Pour les articles homonymes, voir IDE et FDI.
Les investissements directs à l'étranger, ou investissements directs étrangers[1] (IDE en abrégé, traduction de l'acronyme anglais FDI pour foreign direct investment), également appelés investissements directs internationaux (IDI) par l'OCDE[2], sont les mouvements internationaux de capitaux réalisés pour créer, développer ou maintenir une filiale à l’étranger ou pour exercer le contrôle ou une influence significative sur la gestion d'une entreprise étrangère.
Les IDE sont un élément moteur de la multinationalisation des entreprises et recouvrent aussi bien les créations de filiales à l’étranger que les fusions-acquisitions transfrontières ou les autres relations financières, notamment les prêts et emprunts intra-groupes.
Deux motivations principales sont à l’origine des IDE : d'une part, la réduction des coûts : exploitation à distance de ressources naturelles coûteuses, voire impossibles, à transporter ; utilisation d’une main-d’œuvre moins onéreuse, d’où la crainte que les IDE puissent participer au mouvement de délocalisation ; optimisation fiscale. D'autre part, la conquête de nouveaux marchés, difficiles à pénétrer par les seules exportations.
Si l’effet des IDE est généralement considéré comme positif sur la croissance des pays d’accueil, notamment grâce aux transferts de technologie induits, il est plus discuté et ambigu sur le commerce international, sur l’emploi dans les pays investisseurs, sur les conditions de travail et sur l’environnement.
Mesurés par les statistiques issues de la balance des paiements, les IDE ont connu une très forte progression depuis le milieu des années 1980 et contribuent de façon déterminante à la mondialisation des économies. Les IDE constituent également l’un des principaux indicateurs de l’attractivité économique des pays.
Selon la Banque de France[3], « les investissements directs sont des investissements internationaux par lesquels des entités résidentes d'une économie acquièrent ou ont acquis un intérêt durable dans une entité résidente d'une économie autre que celle de l'investisseur. La notion d'intérêt durable implique l'existence d'une relation à long terme entre l'investisseur direct et la société investie et l'exercice d'une influence notable du premier sur la gestion de la seconde. L'investissement direct comprend à la fois l'opération initiale entre les deux entités et toutes les opérations financières ultérieures entre elles et entre les entreprises du même groupe international ».
La notion d’intérêt durable permet de différencier, parmi les mouvements internationaux de capitaux, les IDE des investissements de portefeuille. Ces derniers sont considérés comme des placements internationaux, alors que les IDE impliquent un pouvoir de décision de l’investisseur sur l’entreprise rachetée ou construite à l’étranger. La distinction fondamentale entre IDE et investissement de portefeuille a été introduite en 1960 par S. Hymer[4]. Dans une thèse qui ne sera publiée qu'en 1976, il met en évidence que ces deux types d’investissements internationaux répondent à des déterminants différents.
L’IDE se traduit non seulement par un transfert de fonds financiers, mais aussi en général par un transfert de technologie et de capital humain (par l’intermédiaire des personnels expatriés s’impliquant dans la production à l’étranger).
L’IDE est à l’origine de la création des firmes multinationales ou sociétés transnationales. Une fois créé un réseau de filiales à l’étranger, l’activité de la firme multinationale ne se réduit cependant pas aux seuls IDE. Progressivement, la firme internationale va organiser au niveau international ses activités de conception, de production et de commercialisation de ses produits. Les relations entre les filiales étrangères et la maison-mère donnent alors lieu à un commerce international intra-firme de biens et de services, qui ne relève pas des IDE.
L’OCDE[5] reprend fréquemment dans ses analyses une distinction selon la forme des IDE.
Pour développer un réseau de filiales à l’étranger, l’investisseur peut intervenir par :
Markusen[6] (1995) introduit une typologie des IDE fondée sur la logique qui sous-tend la décision de créer des filiales à l’étranger. Il distingue :
Toutefois, la distinction entre IDE horizontal et vertical n’est pas aussi claire dans les faits : les firmes multinationales s’engagent souvent dans des stratégies d’intégration complexes, qui englobent à la fois des formes d’intégration verticale dans certains pays et horizontale dans d’autres (Yeaple[7], 2003).
Selon l’OCDE[5], les IDE peuvent être effectués sous forme de :
Malgré l’importance croissante prise par les investissements internationaux dans les économies, et malgré (ou à cause de) l'impressionnante littérature consacrée à ce sujet, il n’existe aucun cadre théorique unifié permettant de comprendre les déterminants des IDE. Les analyses théoriques sur la multinationalisation des firmes sont récentes, leur apparition datant de la fin des années 1950. C'est d'ailleurs surtout depuis le tournant des années 2000 que la littérature sur les IDE a connu une très forte accélération, en lien avec le développement du phénomène.
En outre, l’analyse des déterminants de l’IDE se situe à l’intersection de l’économie internationale et de l'économie industrielle. La première permet d’appréhender ces comportements dans leur dimension d’arbitrage géographique et dans la perspective d’une articulation entre commerce de produits et mouvements des capitaux. La seconde met plus l’accent sur les stratégies de développement des firmes et l’arbitrage entre divers modes d’organisation de leurs activités.
Une première tentative a été effectuée par Dunning[8],[9] qui propose une approche globale des facteurs explicatifs de l’investissement direct (paradigme OLI) dans laquelle apparaissent des éléments comme la concurrence imparfaite, les avantages comparatifs ou l’internalisation des coûts de transaction. Cette approche, dite « éclectique », se réfère au paradigme OLI (pour ownership, localisation, internalisation. Celui-ci fait de la multinationalisation le résultat d'une combinaison de trois éléments interdépendants:
L’IDE, comme mode de pénétration du marché étranger, est choisi lorsque la firme réunit simultanément les trois types d’avantages (spécifique, à la localisation et à l’internalisation). S’il n’y a pas d’avantage à la localisation mais un avantage spécifique et un avantage à l’internalisation, la firme garde la maîtrise de la pénétration du marché étranger en y exportant et en établissant son propre réseau de vente. Pour Dunning enfin, si la firme ne possède qu’un avantage spécifique, elle effectue alors une vente de licence auprès d’une entreprise locale et lui laisse le soin d’exploiter le marché de son pays.
