L'œuvre est en un seul mouvement, en quatre parties : Le printemps dans la forêt, Mowgli, La course, Le calme de la nuit[7]. Charles Koechlin en présente le programme, en 1932[13] :
« C'est le temps du nouveau parler, c'est-à-dire la saison où toutes les bêtes de la jungle, prises de frénésie physique, chantent d'une voix étrange l'appel du sexe. Mowgli, qui se croit empoisonné, tente de recouvrer sa force et sa santé par une course désordonnée au travers de la forêt. Parfois, il s'arrête : alors la langueur est là, toujours au plus profond de la forêt, et c'est un langage d'une douceur qui l'exaspère. Il reprend sa course folle, et c'est comme si toutes les bêtes, avec lui, couraient, bramaient, beuglaient, barrissaient. Toute la force de la nature, toute la jungle l'entraîne, jusqu'au moment où il tombe harassé. Il est au bord du grand étang sous la lune. Alors, peu à peu, le calme rentre en lui, et c'est la grande voix de la nuit qui s'élève en une longue monodie, sur la pédale basse et mystérieuse de l'orgue. La course était bitonale, polytonale, atonale ; la monodie toute de sérénité modale ; entre ces deux extrêmes, un retour progressif aux harmonies consonantes. Et l'œuvre se termine dans le mystère lourd et chaud du début. »
« Il y a là un sentiment de la nature, une jeunesse, une santé, une force de vie étonnante dont le rayonnement se fait sentir jusqu'à l'âme de celui qui lit (et comprend) ce livre. Mais il faut aimer les bêtes, les arbres, la nature enfin, et la forêt vierge, et c'est pourquoi, sans doute, beaucoup de citadins n'ont pas aimé ce livre admirable. Inutile de dire que ma musique ne s'adresse qu'aux admirateurs du livre. »
Koechlin illustre certains aspects de l'orchestration avec des extraits de La Course de printemps, dans son Traité de l'orchestration : polytonalité-atonalité« par groupes distincts » pour « davantage de puissance et de simplicité[16] », « polytonalité de dessins se succédant ou se superposant[17] », « polytonalité entremêlée[18] », et « espace, sentiment de multitude, de tout un monde[19] », « effet de repos comme de délivrance[20] », etc.
Le Livre de la jungle, « fresque impressionniste aux vastes dimensions » couronnée par La Course de printemps, est considéré comme « la partition la plus caractéristique du style de son auteur » : selon Paul Pittion en 1960, « l'imagination du compositeur, son beau talent dominé par la recherche de l'expression vraie, son langage neuf et souple détaché de tout système, qui utilise la tonalité la plus affirmée aussi bien que la polytonalité la plus mouvante, tout concourt à en faire un des chefs d'œuvre de notre époque[21] ».
« Un des chefs-d'œuvre de la musique contemporaine[7] » pour Darius Milhaud, La Course de printemps, « riche de rythmes et de timbres[7] » ainsi que le relève François-René Tranchefort, est un morceau « dans lequel Koechlin use avec une aisance confondante de bitonalité, de polytonalité, d'atonalité, [et] suscite avec art les images physiques, les odeurs et les bruits de la forêt, des bêtes, tout en suggérant poétiquement les grands mystères de la nature[7] ».