Le mouvement de l'École libre désigne une campagne, qui a culminé avec la manifestation géante du à Paris, pour mettre en échec le projet de loi Savary visant à intégrer en France les écoles privées à un « grand service public ». Ce mouvement est réputé avoir contribué à la chute du gouvernement de Pierre Mauroy le .
Cet engagement s'est traduit par un projet de loi annoncé en , visant dans un premier temps la constitution d'« établissements d'intérêt public » (EIP) qui associeraient les écoles publiques, les écoles privées et les collectivités territoriales, avec la perspective d'intégrer les maîtres du privé dans la fonction publique.
Le , le Premier ministre Pierre Mauroy annonce la titularisation de 15 000 maîtres du privé. Le projet de loi est présenté à l'Assemblée nationale dans une forme atténuée, puisqu'il n'est plus question de l'intégration des écoles privées aux EIP. Mais le député socialiste André Laignel propose deux amendements, l'un limitant la création d'écoles maternelles privées, et le second soumettant le maintien des contrats entre l'État et chaque établissement privé d'enseignement à l'intégration progressive à la fonction publique d'au moins la moitié des maîtres de l'établissement.
La naissance du mouvement
Le mouvement a été essentiellement animé par deux responsables de l'enseignement privé catholique français : Pierre Daniel, président de la fédération des parents d'élèves UNAPEL ; et le chanoine Paul Guiberteau, secrétaire général de l'enseignement catholique français.
Engagés au cours de l'année 1983 dans des négociations avec le ministère de l'Éducation nationale, ces responsables ont été progressivement poussés par les parents d'élèves du privé, ainsi que par les responsables politiques d'opposition et la presse sympathisante, à engager une épreuve de force plus ouverte avec le gouvernement en 1984[3].
Manifestations en régions
Au premier semestre 1984, alors que se poursuivaient des contacts entre les responsables de l'enseignement catholique et le gouvernement, les défenseurs de l'école privée organisèrent une série de manifestations en régions et à Versailles afin de prouver leur capacité de mobilisation.
À Bordeaux, le , environ 60 000 manifestants se sont rassemblés, alors que la décision de manifester n'avait été prise que deux semaines auparavant. À cette occasion, l'archevêque de Bordeaux, MgrMarius Maziers et le chanoine Guiberteau prennent la parole.
À Lyon, le , entre 100 et 150 000 manifestants se rassemblent ; puis entre 200 et 250 000 à Rennes le et entre 250 000 et 300 000 à Lille le [3].
À Versailles, le , plus de 500 000 personnes selon la police (800 000 selon les organisateurs et Le Figaro[4], près de 600 000 selon le quotidien Le Monde) se rassemblent devant le château après avoir convergé en quatre cortèges partant de différents points de la ville. Pierre Bellemare assurait l'animation à partir d'un podium géant de couleur bleue frappé de l'inscription « Liberté ». Différents responsables politiques, d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing à Jean-Marie Le Pen, étaient présents dans le cortège, mais maintenus à l'écart du podium par des organisateurs qui se voulaient apolitiques[5].
La manifestation du 24 juin à Paris
À la suite des amendements Laignel et de l'adoption du projet de loi Savary en première lecture par les députés, les défenseurs de l'école privée décidèrent d'organiser une grande manifestation nationale à Paris. La date choisie, le , était une semaine après les élections européennes.
Les dirigeants de l'enseignement catholique étaient à l'origine réticents à l'idée d'organiser cette démonstration de force[3].
La manifestation géante rassemble deux millions de personnes selon les organisateurs, et au moins 850 000 selon la police[6],[7].
Les projets de Jean-Pierre Chevènement donnent lieu à un nouveau mouvement d'opposition, animé par des « comités de vigilance » établis lors du mouvement d'opposition au projet Savary. Le , des parents d'élèves nantais construisent symboliquement une « école libre » devant la gare de Paris-Montparnasse à Paris, avant d'être chassés par la police[9].
L'hymne du mouvement, repris lors des manifestations, était Quand tu chantes, je chante avec toi liberté, sur l'air du chœur des esclaves de Nabucco de Verdi réécrit et chanté par Nana Mouskouri[4].
Dans la culture populaire
Le mouvement a inspiré au chanteur Michel Sardou, qui a participé à la manifestation du 24 juin 1984 à Paris[10], la chanson Les Deux Écoles[11], sortie le .
↑Bernard Toulemonde, Petite histoire d'un grand ministère, 1988, p. 247.
↑ ab et cJean-Paul Visse, La question scolaire, 1975-1984 : évolution et permanence, Presses Univ. Septentrion, , 537 p. (ISBN2-85939-479-6, lire en ligne).
↑ a et b« Le 24 juin 1984, le jour où la droite a pris la Bastille », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le )
↑« Trois heures pour construire une école », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Patrick Buisson, Hervé de Canteloube, Paris, 24 juin 1984 : L'École libre est dans la rue, documentaire, 1984, 52 min (« L'École libre est dans la rue »)