Le cadre défini par Dunning constitue le point de départ des nouveaux éléments théoriques apportés par les modèles d’investissement stratégique et la nouvelle théorie du commerce international (NTCI) qui mettent en avant un arbitrage des firmes multinationales entre proximité et concentration :
Le modèle avec entreprises hétérogènes de Helpman, Melitz et Yeaple[12] (2004) met en évidence que seules les entreprises les plus efficaces dans leur branche d’activité peuvent s’implanter à l’étranger. En effet, toutes les entreprises ne sont pas d’un même niveau d’efficacité dans une branche d’activité donnée : seules les plus efficaces exportent, et parmi celles-ci, seule une fraction d’entre elles, capable de supporter les coûts d’entrée, pourra s’implanter à l’étranger. M. Mrazova et J. P. Neary (2010)[13] complètent ce modèle en mettant en évidence le rôle des plates-formes à l’exportation : en effet, parmi les entreprises à même de se développer au niveau international, seules les entreprises les plus performantes seront à même de créer des filiales dans tous les pays, tandis que celles qui le sont moins se limiteront aux exportations pour pénétrer les marchés étrangers. Les entreprises intermédiaires auront quant à elles intérêt à établir une filiale dans un seul pays et pourront lui confier le rôle de plate-forme à l’exportation.
D’autres analyses s’attachent à introduire les concepts d’incertitude et d’acquisition de connaissance sur les marchés étrangers afin d’analyser dans quelle mesure une entreprise peut évoluer d’un mode de pénétration des marchés étrangers vers un autre. Ainsi, F. Albornoz et al.[14] développent un modèle basé sur l’apprentissage et l’expérimentation dans lequel les entreprises ne découvrent leur profitabilité sur les marchés étrangers qu’après avoir commencé à exporter. Plus précisément, une entreprise commencerait à exporter un produit vers un seul pays avant de s’orienter vers d’autres pays si les exportations vers le pays initial s’avèrent profitables. Dans le même ordre d’idée, P. Conconi, A. Sapir et M. Zanardi[15] étudient comment une entreprise qui a commencé à exporter vers un pays peut décider de maintenir sa présence dans ce pays en y effectuant des IDE. Ils montrent en particulier que la probabilité de créer des filiales à l’étranger est d’autant plus forte que l’entreprise a acquis, via l’exportation, des connaissances sur les structures et le marché du pays d’accueil.
L’INSEE, en collaboration avec le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), a publié en 2008 les résultats d’une enquête réalisée auprès de 4000 entreprises industrielles de plus de vingt salariés[16].
Les industriels sont un tiers à estimer que le développement des implantations à l’étranger est très important pour l’économie française dans son ensemble, mais ils sont moins nombreux (un peu plus d’un industriel sur dix) à exprimer ce jugement s’agissant de leur propre entreprise. Le développement de leurs implantations à l’étranger est en particulier considéré comme très important par les entreprises de l’industrie automobile, les entreprises de plus de 250 salariés, et les entreprises fortement exportatrices.
Entre 2002 et 2007, 12 % des entreprises industrielles déclarent avoir développé de nouvelles activités de production à l’étranger, et autant d’entreprises disent avoir déplacé à l’étranger des activités de production auparavant réalisées en France. Les entreprises de plus de 250 salariés ou fortement exportatrices sont plus particulièrement concernées.
Selon les chefs d’entreprise, le développement à l’étranger devrait se poursuivre au cours des prochaines années, via notamment l’installation de nouvelles capacités de production. Un peu plus de 20 % des entreprises industrielles prévoient de créer de nouvelles activités à l’étranger. Le transfert à l’étranger d’activités de production existantes se poursuivrait également au cours des prochaines années. Il concernerait près de 16 % des entreprises industrielles contre 12 % sur la période 2002-2007. Dans les deux cas, le phénomène d’externalisation demeure toujours plus marqué pour les entreprises de plus de 250 salariés ou fortement exportatrices. Les secteurs des biens d’équipement et de l’automobile sont également davantage concernés.
Parmi les entreprises industrielles qui ont développé des activités de production à l'étranger ou qui envisagent de le faire dans les prochaines années, deux tiers d’entre elles jugent très importante la possibilité de réduire les coûts salariaux. Près de la moitié évoque le fait de se rapprocher des clients. Suit, pour un peu plus de deux entreprises industrielles sur cinq, l’accès à une réglementation plus souple et à une imposition plus avantageuse. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, la proximité des clients devient le critère principal, avant même la possibilité de réduire les coûts salariaux.
Les autres facteurs sont jugés de moindre importance, à l’exclusion toutefois de l’accès à des ressources supplémentaires (matières premières...) pour les entreprises du secteur agroalimentaire ou de la possibilité d’opérer dans une autre devise que l’euro pour les entreprises du secteur des biens d’équipement.
Au vu de leurs perceptions, l’importance de ces déterminants devrait assez généralement se renforcer au cours des prochaines années, notamment en ce qui concerne la possibilité d’accéder à une réglementation plus souple, opinion davantage exprimée par les entreprises de moins de 100 salariés, ou encore à des ressources supplémentaires.
