Un marché aux esclaves est un marché sur lequel sont vendus ou loués des personnes réduites en esclavage.
Antiquité
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Dans le monde grec antique, les plus grands marchés d'esclaves furent ceux de Thasos, d'Éphèse, de Délos et d'Athènes[1]. Selon le témoignage, tardif, du géographe grec Strabon, l'île de Délos pouvait chaque jour recevoir et exporter des dizaines de milliers d'esclaves[2],[3]. Les esclaves provenaient principalement de Thrace, de Scythie et d'Anatolie.
L'un des premiers marchands d'esclaves connus est un certain Panionios de Chios qui, au VIe siècle av. J.-C., achetait des jeunes esclaves pour les castrer et les revendre comme eunuques en Anatolie[4].
Le voyageur arabe Al-Yaqubi mentionne au IXe siècle un marché à Zawila, en actuelle Libye, qui « exportait des esclaves noirs » vers le monde arabo-musulman[6]. Les esclaves venaient des régions bordant le lac Tchad.
Au XIe siècle, l'historien arabe Al-Bakri indique que l'on trouve à Awdaghust (en actuelle Mauritanie) « des négresses qui sont d’excellentes cuisinières, dont chacune vaut au marché, au moins cent mithqal. C'est qu'elles savent préparer d'exquises pâtisseries : nougats aux noix, gâteaux au miel et autres sucreries » ; il ajoute : « On y rencontre (aussi) des jeunes filles au beau visage, au teint clair, au corps souple, aux seins bien droits, à la taille fine, aux épaules larges, à la croupe abondante, au sexe étroit : celui qui a le bonheur d'en posséder une y prend autant de plaisir qu'avec une vierge. »[14].
Aux XIVe et XVe siècles, Venise est l'un des marchés d'êtres humains les plus actifs du monde méditerranéen[16]. Les esclaves proviennent surtout des rives septentrionales de la mer Noire et du Caucase[17]. On trouve à la même époque des marchés aux esclaves à Gênes, et à Raguse, où l'on vendait notamment des Bosniens[18], adeptes du bogomilisme et considérés comme hérétiques par l'Église catholique : le fait que les bogomiles de Bosnie étaient considérés comme « schismatiques » représentait pour les marchands catholiques une bonne excuse pour les réduire en esclavage[19].
Au XVe siècle, l'historien portugais Gomes Eanes de Zurara a laissé la description du marché d'esclaves de Lagos au Portugal[20] ; ce « Mercado de Escravos », ouvert en 1444 après l'expédition en Afrique du navigateur Lançarote de Lagos, fut le premier grand marché d'esclaves noirs en Europe[21].
Époque moderne
Pour la traite des Blancs : le port de Caffa en Crimée, fut un important centre de traite des esclaves (russes, polonais, lituaniens, caucasiens, etc.) ; ces esclaves, capturés par les Tatars au cours de leurs razzias, étaient principalement destinés aux marchés de l'Empire ottoman. Les Tatars pratiquèrent ce commerce jusqu'à l'annexion de la Crimée par les Russes en 1783. L'on estime que jusqu’à 75 % de la population de Crimée se composait d’esclaves ou d'affranchis, et une grande partie de la population libre était impliquée dans la traite[22].
Pour la chrétienté, le pape Paul III (1534-49) interdit de façon absolue et définitive toute aliénation de liberté ou de saisie des biens de peuples, y compris « qui parviendraient dans l'avenir à la connaissance des chrétiens, même s'ils vivent hors de la foi » et précise : « Toute mesure prise en contradiction avec ces principes est abrogée et invalidée », dans sa lettre officielle Veritas ipsa. Toutefois, le protestantisme ne reconnaît pas d'autorité au pape, et celui-ci ne dispose pas d'un pouvoir temporel lui permettant de l'imposer hors des pays y ayant déjà renoncé en Europe, dont la France depuis Louis X[réf. souhaitée].
Au XVe siècle, le diplomate et explorateur marocain Léon l'Africain écrit lors d'un voyage au Sahel : « Il existe une place [à Gao] où l'on vend les jours de marché une infinité d'esclaves, tant mâles que femelles »[24] : une jeune fille de 15 ans se vendait 6 dinars, un jeune homme le même prix ; un enfant ou un esclave âgé, 3 dinars. Ces prix baissaient s'il y avait surabondance de l'offre[25].
Lisbonne était aux XVe et XVIe siècles un grand marché d'esclaves africains ; ils étaient notamment mis en vente sur la « Praça dos Escravos », qui se trouvait près de l'actuel Campo das Cebolas[26]. Vers 1550, les Noirs constituaient 10 % de la population lisboète[27].
L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem développe l'esclavage à Malte dans d'importantes proportions , principalement pour fournir la chiourme des galères de l'Ordre mais aussi d'autres pays chrétiens. Si les esclaves sont capturés par un navire de l'Ordre, les chevaliers décident de leurs différentes destinations : galère, service, cadeau ou vente. Jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1794 par la Convention nationale, ceux qui n'ont pas encore trouvé leur propriétaire définitif sont menés sur le marché public aux esclaves de La Valette, situé sur la place San Giorgio (aujourd'hui Misrah San Gorg), devant le palais magistral[28],[29].
