Bien que l'Empire ait, sans même attendre l'apparition du premier numéro, interdit la voie publique à ce nouveau journal, le Rappel tira, dès le début, à un nombre relativement important d'exemplaires (jusqu'à plus de 50 000 exemplaires dans les années 1880) et trouva moyen de pénétrer partout tant était grand l'attrait qu'exerçaient sur le public les noms des fondateurs. Dans la lettre qui parut en tête du premier numéro du Rappel, Victor Hugo développa le programme du nouveau journal. Rochefort contribua à donner au journal son caractère de feuille irréconciliable et à lui attirer d'innombrables lecteurs de La Lanterne.
Outre les fondateurs, Arthur Arnould, Édouard Laferrière et Jules Claretie vinrent renforcer l'équipe de rédaction. À partir du 12e numéro, l'Empire commença à lancer procès et saisies contre le journal[2].
À l’époque des élections législatives de 1869, le Rappel soutint avec la plus grande énergie les candidatures radicales. Ce fut le cas notamment de Rochefort, l'auteur des Chroniques de partout publiées par le journal, qui après avoir été battu au premier tour, appuya, lors des élections complémentaires des 21 et , les candidatures insermentées de Ledru-Rollin, Barbès et Félix Pyat. Ce dernier, ainsi qu'Édouard Lockroy, ont d'ailleurs rejoint le journal qui publiait des articles hostiles à l'Empire et au despotisme impérial.
Des articles comme ceux qui parurent les 3 et sous la plume de Victor Hugo et Charles Hugo, attirèrent les jeunes désireux de connaître l'histoire contemporaine falsifiée par les courtisans de l'Empire, les seuls qui avaient pu jusque-là parler librement du coup d'État du 2 décembre 1851. L'article Les Parias, daté du , fut poursuivi et son auteur condamné à quatre mois de prison. Quelques jours après, l'Empire inaugurait le parlementarisme, restauré par Émile Ollivier, avocat transfuge sorti du camp des républicains. Le , Charles Hugo et Félix Pyat étaient de nouveau condamnés à quatre mois de prison pour un article intitulé Les Soldats.
Vers la fin de l'année 1870, le Rappel affiche son manque de confiance en Ernest Picard, ministre des finances, et Louis Jules Trochu, président du gouvernement de la Défense nationale. Cependant, au nom de la concorde, il désapprouve les manifestations qui ont pour but soit d'imposer au pouvoir des mesures énergiques, soit même d'appeler d'autres hommes au gouvernement. Après la Guerre franco-allemande de 1870 et l'armistice signé par le gouvernement, le Rappel soutient la liste radicale lors des élections législatives de février 1871. En , il s'oppose à la suppression par le gouverneur de Paris, Joseph Vinoy, de six journaux qui reparaissent dès le . Ironiquement, Rappel, un instant redevenu un journal d'avant-garde, passe peu à peu au second rang, éclipsé par des journaux comme le Mot d'ordre ou le Combat.
Fin , lors de la Commune de Paris qui oppose « versaillais » et « communards parisiens », le journal se déclare pour Paris. À l'issue de la semaine sanglante qui voit les communards battus le , le Rappel suspend sa publication, ses rédacteurs sont arrêtés et quelques-uns d'entre eux envoyés sur les pontons.
Le , le Rappel reparaît pour très peu de temps puisque Adolphe Thiers, alors président de la Troisième République autorise sa suspension. Au 1er mars de l'année suivante, le Rappel reparaît et survit en traversant mille difficultés et de nouvelles suspensions qui durent de quinze jours à deux mois.
↑D'août à septembre 1869, le Rappel recevait quinze communiqués et plusieurs assignations à comparaître devant la police correctionnelle
↑Un article publié le 19 avril sous la signature de M. Vacquerie, et ayant pour titre ces mots : “C'est pour l'enfant”, mots popularisés par une chanson que tout le monde connaissait alors, fut très remarqué. C'était “pour l'enfant,” en effet, c'est-à-dire pour un intérêt dynastique, que la France allait être livrée à l'invasion étrangère ! À peine le gouvernement de la Défense nationale est-il installé, que certaines objections s'élèvent parmi les radicaux contre sa composition, trop exclusivement modérée. Le Rappel, à ce moment, prêche la concorde; puis bientôt, par la plume de M. Lockroy, reproche, à la date du 1er novembre, leur impéritie et leur coupable lenteur aux généraux chargés de la défense de la capitale.
↑ abcdefghij et kHenri Avenel, Histoire de la Presse française depuis 1789 jusqu'à nos jours, Paris, Flammarion, 1900, p. 573.
↑ abcdefghijk et lLe Rappel, 26 octobre 1907, p. 1.