Jeanne Françoise Morand naît à Bey le , en Saône-et-Loire[1],[2]. Son père est un terrassieranarcho-syndicaliste, et elle commence à travailler comme couturière à Saint-Marcel[1]. Plus tard, lorsqu'elle a 22 ans, elle quitte la Saône-et-Loire pour se rendre à Paris[2], où elle commence à lire Le Libertaire, puis à rejoindre les causeries populaires anarchistes[1],[2]. Elle a deux sœurs, Alice et Marie, qui la rejoignent dans la capitale et se lient aussi aux milieux libertaires français[1],[2]. Pendant cette période, elle commence un militantisme actif, se fait arrêter plusieurs fois par la police pour « troubles à l’ordre public, collage d’affiches, outrages, voies de fait et rébellion, participation à des manifestations interdites »[1]. Elle n'hésite pas à se débattre, se défendre et mordre les policiers qui l'arrêtent[1]. En 1906, par exemple, avec Albert Libertad et un certain Millet, Morand est arrêtée pour s'être battue avec un contrôleur du métro et un policier[3].
Pendant deux ans, Morand travaille comme domestique pour la famille Henry, sur le boulevard Saint-Martin, puis quitte son emploi[1],[2]. Elle vient alors s'installer au siège du journal anarchiste individualiste, L'Anarchie[1],[2]. La militante entre en relation avec Albert Libertad[2] avant de le quitter au début de l'année 1908, mais l'assiste dans les dernières années de sa vie tout de même, à la fin de 1908[1].
Après sa mort, elle lui succède au sein du journal L'Anarchie, et en organise la gestion avec Armandine Mahé[1], la sœur d'Anna Mahé[4]. Cependant, après son arrestation pour avoir participé à une manifestation contre Georges Clemenceau — motivée par le fait que celui-ci fait ériger un monument à la gloire de Charles Floquet, un politicien impliqué dans le scandale de Panama — elle ne peut plus gérer le journal et est remplacée par Lucien Lecourtier[1]. En 1910, elle prend Jacques Long comme compagnon, et vit avec lui de ménages qu'ils font chez les particuliers[1]. Morand est en lien avec les milieux anticoloniaux et, en 1912, elle entretient brièvement une relation avec Virendranath Chattopadhyaya(en), un révolutionnaire indien, qui emménage avec elle[5],[6].
En , elle rejoint l'Espagne avec Jacques Long, réformé de l'armée, puis revient en 1915 pour aider les anarchistes souhaitant éviter l'incorporation dans l'armée et effectuer de la propagande antimilitariste[1],[2]. Ses deux frères se réfugient en Angleterre après avoir déserté[1].
En 1919, le couple est expulsé d'Espagne pour propagande anarchiste[1]. En France, Morand et Long sont inculpés par le parquet de Bordeaux pour intelligence avec l'ennemi[1]. Laissés en liberté provisoire, ils s'enfuient de nouveau, aux Pays-Bas, puis en Belgique. Condamnés par contumace à la réclusion à perpétuité et pressés par une situation matérielle de plus en plus difficile, ils reviennent en France[1]. Long se suicide le [1]. L'année suivante, le , la militante se constitue prisonnière à Mandres-les-Roses et fait appel de sa précédente condamnation[1]. Elle défend sa conduite pendant la guerre en déclarant au tribunal : « Empêcher la mort de jeunes Français est un acte plus patriotique que de les y envoyer »[1]. La peine est ramenée à cinq ans de prison ferme et dix ans d'interdiction de séjour[1].
Morand effectue deux grèves de la faim pour obtenir le statut de prisonnière politique[1],[2] et est soutenue par un large public, qui dépasse les seuls anarchistes[1]. Elle entre en conflit, pendant sa captivité, avec certains membres du Libertaire, qu'elle accuse de sectarisme dans le manque de soutien apporté aux prisonniers politiques communistes[1].
Le , elle est graciée et se retire à Mandres-les-Roses, où sa mère demeure[1]. Si elle conserve des liens avec le mouvement anarchiste, notamment avec E. Armand, elle cesse de participer de manière active à celui-ci[1]. En 1927, elle n'est plus surveillée par la police comme anarchiste[1],[2].
↑ abcdefghij et kAnne Steiner, « Les militantes anarchistes individualistes : des femmes libres à la Belle Époque », Amnis. Revue d’études des sociétés et cultures contemporaines Europe/Amérique, no 8, (ISSN1764-7193, DOI10.4000/amnis.1057, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Richard Paul Avrich Collection (Library of Congress), The Bonnot gang, Rebel Press, (ISBN978-0-946061-04-4), p. 26
↑Anne Steiner, « MAHÉ Armandine », dans Dictionnaire des anarchistes, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
↑(en-GB) Ole Birk Laursen, « Anti-Colonialism, Terrorism and the ‘Politics of Friendship’: Virendranath Chattopadhyaya and the European Anarchist Movement, 1910-1927 », Anarchist Studies, vol. 27, no 1,
↑ abc et dLuiz Felipe Cezar Mundim, « Les Misères de l'Aiguille of the cooperative Cinéma du Peuple in France: a feminist experience in the early cinema », Lectures - 11th Seminar on the Origins and History of Cinema - Presences and Representations of Women in the Early Years of Cinema 1895-1920, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bLaurent Mannoni, « 28 octobre 1913 : création de la société «Le Cinéma du Peuple» », 1895, revue d'histoire du cinéma, vol. 1, no 1, , p. 100–107 (DOI10.3406/1895.1993.1014, lire en ligne, consulté le )
↑Luiz Felipe Cezar Mundim, « Le public organisé pour la lutte : le cinéma du peuple en France et la résistance du mouvement ouvrier au cinéma commercial (1895-1914) », (thèse), Université Panthéon-Sorbonne - Paris I ; Universidade federal do Rio de Janeiro, , p. 120 (lire en ligne, consulté le )
↑Tangui Perron, « "Le contrepoison est entre vos mains, camarades" C.G.T. et cinéma au début du siècle », Le Mouvement social, no 172, , p. 21–37 (ISSN0027-2671, DOI10.2307/3778988, lire en ligne, consulté le )
↑Jean-Paul Morel, « Lucien Descaves : pour le « Cinéma du Peuple » », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze. Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma, no 64, , p. 90–93 (ISSN0769-0959, DOI10.4000/1895.4394, lire en ligne, consulté le )