Née en 1929 dans une famille juive hongroise, Lívia est la quatrième d'une fratrie de 5 enfants[2]. Son père est marchand de textiles. Elle remporte le premier prix d'un concours de dessin de la ville à l'âge de 14 ans[3]. Ses parents envoient alors leur fille suivre des études de dessin à Budapest ; Lívia y fréquenté l'école Atelier où elle noue des amitiés pour la vie avec le sculpteur Péter Székely ou la dessinatrice (en) Zsuzsa Balkányi[3].
Toute jeune adolescente, elle est arrêtée à Budapest puis déportée au camp d'extermination d'Auschwitz II, à Birkenau[4], où 434 000 juifs hongrois ont été déportés, puis elle est envoyée au camp de Ravensbrück[5],[6]. Sur le bras, on lui tatoue le matricule 80524[6]. Sa bonne connaissance de la langue allemande la sauve des griffes mortifères du docteur Mengele, où elle devient commis et s'applique à recopier la liste quotidienne des personnes assassinées (par le gaz, une balle...) en lettres gothiques[2],[6],[3]. Son camp est libéré le 9 mai 1945 par un colonel juif russe du Birobidjan qui en ouvre la porte en pleurant, tout comme les prisonniers[7]. Elle fait partie des déportés de la marche de la mort qui suit en 1945. Vajda taira ce passé durant plus de quatre décennies[7],[4].
Après la Libération, elle s’installe à Paris en 1947 mais souffre sporadiquement de dépression, et durant de longues périodes, l'obligeant à être hospitalisée[2],[7]. Elle est notamment soignée à l'institut psychiatrique d'Epinay-sur-Seine[3]. Pour gagner sa vie, elle exerce différents métiers. Elle se marie en 1948 avec un tapissier dont elle a un enfant unique, Monique Gehler, née le 27 janvier 1949[8], date anniversaire de la libération d'Auschwitz[9]. Elle divorcera dix ans plus tard[10]. Elle acquiert alors la nationalité française[2].
Elle entreprend un chemin de guérison et de libération en se mettant à peindre : « Si je peux vivre une vie normale aujourd'hui, je le dois à la peinture - cela m'a libérée », dit-elle[2],[3]. Installée dans un atelier sous verrière près du Pont Neuf, elle rencontre des peintres, des sculpteurs, des écrivains et des poètes du Paris des années soixante[10].
Dès 1963, elle expose au Salon des Indépendants puis dans une première galerie, la galerie Chassaigne sur la rive gauche dans le VIe arrondissement de Paris, puis en Normandie et à Metz[10]. Elle dit alors que son inspiration est expressionniste et est fière d’appartenir à l’École de Paris d’après-guerre. Parallèlement, elle s'intéresse vivement à l’abstraction qui est à la mode à l’époque[2]. Elle déménage et s’installe rue des Plantes puis dans un duplex près du cinéma le Rex sur les Grands Boulevards[10]. En 1966, elle expose au Musée de l'Athénée à Genève[10].
À partir des années 1970, Vajda abandonne les métiers alimentaires et s'engage totalement dans l'art : sa peinture les fait vivre, elle et sa fille[2]. La Galerie des Orfèvres sur l’île de la Cité à Paris et la galerie Horizons à Bruxelles la soutiennent[2],[11]. Par la suite, ses toiles se retrouvent en Australie, à New York. En 1972, l’État belge fait l’acquisition d’une de ses huiles[10]. En 1975, la ville de Malines en Belgique organise une rétrospective de ses œuvres suivie d'une autre sur la grand place de l’Hôtel de Ville à Bruxelles, en 1988[2].
Ses liens grandissant avec la Belgique, Livia Vajda s’installe dans un atelier à Bruxelles en 1991[3]. Son travail au couteau anime ses toiles de couleurs et de lumière[2] et figure « un kaléidoscope aux métamorphoses infinies », dit le critique Jérôme Garcin qui évoque dans son travail « une poésie radieuse, lumineuse, à la frontière du réel et l’imaginaire »[12],[6]. Ses thèmes de prédilection sur les moments joyeux de la vie et son jeu de couleurs riches cherchent à triompher des images d'horreur qu'elle a connues[3]. Elle peint des fêtes et des villages de Hongrie ainsi que des paysages et des natures mortes[3], ce qui fait dire à l'auteur-compositeur belge Paul Louka, dans l'un de ses poèmes : «Lívia, mère des couleurs, vous nous offrez un arc-en-ciel de la Hongrie… »[3].
Elle joue également du piano et anime des ateliers de peinture pour les enfants défavorisés ou immigrés et certains adultes[10],[3].
Elle revient vivre à Paris près du bassin de la Villette en 2004, auprès de sa fille, et peint tous les matins dès l'aube[2].
En 2007, elle retourne momentanément en Hongrie pour exposer à Budapest et à Szentendre[2].
Livia Vajda meurt en 2011, renversée par un camion nacelle, près du canal de l'Ourcq[2]. Quelque temps auparavant, elle avait cédé aux injonctions de sa fille unique, Monique Gehler - qui deviendra sa biographe -[4], en acceptant de lui raconter son passé de déportée juive qu'elle avait feint d'oublier[6].
Deux films du réalisateur belge Élie Rabinovitch retracent son parcours à travers notamment son portrait filmé intitulé Colors & Livia, en 1996[13],[14] ainsi que deux monographies[2]. En 2012, une grande exposition lui est consacrée à la mairie du XIXe arrondissement[2].