R.A. Mundell[17] (1957) est l’un des premiers à avoir étudié les investissements internationaux dans le cadre de la théorie de l’échange international. Son analyse reste dans la logique du modèle d’Heckscher et Ohlin d’échanges liés aux différences d’abondances relatives des facteurs.
Si les pays échangent des produits, c’est parce que, initialement, les facteurs de production sont immobiles. À l’inverse, si les facteurs sont mobiles internationalement (en particulier le capital) et le commerce des produits fortement limité (sinon empêché) par des obstacles tarifaires ou par des coûts de transport élevés (conditions de l’IDE horizontal), les IDE apparaissent comme des substituts au commerce de marchandises.
La rémunération du capital étant plus élevée dans le pays qui est le moins bien doté en capital, il s’opère un mouvement de capitaux du pays qui en détient relativement le plus vers celui où il est rare. Ce dernier va alors produire davantage de biens intensifs en capital, biens qu’il importait auparavant. Les IDE se substituent ainsi aux importations et les dotations relatives en facteurs de production se rapprochent les unes des autres. Avec ce transfert de capital, les avantages comparatifs peuvent être amenés à disparaître, entraînant l’arrêt du commerce. L’IDE horizontal est alors destructeur du commerce international.
K. Kojima[18] (1978) prend appui sur les IDE japonais dans les pays en développement pour souligner l’aspect complémentaire entre IDE et commerce international de marchandises, en introduisant une différence de technologie entre les pays.
L’argument de Kojima peut se résumer de la façon suivante : il considère deux pays, un pays développé, abondant en capital et ayant un avantage comparatif dans la production de machines, et un pays en développement, intensif en travail et ayant un avantage comparatif dans la production de textile. Compte tenu d’une faible demande internationale de textile, le prix international du textile se trouve être égal à celui qui prévaut dans le pays en développement : ce dernier n’a donc aucun intérêt à exporter et il n’y a pas de commerce international.
Cependant, le capital et la technologie étant spécifiques à chaque secteur, les firmes du textile dans le pays développé auront un avantage à se délocaliser dans le pays en développement où la main d’œuvre est moins chère. Le transfert du capital et de la technologie améliore alors la productivité de l’industrie textile dans le pays en développement, abaisse ses coûts de production qui deviennent inférieurs au prix international. Le pays en développement a alors intérêt à exporter du textile et à importer des machines. L’IDE est ainsi créateur d’échange.
Plus généralement, il apparaît que, dans le cas des IDE verticaux où les firmes multinationales répartissent leurs activités entre les pays en fonction des différents avantages comparatifs, IDE et commerce international peuvent être complémentaires, notamment en accroissant les échanges intra-firmes.
À la suite de R.E. Lipsey et M.Y. Weiss[19] (1981) sur les États-Unis ou R. Svensson[20] (1996) sur la Suède, S. Chédor et J.L. Mucchielli[21] (1998) ont étudié les relations entre IDE et commerce international pour les entreprises françaises.
Globalement et toutes zones confondues, la création de filiales dans le pays vers lequel les entreprises exportent, a un effet positif sur les exportations. L’effet de complémentarité entre IDE et commerce international serait donc plus important que l’effet de substitution. Néanmoins, ce phénomène apparaît variable d’un pays à l’autre, la complémentarité la plus forte étant constatée pour les pays industrialisés.
L. Fontagné et M. Pajot[22] (1999) ont également établi que, sur la période 1984-1994, chaque fois que la France investissait un dollar à l’étranger, cet IDE entraînait près de 55 centimes d’exportation et 24 centimes d’importation dans l’industrie considérée et vis-à-vis du partenaire considéré. Ainsi, l’IDE sortant se traduit par une amélioration du solde commercial de la France. À l’inverse, l’IDE entrant entraîne une dégradation du solde commercial dans la mesure où il augmente davantage les importations que les exportations.
N. Madariaga[23] (2010) a actualisé ces résultats en étudiant la relation entre IDE et commerce extérieur de la France sur la période 2002-2008. Elle met en évidence que :
L’étude de K. Head et J. Ries[24] (2001), réalisée à partir d’un échantillon de plus de 900 entreprises japonaises sur 25 ans, confirme par ailleurs que la complémentarité entre IDE et exportations est avérée pour les entreprises s’implantant sur un mode vertical alors qu’elle ne l’est pas pour celles s’implantant sur un mode horizontal.
Au-delà de son impulsion macro-économique initiale sur le stock de capital, l’IDE influence positivement la croissance du pays d’accueil en améliorant la productivité totale des facteurs, grâce au transfert de technologie accompagnant l’IDE. P. Romer[25] (1993) souligne que l’IDE entrant peut faciliter les transferts de technologie et de savoir-faire en gestion dans le pays d’accueil, non seulement dans les filiales investies, mais aussi dans l’ensemble des entreprises du pays d’accueil par des phénomènes de diffusion. L’IDE entrant doit également faciliter l’accès au marché d’exportation et contribuer à une amélioration de la compétitivité des entreprises locales.
Un grand nombre d’études empiriques a tenté de mettre en évidence cet effet positif. Comme le souligne P.R. Agenor[26] (2003), elles n’ont guère fourni de résultats concluants sur ces éventuels effets de diffusion. D. Rodrik[27] (1999) s’interroge sur les politiques mises en place pour attirer les IDE alors même que les résultats concrets de leur impact positif sur la croissance manquent.
