Midas est le nom porté par plusieurs rois de Phrygie dont le plus connu, qui règne dans la seconde moitié du VIIIe siècle av. J.-C., est qualifié par Hérodote de « premier des Barbares »[1] et dont la tradition mythologique grecque fait le fils de la déesse phrygienne Cybèle et du roi Gordias, fondateur de la ville de Gordion et créateur du nœud gordien[2]. Midas est ainsi l'objet de plusieurs légendes liées notamment à la richesse proverbiale de son royaume[1]. Ces légendes semblent apparaître à l'époque où l'influence des cités grecques gagne le royaume phrygien[1].
L'or de Midas
Suivant une légende rapportés par Ovide dans ses Métamorphoses[3], le satyreSilène, père adoptif et précepteur du jeune Dionysos, ayant bu plus que de raison, s'égare jusque sur les terres de Midas, qui le recueille et lui offre l'hospitalité[1]. Dionysos, à sa recherche, le trouve là et remercie l'hôte de celui qui l'a élevé en lui accordant un vœu. Midas demande alors la faculté de transformer en or ce qu'il touche. Désormais incapable de manger et de boire — tout aliment qu'il veut porter à sa bouche se transformant dans le métal précieux —, il supplie le dieu de reprendre son présent[1]. Pour conjurer le sort, Dionysos lui enjoint alors de se laver les mains dans les eaux du Pactole, dont les alluvions sableuses se chargent d'or[1]. Cette légende entend expliquer l'origine de l'or alluvionnaire charrié par le Pactole, auquel la Phrygie doit, avec ses mines de cuivre et de fer, une bonne partie de sa richesse[1].
Le mythe de Midas et de Dionysos illustre les effets négatifs d'un désir trop ardent, ainsi que la recherche du bonheur par l'accumulation des richesses, en contradiction avec la conception aristotélicienne du bonheur : Midas a la faculté de combler ses désirs d'accumulation de richesses en vue du bonheur parfait, mais sa capacité à transformer tout ce qu'il touche en or le coupe totalement de la vie normale, l'empêchant aussi bien de manger que de boire, mais le forçant par là-même à transformer ses proches en statues d'or dès qu'il les touche. Cette légende est à comparer à celle de Tantale. À l'inverse de Midas qui a le pouvoir d'assouvir pleinement son désir, Tantale lui n'est aucunement et jamais en mesure d'assouvir le sien[réf. nécessaire]. Platon fait référence aux richesses de Midas dans Les Lois[4] et La République[5], à propos de la fortune des hommes de bien.
Les oreilles d'âne
À la suite de cet épisode, Ovide rapporte une autre mésaventure du roi phrygien dans laquelle il se voit affublé d'oreilles d'ânes. L'existence de cette légende est déjà évoquée par Aristophane au Ve siècle av. J.-C.[6] et les représentations de Midas avec de telles oreilles sur des stamnos grecs attestent d'une origine plus ancienne encore[7]. Il est d'ailleurs vraisemblable que ce soit cette iconographie qui a motivé les tentatives d'explications chez les auteurs anciens et l'élaboration de récits légendaires qui connaissent plusieurs variantes au fil des siècles. Au tournant de l'ère commune, Conon le Mythographe[8] voyait d'ailleurs déjà dans ces légendes des constructions dérivées de la réputation qu'avait Midas, entretenant une armée d'informateurs pour se prémunir des complots, d'avoir de « grandes oreilles », transformées par la rumeur et au fil des ans en oreilles d'âne[9], initiant une légende dont Ovide livre la version la plus complète qui nous soit parvenue.
Suivant le récit d'Ovide, au livre XI de ses Métamorphoses[10], Midas, s'étant rapproché de la nature depuis l'épisode de l'or, suit le dieu Pan dans les montagnes où celui-ci attire et distrait les nymphes des environs par ses chants. Préférant ses pipeaux à la lyre d'Apollon, Pan défie ce dernier en un concours musical auquel assiste Midas, en compagnie de nymphes et de bergers, et que Tmolos, l'esprit du mont, est chargé d'arbitrer. Ce dernier tranche en faveur du dieu mais Midas, seul, conteste l'arbitrage, provoquant la colère d'Apollon qui affuble un si mauvais auditeur d'oreilles d'âne. Midas cache ses nouvelles oreilles sous « une tiare pourpre qui descend sur ses tempes », mais l'esclave en charge de le coiffer découvre le secret, qu'il ne peut retenir : il creuse alors un trou et divulgue son fardeau à la terre avant de le reboucher. Mais à cet endroit poussent bientôt des roseaux qui, chaque fois que le vent les fait frémir. bruissent des mots confiés à la terre : « Le roi Midas a des oreilles d'âne », éventant le secret[11].
