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Jacques Boé, dit Jasmin (en occitanJacme Boèr dit Gensemin ou Jansemin), né le à Agen[1] où il est mort le , où il exerçait la profession de coiffeur, est un poèteoccitan, qui a donné une impulsion nouvelle à la langue d'oc (son œuvre est rédigée en languedocien, dans le parler d’Agen).
Biographie
Jasmin est issu d’une famille du petit peuple d’Agen, où son père était tailleur.
Après avoir un peu étudié chez un régent et au séminaire de la ville, il est mis en apprentissage chez un coiffeur. Son goût des histoires, ses talents de conteur y font merveille et il peut bientôt s’installer à son compte et se marier. Il devient célèbre avec sa romance La fidelitat agenesa composée à l’occasion du carnaval de 1822. Il continue avec Lo Charibari en 1825.
En 1830, il est couronné par l’Académie d'Agen pour son ode Lou tres de may à l’occasion de l'inauguration de la statue d’Henri IV à Nérac, alors que l’académie n'avait jusqu'alors couronné que des ouvrages en français.
Il se lance alors dans une carrière de lecteur public de ses poésies, d'abord dans la région, puis de plus en plus loin. En 1836, la récitation à Bordeaux de L’abuglo de Castèl-Cuilhèr lui assure une renommée nationale. À partir de 1840, ses tournées dans le Midi l’occupent à temps plein et deviennent des événements qui attirent les foules. Il aurait donné en tout plus de 12 000 séances, distribuant les revenus à des œuvres de bienfaisance.
Il correspond avec d'autres auteurs de langue occitane comme le clermontois Charles-Antoine Ravel.
Son œuvre
Grand conteur, il a su faire renaître la poésie populaire occitane et suscité d’innombrables vocations. Ses textes sont rassemblés dans ses quatre Papillôtos[2].
Principales œuvres
Las Papilhotas (les Papillotes)
L'Abuglo de Castèl-Cuillè (l'Aveugle de Castelculier), -traduit en Américain par Longfellow-(l'Univers Illustré)
Françoneta (Françounette),
Los dos fraires beçons (les Deux frères jumeaux),
La Setmana del Filh (la Semaine du fils).
Mos Sovenirs (Mes souvenirs).
Maltra l'innocenta (Maltre l'innocente).
Lo poèta del puple a Monsur Renan (le Poète du peuple à Monsieur Renan).
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Apèi, luènh del brut de l'enveja,
Fai çò que fasèm tots: los uèlhs oberts, sauneja,
E sans pèiretas ni martèl,
Se bastís un pichon castèl
Ont pròche de Pascal tot lusís, tot daureja
E raja de bonur; ò ! lo sage a rason:
« L'ama sofrenta aima milhor. »
Aquesta, déjà tota al fait que la mestreja,
Sent qu'aima per totjorn; tot li ritz, mès, ailàs !
Mèl d'amor tròp viste amareja;
Tot d'un còp, se soven, fremís, ven coma glaç;
Al truc d'una pensada afrosa
Son castelet s'es demolit;
Revava d'amor, malurosa !
L'amor li'es defendut, lo grand Sorcièr z'a dit,
Lo Demon l'a crompada; e l'òme assès ardit
Per l'esposar, d'aprèt la menaça infernala,
Non diu trobar qu'un clòt dins sa cramba noviala; ...
Ela, veire morir Pascal a son costat !!
Pietat, mon Diu !… mon Diu, pietat !!
Françoneta, troisième pausa (graphie occitane normalisée)
(Traduction : Après, loin du bruit de l'envie, elle fait ce que nous faisons tous: les yeux ouverts, elle rêve, et sans pierre ni marteau, elle se bâtit un petit château où près de Pascal tout reluit, tout rayonne et ruisselle de bonheur; oh ! le sage a raison: « L'âme souffrante aime le mieux. » Celle-ci, déjà toute au feu qui la maîtrise, sent qu'elle aime pour toujours; tout lui rit, mais, hélas ! miel d'amour trop vite devient amer; tout à coup, elle se souvient, frémit, devient comme glace; au coup d'une pensée affreuse son petit château s'est démoli; elle rêvait d'amour, malheureuse ! L'amour lui est défendu, le grand Sorcier l'a dit, le Démon l'a achetée; et l'homme assez hardi pour l'épouser, d'après la menace infernale, ne doit trouver qu'un tombeau dans sa chambre nuptiale;… Elle, voir mourir Pascal à son côté !! Pitié, mon Dieu !… mon Dieu, pitié !!)
