Le titre fait référence au morceau de George GershwinI Got Rhythm, dont Rhythm-a-Ning emprunte la progression d'accords (« rhythm changes »)[2].
Analyse
Dans ce morceau, la mélodie de Monk suit très librement la grille d'accords d'I Got Rhythm. C'est un procédé très fréquent dans la musique du pianiste : il souligne rarement l'harmonie, l'approchant de biais, comme dans Evidence ou Criss-Cross[3]. Pour autant, c'est une mélodie assez simple et très facilement chantable[3].
La mélodie principale est basée sur deux arpèges répétés avec un déplacement rythmique (mesures 1-2). Cette phrase est suivie d'une gamme brisée descendante (mesures 3-4)[3]. Le thème se poursuit avec un riff de trois notes (fa-sol-la bémol) joué deux fois. Ce motif est ensuite rejoué, mais déplacé de deux temps, ce qui donne des accents différents[3]. Ce type de déplacement rythmique est classique du style de Monk, et on en trouve de nombreux exemples dans ses improvisations, ainsi que dans ses compositions (par exemple dans Blue Monk, Epistrophy, In Walked Bud, Well, You Needn't…)[3],[1].
La section B, le pont, se base largement sur la gamme par tons, très fréquente dans la musique de Monk[3]. En harmonie du jazz, on peut associer un accord de dominante à une des gammes par tons, ce que fait Monk jusqu'à la fin du pont, où il joue la « mauvaise » gamme sur l'accord de Fa7, créant une sévère dissonnance[3].
Origine de la mélodie
Monk n'est pas l'inventeur de la mélodie des quatre premières mesures de Rhythm-a-Ning, qui remonte au moins aux années 1930. On trouve de nombreuses improvisations et compositions, basées sur les rhythm changes, qui utilisent ces deux triades suivies d'une gamme brisée, sous une forme ou une autre : ce riff faisait probablement partie du vocabulaire des musiciens dans les années 1930 et 1940[4],[3],[5] :
I've Got the World on a String par Teddy Bunn avec l'orchestre de Red McKenzie (1934)
Walking and Swinging, joué par l'orchestre d'Andy Kirk en 1936, composé et arrangé par Mary Lou Williams, amie et mentore de Monk[6],[2]. Cette version est celle qui se rapproche le plus de Rhythm-a-Ning, avec deux triades et la gamme brisée, et probablement la première occurrence à être écrirte[5],[7]
Monk s'inscrit donc dans une lignée de compositeurs utilisant ce riff[11]. Pour autant, c'est sa version qui au fil du temps est devenue la référence[5].
Enregistrements
Par Thelonious Monk
Thelonious Monk a enregistré ce morceau à plusieurs reprises :
Gil Evans a réalisé deux arrangements de Rhythm-a-Ning, un premier en 1976 et un second en 1987, joué par le big band Lumière de Laurent Cugny. Ce morceau donne son titre à l'album du big band(en) publié en 1988[1].
De nombreux autres musiciens ont enregistré Rhythm-a-Ning, notamment[12] :
↑(en) Robin D.G. Kelley, Thelonious Monk : The Life and Times of an American Original, Free Press, , 588 p. (ISBN978-0-684-83190-9, lire en ligne), p. 271.