Elle rejoint, deux ans plus tard, les services de la Commission européenne, aux côtés de Neelie Kroes. Elle est alors la plus jeune directrice générale adjointe de l'institution. Elle passe sous l'autorité de Michel Barnier en et travaille sur le projet d'Union bancaire. Elle y devient, en , directrice générale du Budget, où elle établit le cadre financier du budget -. Elle est la fonctionnaire espagnole exerçant les plus hautes responsabilités au sein de l'institution.
Elle est au centre d'une polémique — alimentée par l'Alliance populaire (AP) et le journal ABC — en . Elle est filmée en train de voter lors du référendum sur le maintien dans l'OTAN, bien qu'elle n'ait que 17 ans et six mois[2]. Peu après, son père se trouve relevé de ses fonctions, sur décision de Felipe González[4].
Nadia Calviño commence à travailler, en , comme consultante économique dans plusieurs cabinets d'avocats, puis en tant qu'interprète. Deux ans plus tard, elle obtient une licence en sciences économiques à la prestigieuse université complutense de Madrid (UCM). Elle y devient professeur associée en politique économique et système financier[6],[2].
Nadia Calviño entame ensuite son ascension. D'abord responsable de la lutte anti-fraude au service de la Protection de la concurrence en , elle est désignée deux ans plus tard directrice adjointe des Analyses macro-économiques et des Prévisions au sein de la direction générale de la Politique économique, puis directrice de cabinet du directeur général de la Politique commerciale et des Investissements étrangers en [8].
En , le nouveau ministre de l'Économie et des Finances, Pedro Solbes, choisit Nadia Calviño comme directrice générale de la Protection de la concurrence[9].
Elle participe, en , à la présentation du livre blanc sur la réforme du système financier, aux côtés de Solbes et du secrétaire d'État à l'Économie, David Vegara, qui propose la création de la Commission nationale de la concurrence (CNC)[11]. Le livre blanc aboutit, deux ans plus tard, à l'adoption par les Cortes Generales de la loi relative à la protection de la concurrence (LDC)[12].
Après l'annonce de l'offre publique d'achat (OPA) de Gas Natural sur Endesa, en , Solbes la charge de rédiger l'avis du gouvernement et lui donne des instructions précises pour qu'elle réforme le cadre réglementaire du secteur de l'énergie. L'objectif poursuivi est alors de modifier la législation pour que l'opération soit conforme à la réglementation, et qu'elle apparaisse bonne pour les consommateurs[13].
La Commission national de l'énergie (CNE) valide l'opération financière sous conditions en , tandis que le Tribunal de protection de la concurrence (TDC) s'y oppose . Un mois plus tard, le Conseil des ministres valide l'OPA, lui aussi sous conditions[14],[15],[16]. Finalement, Endesa sera achetée par un consortium entre Enel et Acciona un an plus tard[17].
Haute fonctionnaire européenne
Numéro deux de Kroes puis Barnier
Nadia Calviño quitte, en , la haute fonction publique espagnole pour rejoindre l'administration de la Commission européenne. Elle est initialement directrice générale adjointe des Fusions et de la Protection de la concurrence à la direction générale de la Concurrence (DG COMP), étant, à 38 ans, la plus jeune directrice générale adjointe de l'institution[18]. Sa nomination intervient alors qu'elle est l'interlocutrice choisie par l'exécutif espagnol pour discuter avec la commissaire européenne, Neelie Kroes — qui la recrute —, des éléments relevant du droit communautaire de l'OPA de Gas Natural[19]. Son départ du ministère était déjà pressenti, mais pour occuper le poste de déléguée commerciale de l'ambassade d'Espagne à Paris[20].
Elle est nommée, en , directrice générale adjointe des Services financiers à la direction générale du Marché intérieur et des Services[9]. Aux côtés de Michel Barnier, elle travaille sur les avant-projets d'Union bancaire et de Mécanisme de résolution unique, conséquence de la crise de la dette dans la zone euro[21]. En , du fait de ses bonnes relations avec Luis de Guindos, son nom est cité — avec celui d'Elvira Rodríguez — pour prendre la présidence d'une nouvelle autorité indépendante de régulation qui fusionnerait la Commission nationale de l'énergie, la Commission nationale des télécommunications, la Commission nationale du secteur postal et le Conseil national des médias audiovisuels[22].