Pour qu’un effet positif existe, il semble nécessaire qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Ainsi, Borensztein, de Gregorio et Lee[28] (1998) précisent que l’IDE entrant a un effet positif sur la croissance du pays d’accueil à condition que la population de ce dernier ait un niveau d’éducation suffisamment élevé pour pouvoir diffuser les transferts de technologie à l’ensemble de l’économie. Si Blomström, Lipsey et Zejan[29] (1994) ne confirment pas le rôle essentiel de l’éducation, ils mettent en avant que l’IDE entrant n’aura un effet positif sur la croissance que si le pays d’accueil est déjà suffisamment riche. Alfaro et al.[30] (2003) soulignent quant à eux la nécessité de marchés financiers suffisamment développés, tandis que Balasubramanyam, Salisu et Spasford[31] (1996) insistent sur l’ouverture du pays d’accueil aux échanges commerciaux. Étudiant l’impact des IDE sur la croissance économique dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, Sadni Jallab et al.[32] mettent en avant l’importance de la stabilité macroéconomique (mesurée par le taux d’inflation) comme condition à l’existence d’un impact positif des IDE entrants sur la croissance économique du pays d’accueil. Alfaro[33] (2003) met en évidence des effets différenciés selon le secteur d’activité de la filiale investie : ainsi, l’IDE entrant dans le secteur primaire (agriculture et industries extractives) tend à avoir un impact négatif sur la croissance alors que l’effet est positif dans l’industrie manufacturière (et ambigu dans les services). L’effet négatif constaté pour le secteur primaire est attribué au fait que les bénéfices liés à la diffusion des transferts technologiques sont limités pour l’agriculture et les industries extractives.
Étudiant les IDE entrants en France, L. Fontagné et F. Toubal (2010)[34] mettent en évidence que :
L. Fontagné et F. Toubal[34] (2010) distinguent deux effets de l’IDE pour le pays investisseur :
Aux effets quantitatifs constatés sur la croissance et l’emploi, l’IDE sortant est également supposé favoriser un accroissement du niveau de qualification des postes de travail dans le pays investisseur.
L’IDE sortant est enfin susceptible d’accroître la volatilité de l’emploi dans les entreprises s’étant implantées à l’étranger. Les firmes multinationales peuvent en effet arbitrer entre leurs différentes implantations (locales et à l’étranger) et faire évoluer (plus facilement que les entreprises ne s’étant pas internationalisées) leurs effectifs employés localement pour s’adapter aux chocs conjoncturels.
De nombreuses études empiriques ont mis en évidence l’existence d’un effet substitution : A. Harrison et M. McMillan[35] (2009) estiment qu’une baisse de 0,1 % des salaires dans les pays à bas coûts réduit l’emploi de 1 % dans la maison-mère aux États-Unis. S.O. Becker et al.[36] (2005) évaluent que l’impact d’une baisse de 1 % des salaires en Europe de l’Ouest détruit 2600 emplois en Allemagne et crée 5000 emplois en Europe de l’Ouest, au sein des filiales des multinationales allemandes. L’impact semble plus faible pour les pays à bas salaires : ainsi, la réduction de 1 % des salaires en Europe de l’Est détruit 950 emplois en Allemagne. Une réduction similaire des salaires dans les autres pays en développement ne détruit que 170 emplois en Allemagne.
Exploitant un échantillon d’entreprises françaises sur la période 1994-2000, G. Barba Navaretti et al.[37] (2006) montrent que les entreprises ayant effectué des IDE sortants enregistrent de meilleures performances en termes d’emploi en France que pour les entreprises ne s’étant pas multinationalisées, à condition que l’implantation ne se soit pas faite dans un pays à bas salaires ; dans ce dernier cas en effet, l’effet de substitution annule l’effet revenu. Toujours pour les entreprises françaises, A. Hijzen et al.[38] (2009) arrivent à la conclusion selon laquelle l’effet revenu l’emporte sur l’effet substitution dès que l’IDE sortant renforce les avantages compétitifs initiaux : les deux effets se compensent dans le cas où l’IDE est réalisé vers des pays à bas salaires par des entreprises françaises appartenant à des secteurs peu ou pas compétitifs. Enfin, L. Fontagné et F. Toubal[34] (2010) montrent que :
Dans certains pays, les investissements directs étrangers sont régulés pour garantir un équilibre de la balance des paiements. Au maroc, l'office des changes garantit ce contrôle à travers un régime spécial des investissements[39].
Une partie des IDE ayant pour objet de tirer parti de l’existence de bas salaires ou de conditions de travail moins favorables aux salariés dans certains pays étrangers, les firmes multinationales sont parfois accusées de concurrence déloyale. On leur reproche également de fermer les yeux sur les violations des droits de l’homme et des droits des travailleurs dans les pays en développement où les autorités ne font pas véritablement respecter ces droits. Certains pays, désireux d’attirer le plus possible d’IDE, sont parfois accusés de recourir au dumping social. Dans le même temps, les IDE peuvent exercer des effets à la fois sur les salaires du pays d’accueil et sur les conditions de travail non salariales. Dans chaque cas, on peut distinguer des effets directs (s’exerçant dans les filiales détenues par des investisseurs étrangers) et des effets indirects (qui touchent les salariés des entreprises locales).
