Jeanne Louise Calment naît le au domicile de ses parents rue du Roure à Arles, Nicolas Calment, charpentier de marine, et Marguerite Gilles, sans profession[1], venant d'une famille de meuniers[2]. Ses parents se sont mariés le à Arles[3]. Ils ont quatre enfants tous nés dans cette commune : Antoine, le [4], Marie, le [5], François, le [6], et Jeanne. Cette dernière n'a pas connu ses deux aînés : Antoine est mort le , peu avant ses cinq ans[7], et Marie est décédée le , à l'âge de trois jours[8].
Le , à l'âge de vingt et un ans, Jeanne épouse son cousin issu de germain Fernand Nicolas Calment[9], avec contrat de mariage passé devant maître Victor Lucien Arnaud, notaire à Arles[10]. Les deux mariés sont doublement cousins puisque le grand-père de Fernand, Nicolas Calment (1810-1890) a épousé Anne Poujeaud (1813-1871), alors que son frère et grand-père de Jeanne, Antoine Calment (1803-1871) a épousé Marie Anne Poujeaud (1809-1886), sœur d'Anne.
Jeanne Calment et son mari n'ont eu qu'un enfant, Yvonne Marie Nicolle, née le à Arles, rue Gambetta[12]. Celle-ci se marie au capitaine Joseph Billot en 1926[9]. Neuf mois plus tard, le couple donne à Jeanne Calment un petit-fils, Frédéric. Yvonne meurt le 19 janvier 1934, le jour de ses trente-six ans, d'une pleurésie, dans son domicile Rue Gambetta à Arles[11],[13], et son fils Frédéric, otorhinolaryngologiste, d'un accident de voiture, lui aussi à 36 ans[11],[14].
En mai 1965, à l'âge de 90 ans et sans héritier, Jeanne Calment décide de vendre son appartement en viager à Me André-François Raffray, son notaire. Ce dernier, alors âgé de quarante-sept ans, accepte de lui verser une rente mensuelle de 2 500 francs. Il le fera jusqu'à sa mort le , à l'âge de soixante-dix-sept ans, puis sa femme et ses deux enfants, nés d'un précédent mariage, continueront les versements jusqu'à la mort de Jeanne dix-neuf mois plus tard. En définitive, conformément aux règles du viager, la famille Raffray aura payé plus de 900 000 francs[15], soit plus de deux fois le prix de l'appartement[16].
Jeanne Calment réside rue Gambetta à Arles. Après le gel des canalisations de son appartement lors de l'hiver 1985, elle s'installe dans la maison de retraite du Lac, à Arles, après avoir vécu seule jusqu'à 110 ans[2].
Après son 122e anniversaire, alors que sa santé s'est beaucoup détériorée, elle ne fait plus d'apparition publique et meurt cinq mois plus tard, le [17]. La maison de retraite du Lac, dans laquelle elle résidait, fait part de sa mort aux médias.
Après la mort d'Eugénie Roux, le , à 112 ans et 147 jours, Jeanne Calment devient la nouvelle doyenne des Français. Elle a alors 111 ans et 119 jours. Elle est filmée pour un reportage, faisant ici sa première apparition à la télévision.
Elle n'attire réellement l'attention des médias qu'en 1988, lorsqu'elle rencontre des journalistes à l'occasion de la célébration du centenaire de la visite de Vincent van Gogh à Arles. Son interview est diffusée le dans l'émission culturelle L'Assiette anglaise de Bernard Rapp sur Antenne 2. Elle est alors la dernière personne vivante à affirmer avoir rencontré le peintre. Cette rencontre aurait eu lieu, selon elle, cent ans auparavant, c'est-à-dire en 1888 : alors qu'elle était âgée de douze ou treize ans, il serait venu acheter des toiles dans la boutique où son mari travaillait.
Devant les journalistes, Jeanne Calment le décrit comme un homme particulièrement laid, son visage étant, selon elle, « brûlé par l'alcool »[18], qualifiant cette furtive rencontre de « déception ». Elle confirme qu'« il était connu en ville » et affirme qu'« il fréquentait les maisons de tolérance »[18]. Lors de ce même entretien, Jeanne Calment plaisante sur sa santé et s'excuse auprès du notaire qui a acheté sa maison en viager, lorsqu'elle avait 90 ans[19],[20],[2].
À partir de 1989, l'anniversaire de Jeanne Calment est régulièrement évoqué dans les journaux télévisés. À 114 ans, elle apparaît dans Vincent et moi, un film sorti en 1990, dans lequel elle joue son propre rôle, devenant ainsi l'actrice la plus âgée au monde. En , elle devient la doyenne de l'humanité puis le , est déclarée la personne ayant vécu le plus longtemps. Le documentaire Au-delà de 120 ans avec Jeanne Calment est sorti en 1995[17].
