Dès les débuts de la presse, et notamment à partir du XVIIe siècle, les « nouvellistes » alimentent les gazettes en informations de toutes sortes récoltées dans les villes où ils se rendent, dans les salons et les tavernes où ils laissent traîner une oreille, ou auprès de personnalités qu'ils fréquentent[1].
Peu à peu, les nouveaux moyens de communications (télégraphe, téléphone, radio) permettront de transmettre l’information de plus en plus rapidement, presque en direct.
Le reporter, spectateur engagé
À l'aube du XXe siècle, le reportage devient le genre aristocratique du journalisme, et en particulier le « grand reportage », qui met en valeur le style et la personnalité du reporter, et souvent aussi son courage.
Le traitement de l'information laisse alors apparaître une différence fondamentale entre les journalistes américains et leurs confrères européens, les premiers cherchant à transcrire la réalité à l'état brut, les seconds privilégiant l'interprétation personnelle des événements. L'opposition entre objectivité et subjectivité, les notions de professionnalisme et d'indépendance ne cesseront alors de traduire une certaine conception du reportage.
Témoin des événements qu’il rapporte, le reporter est aussi d'une certaine manière le représentant de ses lecteurs sur le terrain[4]. Il doit rapporter les faits, mais aussi les questionner en s'informant auprès de sources officielles et alternatives, et apporter un regard curieux et critique sur les événements.
En France, les grands quotidiens de l'entre-deux-guerres, comme Le Matin, l'Excelsior ou Le Petit Parisien utilisent abondamment le reportage, qui s'apparente parfois à la littérature de voyage, pour attirer des lecteurs. La révolution russe, l'avènement d'Adolf Hitler au pouvoir et la guerre d'Espagne fournissent des thèmes de choix aux reporters. Après les grands événements comme les guerres de Corée et du Vietnam, le reportage écrit (assuré notamment par des « envoyés spéciaux ») est de plus en plus concurrencé par le reportage radiophonique et télévisé.
Le reportage filmé
C'est à la fin du XIXe siècle que les actualités cinématographiques s'ouvrent au reportage filmé. Il vient avec le développement d'appareils comme la caméra cinématographe. Les frères lumières envoient leurs opérateurs Francis Doublier, Alexandre Promio, Félix Mesguich et Marius Chapuis collecter des images de partout en Europe afin d'enrichir les programmes des salles de cinéma. Ils vont à Munich, Berlin, Varsovie ou encore Saint-Pétersbourg ramener ce que furent les premiers reportages vidéo.
Les premiers reporters furent Francis Doublier, Alexandre Promio, Félix Mesguich et Marius Chapuis. Ils vont à Munich, Berlin, Varsovie ou encore Saint-Pétersbourg. "J'allais dans toutes les villes du monde où il y avait l'électricité", dit Francis Doublier.
En 1908, Pathé créé le Pathé Journal, qui fait la part belle aux séquences tournées sur les lieux mêmes de l'événement.
Les actualités cinématographiques diffusées en salle ont pratiquement disparu aujourd'hui en Occident. Elles ont laissé la place aux actualités des journaux télévisés. Ces émissions sont réalisées par les rédactions des chaînes de télévision à partir d'images et de sons produits par ces chaînes elles-mêmes ou fournis par les agences de presse télévisée présentes dans le monde entier.
Autant que le documentaire, le reportage filmé est guidé par le choix d'un « angle », c'est-à-dire d'un point de vue subjectif qui servira de fil conducteur. Sa mission n'est pas de développer une problématique mais plutôt d'apporter un éclairage complémentaire à une information d'actualité (News coverage, reporting)[5].
Un reportage filmé ne peut prétendre faire œuvre d'objectivité. Le choix de l'angle, des témoins interrogés, des lieux et des événements filmés constitue déjà un parti pris. La manière de filmer est aussi un élément subjectif qui révèle la personnalité et les intentions du journaliste.
Pour le sociologue Pierre Bourdieu, le reportage est victime de la logique commerciale du journalisme qui privilégie les sujets « qui font vendre » et les personnalités « qui passent bien »[6].
Notes et références
↑Raymond Manevy, La presse française de Renaudot à Rochefort, Foret, 1958.
↑Francis Balle, Et si la presse n'existait pas..., J.-C. Lattès, 1987.
Marc Martin, Les grands reporters : Les débuts du journalisme moderne, Louis Audibert Editions, 2005
Alain Accardo, Journalistes au quotidien : essais de socioanalyse des pratiques journalistiques, Le Mascaret, 1995. Réédition dans une version complétée : Journalistes précaires, journalistes au quotidien, Agone, Marseille, 2007. (ISBN978-2-7489-0064-4)
Mélodie Simard-Houde, « Les avatars du ‘‘Je’’. Roman et reportage dans l’entre-deux-guerres », Études françaises, vol. 52, no 2, , p. 161-180 (lire en ligne).