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Mathilde de Morny, dite « Missy », « Yssim », « Oncle Max », « Max » ou encore « Monsieur le Marquis[1] », née le à Paris[2],[3] et morte le [3] dans la même ville[4] est une célébrité du Paris de la Belle Époque, qui porte le titre, par son mariage, de marquise de Belbeuf.
À la fois personnalité mondaine et artiste, Mathilde de Morny se fait remarquer par sa conduite jugée extravagante. Elle affiche ouvertement ses préférences sexuelles pour les femmes et entretient notamment une relation avec Colette. À cette époque où les amours féminines étaient relativement acceptées, elle est pourtant attaquée avec acharnement, surtout en raison de son attitude virile. Le port du pantalon par une femme pouvait scandaliser à une période où il n'était permis qu'après une autorisation dérogatoire accordée par l'autorité administrative pour motif particulier, comme par exemple pour l'artiste peintre Rosa Bonheur ou l'archéologue Jane Dieulafoy.
Biographie
Mathilde de Morny (assise, à gauche) et ses cousines Troubetskoï.Colette et Mathilde « Missy » de Morny.
Elle épouse en 1881 Jacques Godart de Belbeuf, sixième et dernier marquis de Belbeuf[3], qui la laisse libre de poursuivre ces liaisons[6] et dont elle divorcera en 1903, au grand désespoir de sa mère[5].
Grâce à sa fortune, « Missy », comme elle est surnommée, entretient de nombreuses femmes à Paris, y compris Colette et Liane de Pougy, avec lesquelles elle a des relations amoureuses[7]. Colette, l'écrivaine libertine, y est encouragée par son mari Willy, endetté et infidèle[8].
Le , elle se présente avec Colette sous l'anagramme d'Yssim dans la pantomimeRêve d'Égypte, au Moulin Rouge. Elle joue le rôle d'un égyptologue qui réveille une momie, jouée par Colette[8], en lui donnant un baiser. Le scandale est organisé par une cabale bien préparée[5]. À la première, une claque jette des projectiles tels que tabourets et cigarettes, et provoque une bagarre générale. Le préfet de police Louis Lépine suspend les représentations[3],[8]. Ce scandale dévoile au grand jour le comportement de Missy ; sa famille la rejette alors et cesse tout soutien financier[7]. Colette et « Missy » fréquentent également le Palmyr's Bar, établissement pour homosexuels et lesbiennes tenu par Palmire Dumont[10].
Le , « Missy » et Colette signent enfin l'acte d'achat[notes 1] du manoir de Rozven à Saint-Coulomb en Bretagne, le jour même où la première chambre du tribunal de grande instance de la Seine prononce le divorce de Colette et Willy[3]. La maison est meublée aux frais de Missy[5]. Lors de leur séparation un an plus tard Colette conserve la propriété de la maison[11],[8].
« Missy » inspire à l'écrivaine le personnage de la « Chevalière » du roman Le Pur et l'Impur, publié en 1932 et qu'elle apprécie peu[8]. Colette dira d'elle : « La Chevalière » qui, « en sombre ajustement masculin, démentait toute idée de gaieté et de bravade… Venue de haut, elle s'encanaillait comme un prince ».
Mathilde de Morny se fait appeler « Max », « Oncle Max »[6] ou bien encore « Monsieur le Marquis » par ses gouvernants[3].
Elle porte alors un complet veston (tenue interdite aux femmes) et caleçon d'homme, le cheveu court, fume le cigare comme avant elle George Sand[12],[6]. Elle ira jusqu'à se faire retirer les seins et l'utérus[13],[14],[15].
Fin , elle tente de se suicider mais est sauvée[3]. Complètement ruinée, elle se suicide un mois plus tard le en mettant la tête dans le four de sa cuisinière à gaz[12] et meurt à trois heures de l'après-midi[3].
La Belle Époque appartient aux belles hétaïres, aux demi-mondaines majestueuses et aux grandes amazones : Liane de Pougy, Jeanne de Bellune, Hélène de Zuylen, Natalie Barney, Renée Vivien… qui toutes affichent ouvertement leur préférence, mais jamais aucune de ces dames ne portera le travesti. C’est là une particularité que Missy partage avec les rares femmes qui osent braver l’interdiction qui leur est faite de porter le costume masculin. Méprisant toutes les conventions, Missy, affirme sa virilité… Incapable de situer ce personnage inclassable, l’époque s’en tient à la condamnation. Missy, sorte d’énigme mondaine et sociale de la Belle Époque, ouvre douloureusement la voie à la vaste question du genre et de l’identité sexuelle.
Activité artistique
Sous le pseudonyme d'Yssim (anagramme de Missy), elle fut sculpteur et peintre, élève du comte Saint-Cène[Qui ?] et du sculpteur Édouard-Gustave-Louis Millet de Marcilly, le père d'Édouard-François Millet de Marcilly sculpteur lui aussi.[réf. nécessaire]
Suite à tutelle, un buste en marbre anonyme (?) de "la marquise de Belbeuf, dite Missy" a figuré dans une vente aux enchères publiques à Cherré (72400) le 4 avril 2023 (reprod. coul. p.162 de "La Gazette Drouot" n°12 -24/03/2023).
Hommages
Max est l'un des 11 personnages jouables du jeu de rôleAbstract Aventures Steampunk, publié en mars 2020 par Les 12 Singes[16].
↑Nicole G. Albert, « De la topographie invisible à l'espace public et littéraire :les lieux de plaisir lesbien dans le Paris de la Belle Époque », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 4, nos 53-4, , p. 87-105 (lire en ligne)
↑Frédéric Maget, président de La Société des Amis de Colette dans La Marche de l'Histoire, « Colette en ses demeures », .
↑Julie Guillot, « Entrer dans la maison des hommes. De la clandestinité à la visibilité : trajectoires de garçons trans'/FtM », Sociologie, , p. 216 (lire en ligne, consulté le )