Après la mort de l'Américaine Florence Knapp le à 114 ans et 93 jours, Jeanne Calment est officieusement la doyenne de l'humanité à 112 ans et 324 jours. C'est à la suite de son entretien cette même année qu'elle est reconnue par le Livre Guinness des records comme la personne la plus âgée au monde. Ce titre lui est cependant retiré en 1990 lorsque Carrie C. White prétend être née en 1874, bien que des doutes subsistent sur la véracité de cette date.
À la mort de Carrie White le , Jeanne Calment, une semaine avant son 116e anniversaire, devient alors la doyenne de l'humanité[21]. En 1993, elle est de nouveau enregistrée dans le Guinness comme la personne la plus âgée dont le certificat de naissance peut être authentifié avec certitude[20]. Le , Jeanne Calment atteint 120 ans et 238 jours et devient la personne la plus âgée ayant jamais vécu, surpassant définitivement Shigechiyo Izumi, mort en 1986 à 120 ans et 237 jours[17], mais dont l'âge réel au moment de sa mort a été contesté et pourrait être de 105 ans.
En 1996, pour célébrer ses 121 ans, est publié un CD, 121, qui sort en une version single deux titres et une version maxi single quatre titres, sur lequel elle parle à la manière du rap sur fond de musique électronique et house[22],[23].
À la mort de Jeanne Calment le , la Canadienne Marie-Louise Meilleur, alors âgée de 116 ans, devient la personne la plus âgée. Une étude scientifique publiée en 2016 par la revue Nature pronostique que cette longévité exceptionnelle ne sera probablement jamais égalée[24]. Ces résultats sont corroborés par une étude néerlandaise qui estime que le « plafond de verre » de la durée de vie humaine est de 115,7 ans pour les femmes[25]. Leurs conclusions sont toutefois démenties par le cas des centenaires ayant ensuite dépassé cet âge limite, ainsi que par une étude ultérieure de l'université de Rome « La Sapienza », qui suggère que pour l'être humain, cette limite n'a pas encore été atteinte[26].
Longévité
Obsèques et hommages
En , après la mort de Jeanne Calment, le maire d'Arles Michel Vauzelle traduit dans sa déclaration à la presse l'émotion que suscite cette disparition chez les Arlésiens et plus largement, dans la France entière : « On s'était fait à l'idée que Jeanne Calment ne nous quitterait jamais. Chaque année, on se retrouvait autour d'elle, sa grande famille arlésienne, et elle était notre grande sœur. Elle nous montrait le chemin de la vie, de la curiosité, de l'appétit de vivre, de la force de vivre »[27].
Le président de la RépubliqueJacques Chirac constate qu'« au long de ses anniversaires qui suscitaient l'étonnement et l'admiration du monde, les Français avaient noué avec la grande dame une relation d'affection »[28]. Selon lui, « si elle était sensible aux attentions qu'on lui portait à chacun de ses anniversaires, elle s'amusait un peu aussi de toute cette agitation médiatique »[28].
Le Premier ministreLionel Jospin salue sa mémoire en rappelant « l'attachement et la sympathie des Français pour celle qui était la doyenne de l'humanité »[29]. Il rend également hommage à « la dignité de Jeanne Calment »[réf. souhaitée] ainsi qu'à « la qualité des personnels des institutions qui l'ont accompagnée jusqu'à la fin de sa vie »[réf. souhaitée]. Cependant l'infirmière qui s'est occupée d'elle sera mutée en raison d'une polémique sur la médiatisation de la supercentenaire[30].
Le , les obsèques de Jeanne Calment ont lieu à Arles dans la plus stricte intimité. Une messe est célébrée en présence de sa famille, du personnel soignant de la maison de retraite et du député-maire Michel Vauzelle, puis elle est inhumée dans le caveau familial au cimetière de Trinquetaille de cette même ville, dans lequel reposent déjà ses parents, sa fille, son gendre, son petit-fils et son neveu[31]. Le lendemain, un hommage populaire lui est rendu lors d'une messe en la cathédrale Saint-Trophime d'Arles[32].
Facteurs possibles
Beaucoup de membres de la famille de Jeanne Calment ont vécu jusqu'à un âge relativement avancé : son frère aîné, François Calment, né en 1865, est mort à Arles le à 97 ans[réf. nécessaire], son père le à 93 ans et sa mère le à 86 ans (cependant, Jeanne indique que son père serait décédé à 96 ans, sa mère 90 ans et son frère 98 ans)[33]. Jeanne Calment a toujours joui d'une bonne santé. À l'âge de 85 ans, elle commence l'escrime et fait toujours de la bicyclette à 100 ans. Jeanne Calment a vécu seule jusqu'à son 110e anniversaire, avant d'entrer dans une maison de retraite. Elle est cependant restée en bonne santé et capable de marcher jusqu'à 114 ans et onze mois, quand elle a été victime d'une chute nécessitant une opération.