Pendant plusieurs années, des études ont semblé montrer que les filiales appartenant à des groupes étrangers versaient des salaires plus élevés à leurs employés que leurs homologues locales, en particulier dans les pays en développement. Ainsi, dans une étude consacrée au Mexique, aux États-Unis et au Venezuela, B. Aitken et al.[40] (1996) mettent en évidence que le salaire moyen dans les entreprises étrangères tend à être supérieur d’environ 30 % à celui des entreprises locales. La limite de cette étude consiste cependant à comparer des salaires d’employés qui peuvent appartenir à des catégories différentes. Ainsi, si les filiales étrangères emploient moins d’ouvriers (traditionnellement moins bien payés que les autres catégories de travailleurs) que les filiales locales, il est normal de constater des salaires moyens plus élevés chez les premières. R. E. Lipsey et F. Sjöholm[41] (2004) ont essayé de neutraliser l’écart salarial relatif à la différence de composition de la main d’œuvre. Ils constatent que dans les filiales de groupes étrangers, les salaires moyens ne sont plus supérieurs que de 12 % pour les ouvriers et de 20 % pour les autres catégories de travailleurs. Des résultats similaires ont été présentés pour cinq pays d’Afrique sub-saharienne par O. Morrissey et D.W. Te Velde[42] (2003). Cet écart entre salaire moyen dans les filiales de groupes étrangers et entreprises locales semble cependant amoindri lorsque la filiale est le résultat d’une fusion-acquisition (l’entreprise faisant partie d’un groupe étranger à la suite d’un rachat et non à la suite de la création d’une société entièrement nouvelle), ce phénomène étant plus particulièrement marqué dans les pays développés (cf. les études de F. Heyman et al.[43] (2007) sur la Suède ou S. Girma et H. Görg[44] (2007) sur le Royaume-Uni). Un dernier élément à prendre en compte dans ce type de comparaison consiste à neutraliser la potentielle amélioration des qualifications des travailleurs (quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent) que peut entraîner l’appartenance à un groupe étranger, amélioration qui se traduirait par une surestimation de l’écart des salaires qui doit être mesuré à qualification équivalente. De fait, il semblerait que, si on compare des salaires individuels de personnes ayant un même niveau de qualification, les fusions-acquisitions dans les pays développés ont au mieux un effet faiblement positif sur le salaire individuel, voire un effet négatif. M. Andrews et al.[45] (2007) pour l’Allemagne, N. Malchow-Moller et al.[46] (2007) pour le Danemark ou R. Balsvik[47] (2006) pour la Norvège, calculent que l’écart de salaire entre les employés de filiales de groupes étrangers et ceux d’entreprises locales est compris entre 1 % et 3 %. P. Martins[48] (2004) et Heyman et al.[43] (2007) mettent en évidence des écarts négatifs de salaires dans les filiales de groupes étrangers au Portugal et en Suède respectivement.
Dans une étude consacrée à l’impact social de l’IDE dans les pays d’accueil, l’OCDE[49] (2008) a analysé les effets des prises de contrôle étrangères sur les salaires moyens pour deux économies émergentes (Brésil et Indonésie) et trois pays de l’OCDE (Allemagne, Portugal et Royaume-Uni). Il apparaît que les acquisitions par l’étranger d’entreprises locales permettent d’augmenter les salaires moyens dans les entreprises concernées, l’augmentation étant plus marquée dans les économies émergentes (11 % au Brésil, 19 % en Indonésie) que dans les pays développés (où il est compris entre 3 % et 8 %). Les résultats obtenus au niveau des salaires individuels à la suite de fusions-acquisitions montrent en outre que l’effet positif des IDE consiste davantage à offrir de meilleures possibilités d’emploi aux nouveaux recrutés qu’à offrir un meilleur salaire aux travailleurs restant en place dans des entreprises qui changent de propriétaire. Enfin, les entrées d’IDE sont susceptibles d’aggraver les inégalités de rémunération dans le pays d’accueil (notamment lorsqu’il s’agit d’un pays en développement), en poussant à la hausse les salaires relatifs des travailleurs qualifiés.
Les effets indirects des IDE sur les salaires consistent en la répercussion des IDE sur les conditions salariales des entreprises locales, qui ne sont pas détenues par des actionnaires étrangers. Ils empruntent deux canaux de transmission différents :
Les études empiriques fournissent des résultats contrastés : si Aitken et al.[40] (1996) ne mettent pas évidence de retombées salariales positives de l’IDE sur les entreprises locales au Mexique et au Venezuela, il n’en est pas de même pour N. Driffield et S. Girma[51] (2003) pour le Royaume-Uni ou J. P. Poole[52] pour le Brésil. Selon l’étude de l’OCDE[49] (2008) menée sur l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Portugal, le Brésil et l’Indonésie, il semble bien qu’il existe un effet indirect positif des IDE sur les salaires des entreprises locales, mais cet effet est d’une ampleur beaucoup plus limitée que l’effet direct sur les salaires dans les filiales des multinationales. En outre, cet effet direct découlerait bien plus des répercussions des IDE sur le marché du travail du pays d’accueil que de la diffusion aux entreprises locales de progrès de productivité.
Selon l'OCDE[53], « les conditions de travail non salariales ne s’améliorent pas nécessairement après une prise de contrôle étrangère ». Ainsi, les firmes multinationales ne semblent pas avoir tendance à exporter leurs conditions de travail autres que le salaire (telles que la formation, le temps de travail ou la stabilité de l’emploi) à l’étranger.
Au contraire, elles ont tendance à adopter les pratiques locales[54]. N. Bloom et al.[55] (2008) analysent, sur la base de données d’enquête sur les méthodes de management et de conciliation vie professionnelle-vie privée pour plus de 700 entreprises de taille moyenne en Allemagne, aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, dans quelle mesure les multinationales américaines exportent certaines pratiques vers leurs filiales en Europe. Ils établissent que si les multinationales américaines exportent leurs pratiques de management, elles n’exportent pas leurs pratiques en matière de conciliation vie professionnelle-vie privée. R. Freeman et al.[56] (2007) comparent les pratiques de travail dans les filiales locales et étrangères d’une entreprise américaine donnée dans différents pays et constatent eux aussi que les entreprises américaines adaptent dans une large mesure leurs pratiques à ce qui se fait dans le pays d’accueil. Cette faible propension des multinationales américaines à exporter leurs pratiques de travail serait dû au fait que :
Peu d'études sont disponibles sur la propension des multinationales à exporter leurs pratiques de travail vers les pays en développement. D’un côté, elles pourraient être d’autant moins incitées à le faire que la mise en application de la réglementation du travail et le rôle des syndicats tendent à être plus faibles dans les pays en développement. De l’autre, les consommateurs et les investisseurs des pays développés pourraient trouver inacceptables les pratiques sociales appliquées dans les filiales implantées dans les pays en développement, et exerceraient alors une pression sur les multinationales pour que celles-ci exportent leurs pratiques en matière de ressources humaines.