En 1838, le peintre écossais David Roberts fait brièvement référence au marché aux esclaves d'Alexandrie lors d'un voyage en Égypte : « Nous visitâmes le marché aux esclaves, particulièrement répugnant. La plupart des esclaves étaient des jeunes filles : certaines, Circassiennes, étaient bien habillées ; d'autres, des Négresses, étaient accroupies sur le sol, couvertes par de rares lambeaux d'étoffe, sous un soleil qui aurait tué un Européen. C'était un spectacle vraiment révoltant que je quittai, fier d'appartenir à un pays qui avait aboli l'esclavage. »[31]
Le Market Square d'Alexandria en Virginie, fut dans les années 1830 le plus grand marché aux esclaves des États-Unis.
Selon le journaliste William Duckett, Rio de Janeiro (Brésil) était au milieu du XIXe siècle le plus important marché à esclaves du monde[32].
Khiva, capitale du Khanat homonyme, en actuel Ouzbékistan, fut jusque dans les années 1870 l'un des principaux marchés d'esclaves de l'Asie centrale : c'est là que les Turkmènes vendaient leurs bandes de captifs pris ou achetés sur les bords de la mer Caspienne, en Iran et en Afghanistan. Les esclaves les plus appréciés pour leur force de travail étaient les Russes : chacun valait quatre chameaux[35]. Selon l'écrivain turc Ali Suavi, on dénombrait en 1873 dans le Khanat de Khiva 60 000 esclaves, principalement des Persans, des Kurdes et des Russes[36]. Le marché aux esclaves de Khiva est fermé après la prise de la ville par les Russes en mai 1873.
Au XIXe siècle, Mourzouq en actuelle Libye était un grand marché d'esclaves pour l'Égypte et le Levant ; les captifs venaient notamment des royaumes africains de Kanem-Bornou et de Baguirmi, au Tchad actuel. À la même période, des marchés aux esclaves sont encore attestés dans les ports d'Égypte, du Hedjaz (Arabie), et de l'actuelle Libye (Tripoli et Benghazi), où les Ottomans s'approvisionnaient en esclaves noirs[37].
Djeddah en Arabie fut, durant tout le XIXe siècle, le plus important marché aux esclaves du Hedjaz[38]. Le diplomate Laurent Depui, consul français à Djeddah, raconte qu'en 1923, « on pouvait voir sur les marchés de La Mecque et de Djeddah, promener à la criée les petits esclaves, mâles et femelles, blancs ou noirs, destinés à satisfaire la lubricité des Hedjaziens, la prostitution atteignant dans ce pays des formes insoupçonnées. »[39].
Kano, capitale de l'émirat homonyme au nord de l'actuel Nigeria, possédait jusque vers 1900 un marché aux esclaves, fermé ensuite par les Britanniques. De Kano, les esclaves noirs étaient acheminés vers l'Afrique du Nord et l'Orient par Zinder, Agadez, et Ghat dans le Fezzan, point de convergence des caravanes qui recevaient également des Noirs du Darfour. Pris en charge par les Touaregs, les esclaves étaient acheminés vers la Tripolitaine par Mourzouq, et vers Ghadamès par Ghat. À Ghadamès, nouveau centre de distribution d'esclaves, les caravanes se séparaient en direction du Maroc, d'une part, de la Tunisie d'autre part. De Kano à Tunis, changeant de maître à chaque grande étape, les esclaves franchissaient 3 000 km à pied sous une chaleur accablante. Pour certains, le voyage n'était pas terminé : de Tunis ou de Tripoli, ils étaient envoyés au Proche-Orient et vendus pour la quatrième ou la cinquième fois[40].
À la fin du XIXe siècle, des marchés aux esclaves sont encore mentionnés dans les grandes places commerciales du Sahel, notamment à Tombouctou et à Djenné[41]. Sur les marchés de Ouarkoye et de Bobo, on échangeait du sel de Tombouctou contre des esclaves[41].
Au Maroc, un important marché d'esclaves se tenait à Marrakech jusqu'au début du XXe siècle ; on y vendait beaucoup de Bambaras amenés de Tombouctou par les caravanes[42]. En 1905, le makhzen interdit la vente publique des esclaves à Fès, sur les instances des représentants des puissances occidentales à Tanger[43]. Vers 1910, un marché aux esclaves se tenait encore régulièrement à Rabat[44]. Le dernier marché aux esclaves au Maroc ferme en 1920[45].
Depuis le XIXe siècle en Occident, et depuis le XXe siècle dans le reste du monde, l'esclavage contemporain est un marché illégal impliquant une existence souterraine, d'où l’absence de bâtiment ou lieu spécifique. Cet acte est considéré comme un crime contre l'humanité.
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