Jeanne Calment attribuait sa longévité et son apparence relativement jeune à l'huile d'olive qu'elle utilisait pour se nourrir et dont elle s'enduisait la peau, une « sacrée volonté »[34] ainsi qu'à un verre de porto par jour et à un kilogramme de chocolat par semaine[22],[35]. Elle mettait toujours de l'ail dans les viandes et poissons[réf. souhaitée] et du sucre dans ses boissons[réf. souhaitée], et a fumé le cigarillo jusqu'à l'âge de 115 ans[36],[37].
Ascendance d'Yvonne Calment, fille de Jeanne Calment[38]
16. Pierre CALMENT (8 janvier 1767 - 11 octobre 1850) Charpentier de marine
8. Nicolas CALMENT (25 février 1810 - 31 mai 1890) Constructeur de marine
17. Marthe FRÉOU (2 juillet 1770 - 8 septembre 1857)
4. Jacques CALMENT (27 septembre 1840 - 13 mai 1886) Négociant
18. Jean François POUJEAUD (16 août 1784 - 7 février 1846) Boulanger
9. Anne POUGEAUD (4 août 1813 - 07 février 1871)
19. Honorate REYNAUD (15 mars 1789 - 5 juillet 1870)
2. Fernand Nicolas CALMENT (2 novembre 1868 - 2 octobre 1942) Négociant en tissus et meubles
20. Pierre FÉLIX (18 juin 1792 - 24 décembre 1865) Marin
10. Mathieu FÉLIX (7 janvier 1820 - 8 décembre 1906) Ménager
21. Anne ROUX (4 novembre 1792 - 20 juillet 1882)
5. Maria FÉLIX (18 novembre 1847 - 11 avril 1931)
22. Pierre Antoine GUIGUE (20 octobre 1783 - 31 décembre 1847) Ménager
11. Palmyre GUIGUE (17 novembre 1824 - 19 février 1906)
23. Marie ARLHAC (23 septembre 1791 - 15 juillet 1854)
1. Yvonne Marie Nicolle CALMENT (19 janvier 1898 - 19 janvier 1934)
24. Pierre CALMENT (8 janvier 1767 - 11 octobre 1850) Charpentier de marine
12. Antoine CALMENT (19 juin 1803 - 30 octobre 1871) Charpentier de marine
25. Marthe FRÉOU (2 juillet 1770 - 8 septembre 1857)
6. Nicolas CALMENT (8 novembre 1837 - 28 janvier 1931) Charpentier de marine
26. Jean François POUJEAUD (16 août 1784 - 7 février 1846) Boulanger
13. Marie Anne POUJEAUD (16 avril 1809 - 14 décembre 1886)
27. Honorate REYNAUD (15 mars 1789 - 5 juillet 1870)
3. Jeanne Louise CALMENT (21 février 1875 - 4 août 1997)
28. Pierre GILLES (7 février 1781 - 1er juin 1836) Meunier
14. Claude GILLES (8 octobre 1816 - 30 juin 1898) Meunier
29. Marie Claire GERMAN (22 septembre 1782 - 7 décembre 1852)
7. Marguerite GILLES (20 février 1838 - 18 septembre 1924)
30. Jean Baptiste MINAUD (6 octobre 1792 - 10 février 1881) Marin puis buraliste du bureau de tabac
15. Rose MINAUD (13 février 1818 - 8 septembre 1890)
31. Marguerite FAGE (17 décembre 1796 - 25 octobre 1870)
Controverses
En , un article publié sur la plateforme ResearchGate[40] soutient la thèse que Jeanne Calment serait morte en 1934 et que la personne décédée en 1997 serait sa fille Yvonne, laquelle aurait usurpé son identité[41]. En réponse, Jean-Marie Robine, l'un des experts qui ont validé l'âge de Jeanne Calment[9], explique dans le magazine La Recherche, en , que la longévité exceptionnelle de Jeanne Calment est due au fait qu'elle « a concentré sur sa tête un patrimoine génétique extraordinaire »[42]. Les réseaux sociaux et les médias ayant largement relayé cette « pseudo-étude »[43], l'Inserm publie une mise au point pour défendre la valeur scientifique du travail de validation et la reconnaissance des experts concernés, concluant de la façon suivante : « Dans le domaine de la recherche scientifique, c’est à celui qui propose une nouvelle hypothèse ou qui prétend avoir trouvé des faits nouveaux que revient la charge de la preuve. Ce n’est pas aux chercheurs de l’Inserm d’étayer la théorie des contestateurs russes. Leurs arguments, s’ils en ont, doivent être soumis à un journal scientifique à comité de lecture à qui revient la responsabilité de valider la robustesse des travaux menés »[44]. Aidé du gérontologue Valeri Novosselov, le mathématicien russe Nikolaï Zak, qui