R. Bachmann et al.[58] (2014) ont analysé l'impact des IDE entrants et sortants sur la sécurité de l'emploi à partir de micro-données administratives allemandes. Ils mettent en évidence que les IDE ont tendance à réduire la sécurité de l'emploi. Cet effet négatif est d'autant plus significatif pour les IDE sortants des pays d'Europe occidentale et pour les IDE entrants en Europe centrale et dans les pays de l'est. Ces sont les travailleurs les plus âgés et les moins qualifiés qui semblent le plus touchés par le phénomène.
M. Hübler et A. Keller (2010)[59] établissent que les effets des IDE sur la consommation d’énergie et la pollution peuvent être décomposés en 3 éléments :
Les aspects les plus importants et les plus controversés des effets des IDE sur l’environnement sont relatifs à l’effet technologique. Deux théories s’affrontent en effet :
Les IDE peuvent permettre une diffusion efficace et plus rapide de technologies propres permettant ainsi une meilleure protection de l’environnement. L’OCDE[60] (2002) met en avant que les technologies qui sont transférées par les IDE sont généralement plus modernes et « plus propres » du point de vue environnemental, que celles qui sont localement disponibles. K. Gallagher et L. Zarsky (2007)[61] soutiennent que les IDE sont susceptibles d’avoir des effets positifs sur l’environnement du pays d’accueil pour 3 raisons. Ils permettent :
Tous ces effets positifs sont possibles parce que :
Des études empiriques semblent avoir mis en évidence cet effet positif des IDE sur l’environnement en Chine[66], ou dans différents pays du Sud dans le secteur de l'extraction minière[67]. Cet effet technologique est positif pour l'environnement local, surtout s'il s'accompagne de transferts durables de savoir-faire.
Néanmoins, on peut citer des cas où les entreprises multinationales ont déplacé des installations polluantes de leur pays d’origine vers leurs filiales implantées à l’étranger (et notamment dans des pays en développement). Il semble ainsi que la disparité des réglementations environnementales entre les États-Unis et le Mexique ait favorisé certaines délocalisations. N. Mabey et R. McNally[68] (1999) estiment par exemple que l'absence de réglementation relative à la qualité de l'air a fortement encouragé la production de solvants au Mexique. H. J. Léonard[69] (1988) a montré que la production de produits chimiques dangereux, interdits ou fortement réglementés aux États-Unis, tels les pesticides, s'était fortement accrue au Mexique. Le même auteur indique que les travailleurs mexicains sont exposés à certaines substances chimiques nocives, telles les fibres d'amiante, auxquelles les travailleurs américains ne sont plus exposés.
Les pays désireux d’attirer les IDE sont également susceptibles de pratiquer un dumping environnemental en créant des « havres de pollution » (pollution havens en anglais). Jha et al.[70] (1999) notent qu'au Zimbabwe, le Mines and Minerals Act jouissait d'une force juridique supérieure à celle des autres lois, y compris les textes environnementaux, ce qui avait pour effet d'exempter le secteur minier du respect des normes environnementales de droit commun. Ils observent aussi qu'en Indonésie ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'exploitation minière n'était soumise à quasiment aucune réglementation. L'exploitation minière en Indonésie opérait sous le régime de contrats de concession, qui exemptaient généralement les entreprises du respect des normes environnementales existantes.
Dans ces conditions, les pays victimes des délocalisations seraient découragés de renforcer leurs normes environnementales, et pourraient même s'engager dans une « course au moins-disant » environnemental (race to the bottom en anglais) pour retrouver un avantage comparatif dans certaines productions industrielles. E. Neumayer (2001)[71] craint ainsi que les pays en développement n’établissent aucune norme environnementale, ou qu’ils ne légifèrent que sur des normes limitées, ou qu’ils ne veillent pas au respect de normes plus rigoureuses.
Jusqu’à présent, les études empiriques ne fournissent guère de résultats permettant d’affirmer que les pays développés délocalisent de façon significative leurs industries polluantes vers les pays en développement. Ainsi, R. Repetto[72] (1995) a analysé les IDE des États-Unis en 1992. Il constate que la part des pays en développement et en transition dans ces flux est de 45 %, mais que leur part des IDE dans des industries polluantes (pétrole et gaz, produits chimiques et connexes, métallurgie) est bien inférieure : seuls 5 % des IDE reçus par les pays en développement concernent ces secteurs, contre 24 % des IDE destinés aux pays développés. Il semble donc que les pays développés délocalisent leurs industries polluantes principalement vers d'autres pays développés.
Ce résultat a été confirmé par J. Albrecht[73] (1998), qui a examiné les IDE entrants et sortants des États-Unis. Il montre que la croissance des IDE sortants est plus forte pour les industries « propres » que pour les industries polluantes. Il obtient le résultat inverse pour les IDE entrants aux États-Unis. En d'autres termes, les États-Unis semblent accueillir davantage d'industries polluantes qu'ils n'en délocalisent.
