fer fasciste, à céder à l’URSS, le 28 juin 1940, conformément l'ultimatum présenté par Viatcheslav Molotov le [4], 50 135 km2 de territoires roumains peuplés de 3 150 793 personnes (15 % du territoire et 16 % de la population), à nommer le un gouvernement pro-allemand (Ion Gigurtu) et à accepter l’arbitrage allemand le pour épargner à son pays le sort de la Pologne. Le Conseil de la Couronne valide l’arbitrage par 21 voix contre 10 et une abstention[5].
La population juive de la Roumanie au recensement de 1930 et en rouge les nouvelles frontières de 1940 : 110.000 juifs transylvains passent sous souveraineté hongroise.
En acceptant l’arbitrage allemand, Carol II cède encore à la Hongrie 44 405 km2 peuplés de 2 603 589 personnes (14 % du territoire et 13 % de la population, dont 40 % de magyars) et à la Bulgarie 7 412 km2 peuplés de 407 352 personnes (2,5 % du territoire et 2 % de la population), soit, avec ce qu’il avait déjà cédé à l’URSS, un tiers du territoire et de la population de son pays. Bien que la cession garantisse le respect des minorités de ces régions, d’importantes expulsions de Roumains ont lieu : 200 000 personnes d'après Hans-Erich Stier[7].
Conséquences politiques, démographiques et économiques
Carte allemande de 1940 montrant la Roumanie amoindrie dans le cadre du Neue Ordnung (« nouvel ordre ») européen.
L’arbitrage ancre la Roumanie dans la sphère d'influence politique et économique allemande[8]. Les pertes roumaines entraînent l’expulsion de près de 290 000 personnes hors des territoires cédés. Pour les accueillir sur un territoire réduit, le gouvernement roumain adopte une politique antisémite destinée entre autres à exproprier les biens des Juifs roumains, tandis que les Nazis imposent l’émigration des 77 000 Allemands de Roumanie vers le Reich[10], la Roumanie étant obligée de payer pour cela au Reich une indemnité forfaitaire de 7,7 milliards de Lei[11].
En Transylvanie du Nord désormais hongroise, d’où 200 000 Roumains sont expulsés, 110 000 juifs deviennent apatrides, car, bien que magyarophones pour la plupart, ils ne deviennent pas, comme les chrétiens, citoyens hongrois, et le décret du en livre la plupart à l'Allemagne nazie[12].
Annulation de l'arbitrage
Le régime d’Antonescu s’est montré, pour récupérer les territoires cédés fin à l’URSS et pour s’assurer une place dans l’« ordre nouveau » hitlérien, un fidèle satellite de l’Axe, qui lui concède, en « compensation » des pertes dues au second arbitrage de Vienne, le droit d’occuper et annexer une partie de la Podolie ukrainienne, dénommée « Transnistrie » (où ce régime se livre à des crimes contre l’humanité). Mais Antonescu et son régime sont renversés le 23 août 1944 par le roi Michel et le Conseil national de la résistance : la Roumanie déclare aussitôt la guerre à l’Axe et combat contre l’Allemagne jusqu’à la fin de la guerre. Cela lui vaut de regagner la Transylvanie du nord au Traité de paix de Paris de 1947, ce qui annule de jure le second arbitrage de Vienne, déjà annulé de facto en octobre 1944.
↑Grigore Gafencu : Préliminaires de la guerre à l’est : de l’accord de Moscou (21 août 1939) aux hostilités de Russie (22 juin 1941), Egloff, Fribourg/Suisse, 1944.
↑Nicolette Frank, La Roumanie dans l’engrenage, Elsevier-Sequoia, Paris 1977 et Dennis Deletant, Hitler's Forgotten Ally : Ion Antonescu and his Regime, Basingstoke, Palgrave, 200.6
↑Dictionnaire de la Shoah, p. 312 ; Encyclopédie multimédia de la Shoah, article « La Hongrie avant l'occupation allemande » : [1] et Raul Hilberg, La destruction des juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006, TII, p. 1408.
Annexes
Bibliographie
Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands. : Une dictature au service du Peuple, Paris, Flammarion, 2005 (édition utilisée : champs histoire 2008 (ISBN978-2-0812-1809-3).
(en) Dennis Deletant, Hitler's Forgotten Ally : Ion Antonescu and his Regime, Palgrave, Basingstoke.
Nicolette Frank, La Roumanie dans l’engrenage, Paris, Elsevier-Sequoia, .
Gabriel Gorodetsky, Le Grand Jeu de dupes : Staline et l'invasion allemande, Paris, Les Belles Lettres, , 727 p. (ISBN978-2-262-03402-3).