Jasmin dans la littérature
Dans La Monographie de la Presse parisienne (1842), Balzac se moque gentiment de celui qu'il nomme le « poète perruquier » sous l'espèce du critique « blagueur » dit de la deuxième variété. Il y peint Jasmin amené à Paris par un article dont le critique « blagueur » rend compte par ces lignes: «Le célèbre Jasmin est de retour à Paris. Dans une brillante soirée, donnée par M. Villemain chez un de ses amis, le célèbre poète charabia a lu sa charmante élégie du Fer à toupet:
Qu'es debenou lou tan oï moin mouse inconnou
Cantait loun blou cielo et vertous compagnou
Timidou, craintivo, coum oun hirondello
Ché vollou légèrou sour lo petiot ruisso!
Ces vers ravissants, que personne n'a compris, ont excité un immense enthousiasme.»
« Il y a toute une moitié de la France qui rirait si nous avions la prétention de lui apprendre ce que c'est que Jasmin et qui nous répondrait en nous récitant de ses vers... Mais il y a une autre moitié de la France, celle du Nord, qui a besoin de temps en temps, qu'on lui rappelle ce qui n'est pas sorti de son sein, ce qui n'arrive pas directement à ses oreilles. C'est pour cette classe nombreuse que je voudrais expliquer ce qu'est véritablement Jasmin, le célèbre poète agenais »
Dans La Sorcière de Jasmin[4], Emmanuel Le Roy Ladurie reproduit les quatre « pauses » du poème « Françoneta », les accompagnant d'une étude approfondie des sources de l’œuvre. Il démontre que Jasmin s’est inspiré d'une histoire connue dans les campagnes gasconnes de la rive gauche de la Garonne, à l’ouest d’Agen, autour de Roquefort, histoire basée sur un fait authentique qu’il situe un siècle plus tard que l’histoire de Jasmin : fin du XVIIe siècle plutôt que guerres de religion. Le fait que l’histoire se soit transmise du fait véridique jusqu’au poème de Jasmin sans « reconstruction » par l'autorité, sans passage par la justice ou l'église, permet de retrouver de vrais caractères de la « sorcellerie » occitane, très proches de ce qu’on constate un peu partout en Europe à la même époque.
Dans le roman Sans famille d'Hector Malot, vers la fin du chapitre VII de la seconde partie Une leçon de musique, Jasmin est cité comme étant le plus grand poète de France.
« – Ce gamin est un prodige, criait Espinassous ; si tu veux rester avec moi, je ferai de toi un grand musicien ; tu entends, un grand musicien ! le matin, tu raseras la pratique avec moi, et tout le reste de la journée je te ferai travailler ; et ne crois pas que je ne sois pas un maître capable de t’instruire parce que je suis perruquier ; il faut vivre, manger, boire, dormir, et voilà à quoi le rasoir est bon ; pour faire la barbe aux gens, Jasmin n’en est pas moins le plus grand poëte de France ; Agen a Jasmin, Mende a Espinassous. »
Postérité
À Agen, sa statue[5],[6], bronze du sculpteur Vital Gabriel Dubray, est installée sur la place qui porte son nom et inaugurée le . Frédéric Mistral, malgré le peu d'intérêt que Jasmin avait porté au Félibrige, lui adressa à cette occasion un vibrant hommage[7].
Une rue de Paris porte son nom, ainsi qu’une station de métro près de cette dernière. Dans son nouveau viographe de Bordeaux, Robert Coustet décrit un square Jasmin[8].
À Nérac, sur le piédestal de la statue d'Henri IV, quatre vers de Jasmin issus de sa poésie "Le 3 mai" ont été gravés.
Le clocher de l'église Saint-Jean de Vergt en Dordogne porte aussi son nom, Jasmin avait contribué à réunir des fonds pour la réédification de l'église[9].
Une association Le Jasmin d'Argent a été créé en 1920 pour récompenser les poètes régionaux qui écrivent soit en français, soit en langue d'oc. Son siège est à Agen[10].
François Pic, Essai de bibliographie de Jacques Boé, dit Jasmin (1798-1864), Centre d’étude de la littérature occitane - William Blake & Co., 2002., coll. « Jasmin, actes du colloque d’Agen (9-11 octobre 1998) réunis par Claire Torreilles et François Pic, préfacés par Maïté Bouyssy. Toulouse - Bordeaux, (Annales de la littérature occitane, n° 7). », (lire en ligne), pp. 333-415