Le pic du Canigou (catalan : Pica del Canigó) est le haut sommet le plus oriental des Pyrénées, culminant à 2 785 mètres d'altitude. Il fait partie du massif du Canigou, dont il est le point culminant, et il est situé dans le Conflent, dans le département français des Pyrénées-Orientales.
Toponymie
Formes du nom
La première forme connue du nom apparaît en 949 avec Montis Canigonis. On trouve ensuite, également au Xe siècle, Monte Canigone, Chanigono et Canigonis, puis au XIe siècleMonte Kanigonis et Kanigoni. La forme moderne Canigó apparaît pour la première fois en 1300[3].
En français, si la graphie Canigou est la forme traditionnelle, elle est de plus en plus critiquée et tend à être remplacée par Canigó[6],[7],[8]. L'IGN a, par exemple, fustigé une « toponymie malmenée par une ancienne tradition de francisations » et conduit depuis 1983 un programme de correction toponymique dans les Pyrénées-Orientales[6],[8] ; le pic constitue cependant une exception et est désigné par une double mention, « pic du Canigou (pic del Canigó) », aux échelles 1:25 000 et inférieure[2]. La législation française mentionne les deux formes côte à côte[9],[10], et en 2012 le pic a été labellisé Grand Site de France sous le nom de massif du Canigó[11],[12],[13]. Le journal régional francophone L'Indépendant, quant à lui, utilise indifféremment les deux formes[14],[15],[16],[17].
Étymologie
Sans forme connue du nom avant le Xe siècle, on ne peut faire que des suppositions sur son origine. Néanmoins, l'une d'elles semble plus probable. Le nom Canigou est sans doute un composé tautologique basé sur la racine pré-indo-européennekar ou kan répétée pour obtenir kankan. Kan prendrait pour le premier élément le sens de sommet rocheux et pour le deuxième à travers une forme plus tardive et apparentée au grec konos le sens de sommet en coin. Une évolution vers kani-kone aurait abouti à Canigó par affaiblissement du c intervocalique et enfin la chute du n en fin de nom ayant pour effet de produire un o accentué[3].
Parmi les autres explications se trouvent diverses origines linguistiques. Quoique pas toujours impossibles, elles semblent toutefois peu probables, notamment par le simple fait qu'une montagne aussi imposante que le Canigou a sûrement été nommée bien avant l'arrivée des Romains. Une origine latine du nom pourrait donner lieu à plusieurs explications. Cani (« chien ») suivi de jugum aurait désigné un sommet en forme de croc de chien. Canum (« blanc ») suivi de jugum (« sommet ») aurait le sens de sommet enneigé. Malheureusement en catalan, jugum se transforme généralement en jou et non en gou. On aurait aussi pu avoir canum suivi de conus (« cône ») pour désigner un sommet conique enneigé. Cependant, il est très improbable que le u atone de canum se soit transformé en i[3]. Il n'est pas rare que des sommets prennent des noms de personnes, tel le pic de Bugarach. On a pu donc y voir un nom de personne germanique, Canico, par rapprochement avec celui avéré au Moyen Âge de Enneco. Canico proviendrait du nom de personne Cani et signifiant utile, suivi du suffixe diminutif -k. On aurait alors eu un domaine de Canico dans les environs de Casteil où, justement, fut construite l'abbaye Saint-Martin du Canigou. Un passage de Canico vers Canicone aurait enfin donné Canigó, à l'instar d'exemples avérés tel que Ascahrone ayant donné Escaró non loin de là en Conflent[3].
Le pic du Canigou se trouve sur un axe orienté nord-sud allant du pic Joffre (2 362 m) au nord jusqu'au puig dels Tres Vents (2 731 m) au sud.
Une croix forgée trône au sommet du pic, elle y fut montée durant la Seconde Guerre mondiale par les scouts de la troupe Notre-Dame-la-Real de Perpignan (1943)[26].
Géologie
Le sommet du Canigou est constitué de l'orthogneiss de Quazemi, un orthogneiss à biotite riche en quartz et en feldspaths, issu d'un ancien graniteordovicien (~ 425 Ma) métamorphisé au cours de l'orogenèse varisque, au Carbonifère supérieur (~ 310 Ma). Cette roche affleure également sur l'intégralité des flancs ouest et sud du pic[27].
Hydrographie
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Climat
Bien que le climat dominant soit largement méditerranéen à sa base, l'ampleur et l'altitude du massif du Canigou le soumettent à plusieurs microclimats bien tranchés :
Il n'existe pas d'étage nival. Toutefois, un névé suspendu est présent vers 2 450–2 500 m, à la base des faces nord du pic du Canigou (2 785 m) et du pic Barbet (2 712 m).
Bien que variable d'une année à l'autre, l'enneigement est généralement continu au-dessus de 1 800 m, de la mi-novembre à la fin mai. Les températures sont de 12 °C en moyenne en juillet à −5 °C en janvier[b].
