Monique Laks est une ancienne enseignante de sociologie à Bordeaux et militante politique engagée pour l'indépendance de l'Algérie. Elle est née le à Paris et décédée le à Pessac.
Biographie
Monique Laks s'installe en Tunisie à la fin des années 1950 pour rejoindre son compagnon Michel Mazières, déserteur de l'armée française pendant la guerre d'Algérie[1]. Elle figure parmi les premiers étudiants de la licence de sociologie créée en 1959 à l'Institut des Hautes Études à Tunis[2]. Elle mène par la suite des enquêtes pour le Centre d'Afrique du Nord de l'Institut de science économique appliquée[3]. En 1964, elle publie deux ouvrages qui restituent les résultats de ses recherches, menées entre 1962 et 1963 sur les coopératives de tisserands et les travailleurs des chantiers en Tunisie. À partir de 1959, elle participe à la rédaction du journal El Moudjahid, organe de presse du FLN algérien. Elle alimente la rédaction en documentation sur la presse internationale[4].
C'est l'une des « Pieds-rouges », nom donné aux militants de gauche qui s'installent en Algérie après son indépendance. Elle quitte Tunis en 1963 et devient chargée de cours en sociologie à Alger en tant que coopérante civile, tandis que son conjoint est assistant à la faculté de droit[5]. Ils défendent le gouvernement d'Ahmed Ben Bella et les expériences d'autogestion qui ont lieu en Algérie à cette époque.
Comme d'autres soutiens d'Ahmed Ben Bella, ils sont arrêtés en 1965 lors du coup d'État de Houari Boumédiène[5],[6],[7]. Plusieurs des personnes arrêtées sont torturées[8]. Monique Laks aurait été violée par ses tortionnaires, et son compagnon Michel Mazières aurait également été torturé[9].
Dans la plupart des sources, Monique Laks et Michel Mazières sont considérés comme des militants trotskistes proches de Michel Pablo et de la Quatrième Internationale, bien que l'organe de presse la section française les déclare comme « inorganisés » au moment de leur arrestation en 1965[10],[11],[6],[7],[12].
En 1966, elle participe à la création de la revue Autogestion, aux côtés de Daniel Guérin, Georges Gurvitch ou encore Henri Lefevbre[13],[14]. Elle soutient en 1968 une thèse de doctorat à la Sorbonne sous la direction de Pierre George : « Mode de gestion ouvrière et transition en société post-coloniale : l'autogestion des unités industrielles en Algérie 1962-1965 »[15]. Elle en tire un livre publié en 1970 aux éditions de l'Atelier : « Autogestion et pouvoir politique en Algérie (1962-1965) ». Son livre fait l'objet de plusieurs recensions négatives : dans la revue Études internationales[16], Autogestions[17] et Le Mouvement Social[18]. Elle bénéficie cependant d'une lecture positive de la part d'Edwy Plenel sous son pseudonyme Joseph Krasny dans Quatrième internationale[19],[20].
Monique Laks, Les Tisserands du Sahel et la coopérative : enquête menée auprès des artisans de Monastir, Khniss et Sayada, mars-avril 1963, Tunis, Institut de Science économique appliquée, Centre d'Afrique du Nord, (présentation en ligne)
Monique Laks, Les travailleurs des chantiers de lutte contre le sous-développement à El-Djem et à Moknine (août et novembre-décembre 1962), Tunis, Institut de Science économique appliquée, Centre d'Afrique du Nord, , 166 p. (présentation en ligne)
Monique Laks, Mode de gestion ouvrière et transition en société post-coloniale : l'autogestion des unités industrielles en Algérie 1962-1965 (thèse de doctorat sous la direction de Pierre George), Paris, Université de la Sorbonne,
Monique Laks, Autogestion ouvrière et pouvoir politique en Algérie (1962-1965), Paris, Éditions de l'Atelier, , 336 p. (lire en ligne)
Notes et références
↑« Monique Laks », sur L'autogestion en Algérie, (consulté le )
↑ a et bRobert Lemasson, « Répression contre-révolutionnaire en Algérie », L’Internationale, no 37, , p. 1, 4 et 5 (lire en ligne)
↑Robert Merle, Les torturés d’El Harrach, Paris, Éditions de minuit, coll. « Documents », , 120 p. (lire en ligne), « Français expulsés d’Algérie », p. 107-108
↑René Gallissot, « BEAUMANOIR Anne, ex. Annette ROGER », dans Le Maitron, Paris, Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
↑Yvon Bourdet, « Cahiers « Autogestion ». Compte-rendu des premières séances », Autogestions, vol. 37, no 1, , p. 35–39 (lire en ligne, consulté le )
↑Claudie Weill, « La revue Autogestion comme observatoire des mouvements d'émancipation », L'Homme et la société, vol. 132, no 2, , p. 29–36 (DOI10.3406/homso.1999.3008, lire en ligne, consulté le )
↑André Vachet, « Laks, Monique, Autogestion ouvrière et pouvoir politique en Algérie (1962-1965), E.D.I., Paris, 1970, 335 p. », Études internationales, vol. 3, no 4, , p. 565–566 (ISSN0014-2123 et 1703-7891, DOI10.7202/700254ar, lire en ligne, consulté le )
↑Yvon Bourdet, « Monique Laks Autogestion ouvrière et pouvoir politique en Algérie (1962-1965) E.D.I., Paris, 1970 », Autogestions, vol. 15, no 1, , p. 183–191 (lire en ligne, consulté le )
↑René Gallissot, « Review of Autogestion ouvrière et pouvoir politique en Algérie (1962-1965) », Le Mouvement social, no 78, , p. 139–141 (ISSN0027-2671, DOI10.2307/3807058, lire en ligne, consulté le )
↑Joseph Krasny, « Autogestion ouvrière et pouvoir politique en Algérie de 1962 à 1965 », Quatrième Internationale, nouvelle série no 1, , p. 55-58
↑Malika Rahal (dir.), Les épreuves de la Guerre civile, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, , « Lutte des classes ou lutte à mort contre l’islamisme. La double perte de sens des communistes algériens (1988-1993) » :
« Lorsque militants ou intellectuels ne peuvent plus expliquer par le « social pur » pourquoi des ingénieurs ou des médecins perpètrent des attentats islamistes, c’est leur monde ordonné par la lecture marxiste, tiers-mondiste et révolutionnaire qui s’effondre, ajoutant au désarroi de la violence même. Ce désarroi s’était exprimé par exemple dans un séminaire de recherche animé à l’université de Bordeaux II autour de Monique Laks — elle-même ancienne militante de gauche ayant travaillé sur l’Algérie. L’interrogation des nombreux intervenants algériens (souvent marqués par une formation marxiste, même si presque aucun n’avait été militant du PAGS) sur « les facteurs » de la crise trahissait l’ampleur de ce qui s’effondrait alors. Le fait que, au moins dans un premier temps, les explications par le social pur semblaient impuissantes à rendre compte de la violence et d’une idéologie religieuse aussi puissante. »
« Classé 3e sur 50 à mon DEA de sociologie, une mention Bien qui me comble et le souvenir doux d’une soutenance entre Didier Lapeyronnie et Monique Laks (†). [p. 15] »
Sylvain Pattieu, Les camarades et les frères. Trotskistes et libertaires pendant la guerre d'Algérie, Paris, Syllpense, , 252 p. (ISBN2-913165-82-6, présentation en ligne)
Catherine Simon, Algérie, les années pieds-rouges. Des rêves de l'indépendance au désenchantement (1962 - 1969), Paris, La Découverte, , 294 p. (ISBN9782707169730, présentation en ligne)