Dans une autre version, que l'on trouve par exemple succinctement chez Hyginus, le concours oppose le satyreMarsyas et Apollon[12], et c'est Midas qui est directement chargé d'arbitrer le concours, avec le même résultat pour lui[13]. Une autre version encore le présente comme initié par Orphée et chargé à ce titre de l'arbitrage de la joute avec les Muses.Tandis que les Muses préfèrent Apollon au satyre, Midas choisit ce dernier, suscitant là également le courroux du dieu. Selon une autre version encore, rapportée au Moyen Âge par le Troisième Mythographe du Vatican, c'est un berger qui fabrique une flûte de l'un de ces roseaux et c'est de l'instrument que sort la révélation[14].
L'exploratrice Ella Maillart rapporte, dans un récit de voyage, une version de la légende attribuée aux Wusun : le barbier du roi confie le secret de ses oreilles d'âne à un puits, dont il néglige cependant de refermer l'orifice ; l'eau du puits déborde, noie le palais et engendre le lac actuel de l'Yssyk Koul, au Kirghizistan actuel[15].
Autres
Xénophon, dans son Anabase rapporte qu'une fontaine, à Thymbrée, porte le nom de Midas depuis qu'il a mélangé du vin à sa source pour y surprendre un satyre qu'il poursuivait[16].
Historicité
Midas est probablement inspiré de plusieurs personnages ayant réellement existé et ayant été rois de Phrygie entre la fin du VIIIe siècle av. J.-C. et le début du VIIe siècle av. J.-C. On trouve sous ce nom différents souverains phrygiens dont l'un aurait épousé Hermodiké ou Dèmodikè, la fille d'Agamemnon, roi de Cymé, une cité grecque d'Asie mineure. Un Midas serait mort au début du VIIe siècle av. J.-C., suicidé à la suite de l'invasion cimmérienne et la destruction de Gordion, la capitale de la Phrygie, en Il a été suggéré que le « tombeau de Midas », sur le site archéologique de Gordion, soit sa sépulture mais il a été démontré que cette sépulture datait du siècle précédent : ce tombeau étant daté des environs de à , il peut plutôt s'agir de l'un de ses prédécesseurs, peut-être son père[17].
1996 : Tomb Raider (premier jeu vidéo de la série, et son remake Tomb Raider: Anniversary) : la main du roi Midas transforme les lingots de plomb en or.
2010 : God of War (Ghost of Sparta) : Midas est l'un des personnages.
2013 : Dota 2 : l'objet Hand of Midas permet à son possesseur de générer de l'or.
↑ abcdef et gPhilippe Bouysse et François Girault, Gemmes, pierres, métaux, substances utiles : Florilège, de l'Antiquité aux Temps modernes, Saint-Denis, Connaissance et Savoir, (ISBN978-2-342-16409-1), p. 347-348.
↑(en) Charles Russell Coulter et Patricia Turner, Encyclopedia of Ancient Deities, Routledge, (ISBN978-1-135-96390-3), p. 136, 321.
↑une fugace mention dans Ploutos, XVII : « Le Chœur : « Est-il bien possible que nous allions devenir riches ? », Carion : « Eh morbleu ! même des Midas, si vous prenez des oreilles d’âne ».
↑Maya Vassileva, « King Midas : between the Balkans and Asia Minor », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 23, no 2, , p. 9–20.
Émile Chambry, Alain Billault, Émeline Marquis et Dominique Goust (trad. du grec ancien par Émile Chambry, préf. Alain Billault), Lucien de Samosate : Œuvres complètes, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN978-2-221-10902-1), « Le Coq ou le Songe ».
(de) Rostislav Oreshko, « The onager kings of Anatolia : Hartapus, Gordis, Muška and the steppe strand in early Phrygian culture », Kadmos, vol. 59, nos 1-2, , p. 77–128 (ISSN1613-0723).
(en) Susanne Berndt, « The King has Ass’s Ears! : The Myth of Midas’s Ears », dans E. Simpson (éd.), The Adventure of the Illustrious Scholar : Papers Presented to Oscar White Muscarella, Leiden–Boston, Brill, , p. 49-66.
Maya Vassileva, « King Midas in Southeastern Anatolia », dans Billie Jean Collins, Mary R. Bachvarova et Ian C. Rutherford (éds.), Anatolian Interfaces : Hittites, Greeks and their Neighbours, Oxbow Books, (ISBN978-1-84217-270-4), p. 165-171.
Maya Vassileva, « King Midas : between the Balkans and Asia Minor », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 23, no 2, , p. 9–20.
Lynn E. Roller, « The Legend of Midas », Classical Antiquity, vol. 2, no 2, , p. 299–313 (ISSN0278-6656).