Histoire
Vers 1280 : première ascension attestée du Canigou par Pierre III d'Aragon, roi de la couronne d'Aragon (Pere III el Gran). Cette ascension est évoquée dans une chronique épique d'un moine italien du XIIIe siècle, Fra Salimbene. Il semble cependant que le monarque ne soit pas allé jusqu'au sommet du pic. En effet, le chroniqueur franciscain écrit que Pierre III vit au sommet un dragon sortant d'un lac. Cette indication pourrait correspondre au lieu-dit "Les Estanyols" (les étangs), environ 500 m en contrebas.
En 1834, le pyrénéisteVincent de Chausenque tente l'ascension du Canigou. Il est guidé par M. Villanova, maire de Corsavy, commune située sur le versant sud-est du massif, et connu pour ses talents de montagnard et de chasseur d'isards[23]. Dans les années 1860, le pyrénéiste Henry Russell fait l'ascension de plusieurs sommets des Pyrénées-Orientales et effectue notamment l'aller-retour de Vernet-les-Bains au sommet du Canigou en dix heures. Il le compare à la ville anglaise de Manchester, car il n'a jamais pu profiter de la vue en raison de la présence continue de nuages[20].
Durant la Seconde Guerre mondiale, les scouts de la troupe Notre-Dame-la-Real, accompagnés de leur aumônier, partent de leurs locaux de Perpignan, afin de monter au pic du Canigou la croix forgée qui y trône toujours. Depuis lors, chaque année, les scouts de la Real gravissent le pic.
L'été, cette ascension est plutôt accessible à des randonneurs moyennement expérimentés, où de nombreuses personnes se pressent pour gravir son sommet à partir du refuge des Cortalets, notamment pour la fête de la Saint-Jean, le 22 juin, où des centaines de personnes montent au sommet du Canigou pour allumer un feu et le surveiller toute la nuit. Au lever du jour, des groupes descendent du Canigou et vont avec des torches dans toutes les directions pour transmettre les différents feux de la Saint-Jean répartis en Catalogne.
On peut également accéder au sommet par sa face sud à partir du refuge de Mariailles, par un itinéraire plus alpin que le précédent. La principale difficulté de cet itinéraire est la Cheminée qui constitue le couloir final sous le sommet. Cette Cheminée, d'un dénivelé de 70 mètres, se resserre au fur et à mesure qu'on grimpe. Elle n'est pas équipée et nécessite de poser les mains et les pieds pour se hisser au sommet. Très fréquenté en été, il est accessible à tout randonneur endurant.
Un itinéraire de crêtes emprunte une variante de la Haute route pyrénéenne (HRP). Il démarre des anciennes mines de fer de Batère, monte au col de la Cirera (1 731 m), gravit le pic Gallinasse, puis contourne par la gauche le signal du Puig del Roc Nègre, et enfin longe le pic Sec pour donner accès à l'ascension du couloir sous le sommet (les randonneurs locaux parlent de la cheminée du Canigou)[29].
L'hiver, le sommet est plus difficilement accessible, notamment par la face sud.
Chaque année se déroule la Course du Canigou, une épreuve de trail (course nature) sur une boucle d'environ 34 km avec un dénivelé cumulé de plus de 4 200 m, sur les chemins forestiers et sentiers de montagne entre Vernet-les-Bains (650 m) et le pic du Canigou (2 785 m)[30].
Culture
Le Canigou est un véritable symbole national en Catalogne, inspirant des poètes comme Jacint Verdaguer (Canigó), ou des chansons populaires.
↑La première prononciation est celle locale du Roussillon, la deuxième celle du catalan standard. Une caractéristique du dialecte roussillonnais est la prononciation du ó final comme [u] (« mou ») plutôt que [o] (« maux »), ce qui explique les deux formes. Cependant, cette différence n'a pas d'incidence sur l'orthographe.
↑Station Météo France située à 2 160 m, à proximité du chalet des Cortalets.
↑ a et bJoan Becat, « La correction toponymique du cadastre et des cartes au 1:25000 de l'Institut géographique national dans l'aire catalane (Pyrénées-Orientales). Bilan 1983-2006 », Nouvelle revue d'onomastique, vol. 47-48, , p. 7-23 (lire en ligne, consulté le ).
↑G. Guitard, J. Geyssant, B. Laumonier, A. Autran, M. Fonteilles, B. Dalmayrach, J.-C. Vidal, Y. Bandet, Carte géologique France (1/50 000), feuille Prades (1095), Orléans : BRGM, 1992. Notice explicative par G. Guitard et alii, 1998, 198 p.
Jean-Michel Delaplace, « L’alpinisme et le thermalisme comme expression de la vie mondaine dans les Pyrénées-Orientales avant 1914 : l’épopée du Canigou (1881-1914) » inChristian Desplat (directeur), L'homme du Midi. Sociabilités méridionales, 126e congrès national des sociétés historiques et scientifiques de 2001, Toulouse, 2003, p. 83-95