Directrice générale du Budget
En , Nadia Calviño prend le poste de directrice générale du Budget (DG BUDG)[8]. Elle est ainsi la fonctionnaire de nationalité espagnole occupant les plus hautes fonctions au Berlaymont[23]. Elle travaille principalement avec Kristalina Gueorguieva, puis Günther Oettinger. Ayant autorité sur cinq directions et 450 fonctionnaires, elle établit avec ses services le cadrage financier du budget européen pour la période entre les années et [24].
Ministre de l'Économie
Prise de fonction
Le , la presse révèle que Nadia Calviño sera nommée ministre de l'Économie et des Entreprises au sein du premier gouvernement, minoritaire, du socialiste Pedro Sánchez[4]. Son nom avait récemment été évoqué par le parti Ciudadanos (Cs) pour le poste de gouverneur de la Banque d'Espagne[5]. Sa désignation est perçue comme un message de tranquillité, de rigueur et de stabilité envoyé par Sánchez aux autorités européennes[23]. C'est l'ancien secrétaire général du PSOE puis commissaire européen à la Concurrence, Joaquín Almunia, qui a suggéré la désignation de Calviño — avec qui il a travaillé à la Commission européenne — à Sánchez[2]. Peu avant sa désignation, elle était effectivement citée — avec l'ancien ministre Jordi Sevilla et l'ex-secrétaire d'État David Vegara — comme potentielle titulaire du ministère responsable de la politique économique[25]. Proche du Parti socialiste, elle n'en est pas membre[26].
Elle présente un profil social-libéral, plus technique que politique, et très europhile[27]. De fait, elle détonne avec le principal conseiller économique de Sánchez, le secrétaire à la Politique économique du PSOE, Manu Escudero, qui promeut une forme de revenu de base pour les plus défavorisés, la création d'une banque publique et une fiscalité spécifique sur les activités bancaires pour financer les pensions de retraite[10].
Prenant ses fonctions deux jours plus tard, elle juge que le nouvel exécutif propose « un programme modernisateur, féministe et européen ». Elle rend hommage à son prédécesseur, Román Escolano, qu'elle présente comme un ami, rappelant qu'il l'a aidée à préparer son concours, et le salue pour avoir « pris une décision difficile et courageuse de par son engagement avec l'Espagne », en référence à sa démission de la Banque européenne d'investissement (BEI) pour intégrer l'exécutif moins de trois mois plus tôt[28].
Le nouveau président du gouvernement lui confie la présidence de la commission déléguée des Affaires économiques, faisant d'elle la coordonnatrice de la politique économique du cabinet. Depuis , cette responsabilité relevait directement du chef de l'exécutif. De plus, le bureau économique du président du gouvernement (OEPG) est supprimé au profit d'une simple direction générale, Sánchez cherchant à éviter les frictions ayant existé entre les directeurs de l'OEPG et les ministres de l'Économie lors des mandats de ses prédécesseurs[29].
Exercice du mandat
En 2019, Nadia Calviño refuse de se présenter aux élections générales d'avril puis de novembre[30]. Lors d'un débat télévisé dans le cadre de la campagne des élections de novembre, Pedro Sánchez annonce qu'il confirmera Nadina Calviño dans ses fonctions, avec le titre de vice-présidente du gouvernement s'il se maintient au pouvoir[31].
Le , deux jours après que Sánchez a remporté l'investiture du Congrès des députés, la présidence du gouvernement confirme qu'elle sera effectivement vice-présidente du gouvernement et que les compétences de son ministères seront élargies au numérique[32]. Nommée troisième vice-présidente — sur quatre — et ministre des Affaires économiques et de la Transformation numérique, elle prête serment devant le roi Felipe VI et Pedro Sánchez, au palais de la Zarzuela, le [33].