De même, G. S. Eskeland et A. E. Harrison[74] (2003) ont examiné si l’IDE dans les pays en développement était concentré sur des industries polluantes, analysant la situation du Mexique, du Venezuela, de la Côte d'Ivoire et du Maroc durant les années 1980. Les deux premiers de ces pays reçoivent l'essentiel de leurs IDE des États-Unis, et les deux autres de la France. Ils n'ont trouvé aucun élément tendant à montrer que ces investissements privilégiaient les secteurs polluants. Ils ont vérifié leurs conclusions en estimant l'effet du coût de la réduction de la pollution sur les IDE des États-Unis à l'étranger de façon générale et ont constaté que les entreprises américaines, qui doivent engager les frais de lutte antipollution les plus élevés aux États-Unis, n'investissent pas plus à l'étranger que la moyenne.
Ces résultats sont justifiés par le fait que les coûts de mise en œuvre des normes environnementales apparaissent, le plus souvent, comme un déterminant assez secondaire des choix d'implantation des entreprises. Ainsi, A. Levinson[75] (1996) montre que les différences de normes environnementales entre pays n’affectent pas les décisions d’implantation des firmes multinationales. Selon cet auteur, en plus de 20 ans de recherche empiriques sur cette question, il n’a pas été possible de démontrer de façon convaincante que des normes environnementales strictes étaient à l’origine de délocalisations ou que des normes laxistes attiraient les IDE.
Néanmoins, les craintes de délocalisations des industries polluantes semblent bien avoir conduit à une certaine « paralysie réglementaire » (c’est-à-dire au refus des pouvoirs publics d'édicter des normes plus contraignantes, de crainte de nuire à la compétitivité nationale). Ainsi en 1992, la Commission européenne a présenté une proposition de taxation du dioxyde de carbone. Cette proposition était subordonnée à l'adoption de taxes similaires par les principaux partenaires commerciaux de l'Union européenne. Toutefois, les initiatives prises à cet effet, aux États-Unis, en Australie, ou au Japon, ont été combattues, avec succès, par les représentants des industriels qui ont soutenu que cette mesure nuirait à leur compétitivité par rapport aux pays ne prenant pas part à l'initiative (pays émergents notamment). En définitive, la proposition a été retirée.
En 1995, l'industrie britannique des peintures a obtenu l'abandon d'une loi qui l'aurait forcée à réduire ses émissions de composés organiques volatils, cause majeure du smog urbain et de problèmes respiratoires. Là encore, l'argument était que cette loi pénaliserait l'industrie par rapport à la concurrence internationale.
En mai 2003, la Commission européenne a déposé un premier projet visant à réglementer l'industrie chimique ; l'objectif de la réforme était de mettre en place un système complet d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation pour les substances chimiques, avec obligation pour les industriels de démontrer que leurs produits sont sûrs pour la santé humaine et pour l'environnement. À la suite des vives critiques des industriels allemands, français et britanniques, qui ont évoqué des surcoûts excessifs pour leur activité, et le risque de nombreuses suppressions d'emplois, le projet de la Commission a été profondément remanié. La Commission a également dû faire face à un lobbying intense des États-Unis, qui craignaient pour leurs exportations vers l'Union européenne. Un nouveau projet fut présenté à la fin de l'année 2003, avec un champ d'application et des objectifs plus restreints.
L’échec du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique qui s’est tenu du 7 au 18 décembre 2009 peut être interprété comme une manifestation supplémentaire de cette paralysie réglementaire inspirée par la crainte des délocalisations dans les pays développés, mais aussi par la volonté des pays en développement de poursuivre leur développement (y compris en attirant des industries polluantes).
Comme le notent S. Globermann et V. Z. Chen[76] (2010), les mesures de politique économique ayant trait aux IDE s’attachent à deux objectifs principaux pour les pays d’accueil : le premier est de maximiser les bénéfices attendus des IDE tout en limitant le plus possible leurs inconvénients potentiels. Une fois créé cet environnement favorable, la question se pose de savoir comment attirer le plus possible d’IDE dans le pays. L’OCDE[60] (2002), souligne en effet que « les avantages nets de l’IDE ne sont pas automatiques ». Afin de tirer profit au maximum de l’implantation de filiales étrangères, cette organisation internationale recommande au pays d’accueil de mettre en œuvre trois types de mesures :
Afin de bénéficier au maximum des avantages des IDE, les autorités publiques du pays d’accueil doivent avoir pour objectif d’améliorer la capacité d’absorption des progrès technologiques par les entreprises locales. Au moins trois mesures de politique économique peuvent être recommandées dans ce cadre :
Même s’il est difficile de trouver dans la littérature économique beaucoup d’arguments permettant de défendre la mise en place de restrictions aux IDE entrants afin de préserver l’indépendance nationale, force est de constater que ces mesures sont adoptées par un très grand nombre de pays. Ainsi, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont modifié la perception de nombreux hommes politiques américains concernant le rôle et les risques des IDE entrants. Certains membres du Congrès ont alors demandé la révision des lois et des politiques sur les IDE entrants aux États-Unis afin d’accroître la surveillance du gouvernement fédéral sur les IDE dans certains secteurs économiques considérés comme particulièrement sensibles pour la sécurité nationale. Ces secteurs sont les télécommunications, l’énergie, les services financiers, l’eau, les activités de transport, ainsi que les services d’infrastructures physiques ou virtuelles indispensables à la préservation de la défense nationale, la continuité du gouvernement, la prospérité économique et la qualité de vie aux États-Unis. Afin de mesurer l’importance des obstacles dressés par les pays d’accueil devant les IDE, l’OCDE[77],[78] (2003) (2010) calcule un indice mesurant l’ouverture des pays aux IDE basé sur l’identification de quatre grands types de restrictions :
Actualisé en 2010 et calculé sur près de cinquante pays, cet indice met en évidence que le pays le plus ouvert aux IDE entrants serait le Luxembourg, suivi des Pays-Bas et du Portugal. La France est classée au treizième rang, devant le Royaume-Uni (17e) ou les États-Unis (33e). Les pays qui dresseraient le plus d’obstacles devant les IDE entrants (parmi ceux pour lesquels l’indice a été calculé) seraient la Russie, l’Islande et la Chine.