ne s'intéresse à la généalogie qu'en amateur[43], et dont les recherches ont été menées d'après les informations trouvées sur Internet[43], publie ses conclusions le dans la revue Rejuvenation Research[45],[41]. Le biogérontologue Éric Le Bourg répond la même année, dans le numéro d'avril de la revue Médecine/sciences, que cette théorie a été « gonflée uniquement pour avoir des retombées médiatiques », qu'« elle n'a aucune valeur scientifique » et que les procédés employés « relève[nt] de la manipulation »[46]. Quelques mois après, en , se fondant sur des éléments historiques, épidémiologiques et mathématiques, les experts ayant validé l'âge de Jeanne Calment en 1995 (Jean-Marie Robine et Michel Allard), un chercheur ayant publié la méthodologie de ces experts en 1999 (Bernard Jeune)[47] et un chercheur suisse, déjà co-auteur de Jean-Marie Robine à plusieurs reprises (François Herrmann), reviennent sur la question dans un article publié dans la revue The Journals of Gerontology[48] et concluent que cette controverse n'a pas lieu d'être[49],[50].
Filmographie
Jeanne Calment joue son propre rôle dans une fiction et plusieurs documentaires lui ont été consacrés[51] :
↑Éric Le Bourg, « « La fille de Jeanne Calment a usurpé l’identité de sa mère » - Un travail d’amateur ou une recherche scientifique ? », médecine/sciences, vol. 35, no 4, , p. 375–380 (ISSN0767-0974 et 1958-5381, DOI10.1051/medsci/2019065, lire en ligne, consulté le )
↑« Comme si c’était hier : Jeanne Calment », RTS Un, Radio télévision suisse « Mise au point », (lire en ligne [vidéo])
« 122 ans certifiés, la palme de doyenne de l’humanité revient toujours à Jeanne Calment, disparue en 1997. »
↑Philippe Lançon, « La doyenne de l'humanité est décédée hier à 122 ans. Jeanne s'en est allée, calmement. Née en 1875 en Arles, Jeanne Calment était devenue une star médiatique depuis quelques années. », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) François Robin-Champigneul, « Jeanne Calment's Unique 122-Year Life Span: Facts and Factors; Longevity History in Her Genealogical Tree [Jeanne Calment et sa longévité record de 122 ans : faits et facteurs ; antécédents de longévité dans son arbre généalogique] », Rejuvenation Research, vol. 23, no 1, , p. 19–47 (PMID31928146, DOI10.1089/rej.2019.2298)
↑Gabriel Simonoff, Jeanne Calment : la passion de vivre, 1995. Une erreur de Paris Match avait identifié cette photo d'Yvonne comme étant celle de sa mère.
↑ a et bNathaniel Herzberg, Isabelle Mandraud et Florence Aubenas, « Jeanne Calment a-t-elle eu 122 ans ? Enquête sur la folle hypothèse de deux chercheurs russes », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Bernard Jeune, Validation of Exceptional Longevity, Odense, Syddansk Universitetsforlag, , 249 p. (ISBN87-7838-466-4)
↑(en) Jean-Marie Robine, Michel Allard, François R. Herrmann et Bernard Jeune, « The real facts supporting Jeanne Calment as the oldest ever human », The Journals of Gerontology. Series A, (lire en ligne).
Michel Allard, Victor Lèbre et Jean-Marie Robine, Les 120 ans de Jeanne Calment, doyenne de l'humanité, Paris, Le Cherche-Midi, coll. « Documents », 1994, 159 p. 8 p. de planches (ISBN2-86274-346-1).
France Cavalié, Jeanne Calment : « l'oubliée de Dieu », Paris, Notre Temps & Boulogne, TF1 (collection « Grands témoins »), 1995, 200 p. 8 p. de planches (ISBN2-8776-1072-1).
Gabriel Simonoff, Jeanne Calment : la passion de vivre, Monaco, Éd. du Rocher (collection « Documents »), 1995, 153 p. 16 p. de planches (ISBN2-268-01938-1).
(en) Michel Allard, Victor Lèbre et Jean-Marie Robine, Jeanne Calment : from Van Gogh's time to ours : 122 extraordinary years, New York, Freeman, 1998, 136 pages (ISBN0-7167-3251-3) [trad. anglaise de l'ouvrage des auteurs signalé plus haut].