Le , elle annonce sa candidature à la présidence de l'Eurogroupe pour prendre la suite du ministre portugais des Finances, Mário Centeno, qui ne se représente pas. Bénéficiant de plusieurs atouts, comme son parcours dans les institutions européennes, qu'elle soit la seule postulante appartenant à la famille sociale-démocrate alors que la répartition des responsabilités communautaires répond à un certain équilibre politique, et qu'elle soit une femme dans un milieu historiquement dominé par les hommes, elle fait face à ses collègues irlandais, Paschal Donohoe, et luxembourgeois, Pierre Gramegna[34]. Elle parvient à rallier les soutiens de l'Allemagne, la France et l'Italie, soit les trois plus importantes économies de la zone euro[35]. Au premier tour le , elle remporte neuf voix sur dix-neuf, mais elle rate l'élection au second tour au profit de Paschal Donohoe, qui bénéficie d'une alliance des petits pays et de son appartenance au Parti populaire européen, majoritaire au sein de l'instance[36]. Cette défaite — inattendue au sein du gouvernement espagnol — est exploitée par le Parti populaire (PP) et Ciudadanos, qui dénoncent que les partenaires européens de l'Espagne n'ont pas voulu faire confiance à une ministre issue d'un gouvernement de coalition avec la gauche radicale, ce à quoi José Luis Escrivá leur rétorque qu'en 2015, le ministre espagnol de l'Économie, Luis de Guindos, avait dû se retirer avant même la tenue du scrutin[37].
Après que le deuxième vice-président et ministre des Droits sociaux, Pablo Iglesias, a annoncé son départ du gouvernement pour se présenter aux élections régionales intercalaires à Madrid, lui et Pedro Sánchez s'accordent le sur un remaniement ministériel : Nadia Calviño reprend son titre au détriment de la ministre du Travail, Yolanda Díaz, appelée à devenir troisième vice-présidente. Protocolairement et politiquement, le président du gouvernement souhaite en effet que la ministre de l'Économie se situe au-dessus de celle du Travail[38]. Elles prêtent serment, ainsi que la nouvelle ministre des Droits sociaux, Ione Belarra, le à la Zarzuela[39]. Un nouveau remaniement intervient le suivant, à l'occasion duquel elle est promue première vice-présidente de l'exécutif[40].
Elle s'emploie notamment à contenir les initiatives de la gauche radicale de rassurer les marchés et le patronat, tout en garantissant le respect d’une certaine orthodoxie économique[30].
Elle s'oppose régulièrement, au sein du gouvernement, à Yolanda Díaz, notamment sur la question de l’augmentation du salaire minimum, souhaitée par celle-ci[41]. À la fin de l'année , elle s'élève de nouveau contre sa collègue au sujet de sa réforme du Code du travail, revendiquant de conserver les principaux points de la réforme adoptée en 2012 par le gouvernement de Mariano Rajoy[42]. Elle s’est aussi montrée critique envers l’approbation du congé menstruel, craignant qu’il ne « stigmatise » les femmes, et a imposé ses limites à la loi « Riders », pour éviter que les travailleurs de plates-formes numériques de services issus d’autres secteurs que la livraison de repas soient obligatoirement salariés. Elle s’est aussi opposée à l’idée de limiter à 3 % de manière permanente les hausses maximales des prix du loyer[30].
Elle refuse de nouveau d'être candidate lors des élections générales anticipées du 23 juillet 2023[30], qui consacrent le maintien de Sánchez au pouvoir. Le suivant, lors de la formation du gouvernement Sánchez III, elle est reconduite au comme première vice-présidente et ministre de l'Économie, du Commerce et des Entreprises[43].
Présidente de la BEI
Nadia Calviño est désignée présidente de la Banque européenne d'investissement (BEI) par les ministres de l'Économie de l'Union européenne le , défaisant notamment la commissaire européenne Margrethe Vestager après s'être assurée le soutien de l'Allemagne puis de la France, les deux principaux actionnaires de la BEI. Elle entre en fonction le [44]. Le , Pedro Sánchez la remplace par le secrétaire général du Trésor, Carlos Cuerpo, comme ministre de l'Économie et par la ministre des Finances, María Jesús Montero, comme première vice-présidente[45].
Notes et références
Notes
↑Ministre de l'Économie et des Entreprises de 2018 à 2020, puis Ministre des Affaires économiques et de la Transformation numérique de 2020 à 2023.
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