Plusieurs mesures de politique économique peuvent être recommandées afin de maximiser le volume d’IDE entrants :
Les pouvoirs publics des pays investisseurs sont confrontés au dilemme suivant : comment éviter les délocalisations destructrices d’emplois sans entraver le nécessaire développement à l’étranger des groupes locaux ?
Même s’il relève d'une démarche privée, l'IDE peut faire l’objet d'un accompagnement public. Au début des années 1980 (et même 1970 pour les États-Unis), les pouvoirs publics des grands pays investisseurs ont pris conscience du rôle déterminant de l'IDE dans une stratégie de conquête de parts de marché. Il est apparu comme le principal moteur du développement international des entreprises, qu'il s'agisse de grands groupes ou de PME. De véritables politiques d'encouragement à l’IDE sortant ont alors été mises en place. Comme le mettent en évidence A.-M. Alcabas, E. Bourcieu et B. Valersteinas[81] (2000), le soutien public à l'investissement direct à l'étranger prend des formes diverses, à tous les stades de la démarche des entreprises.
F. Benaroya[82] (2005) précise que les délocalisations (offshoring en anglais) recouvrent deux phénomènes distincts :
Le débat sur les délocalisations est souvent particulièrement vif et oppose les tenants d’une politique conciliante avec les délocalisations à ceux qui envisagent de réprimer, voire de pénaliser, ce type de pratiques. Les autorités de la plupart des pays industrialisés soulignent cependant que les délocalisations s’inscrivent dans la division internationale du travail et participent au développement des pays émergents, tout en contribuant à l’essor d’activités à plus forte valeur ajoutée dans leur propre économie. Elles mettent en avant les effets potentiellement négatifs sur la compétitivité et l’accueil des investissements étrangers des mesures qui pénaliseraient spécifiquement les délocalisations. En conséquence, la montée en gamme et l’accompagnement social des restructurations constituent la réponse la plus fréquente aux délocalisations.
Les données statistiques sur les IDE sont appréhendées au niveau de la balance des paiements et de la position extérieure d’un pays. Elles sont établies selon la norme internationale fixée par la 4e édition de la Définition de référence des investissements directs internationaux de l’OCDE[5] (2008), cohérente avec les concepts et définitions de la 6e édition (2009) du Manuel de la balance des paiements du FMI[83].
Selon l’OCDE, l’IDE « est un type d’investissement transnational effectué par le résident d’une économie (« l’investisseur direct ») afin d’établir un intérêt durable dans une entreprise (« l’entreprise d’investissement direct ») qui est résidente d’une autre économie que celle de l’investisseur direct. ». Par convention, « l’existence d’un « intérêt durable » est établie dès lors que l’investisseur direct détient au moins 10 % des droits de vote de l’entreprise d’investissement direct ». Ce seuil de 10 % est une convention statistique et est à ce titre discutable : dans certains cas, la détention de 10 % des droits de vote ne permet pas d’exercer une influence sensible sur la gestion de l’entreprise, et inversement, un investisseur direct peut détenir moins de 10 % des droits de vote tout en exerçant une influence importante sur la gestion. Il n’en reste pas moins que l’OCDE n’autorise aucune souplesse dans l’application du seuil de 10 %, cette stricte application étant recommandée par souci de cohérence statistique entre les pays.
Pour l’OCDE, la notion d’IDE recouvre à la fois l’opération de prise de participation initiale permettant d’atteindre le seuil de 10 % et toutes les opérations financières et positions ultérieures entre l’investisseur direct et l’entreprise d’investissement direct ou entre entreprises sœurs (sociétés sans participation directe entre elles supérieure à 10 %, mais détenues, directement ou non, par une maison-mère commune), dotées ou non de la personnalité morale.
Les statistiques d’IDE sont composées :
Les revenus d’IDE servent à analyser leur productivité et permettent de calculer le taux de rendement des fonds investis.
Les flux et les stocks d’IDE regroupent essentiellement trois types de financement transfrontaliers :
La variation des stocks d’IDE entre deux périodes successives correspond non seulement aux flux de transactions enregistrés durant l’intervalle, mais aussi aux fluctuations des taux de change[84], des cours des titres[85] et des volumes[86].
Les statistiques d’IDE étant issues des balances des paiements et de la position extérieure des pays, elles sont parfois diffusées selon les conventions de signe propres à ces comptes :
L’analyse des statistiques d’IDE suppose donc d’avoir identifié au préalable la convention de signe utilisée pour leur présentation.
L’OCDE[5] recommande d’évaluer les flux et les positions d’IDE en valeur de marché. Alors que cela peut être relativement simple pour les flux et pour les stocks d’IDE dans des sociétés dont les actions sont cotées sur un marché boursier organisé, c’est beaucoup moins le cas pour des actions non cotées. Dans ce cas, il convient d’estimer la valeur de marché à partir de données fournies par ces sociétés non cotées.
Tout en recommandant de recourir à la valeur de marché, l’OCDE reconnaît que, dans la pratique, la valeur des positions (stocks) et opérations d’IDE est souvent calculée sur la base de la valeur comptable inscrite au bilan des entreprises d’investissement direct. « Cette situation s’explique par le fait que, dans beaucoup de pays, les valeurs inscrites au bilan des entreprises (…) peuvent représenter la seule source d’information disponible à des fins d’évaluation, en particulier pour le calcul de la valeur des actions non cotées. »
En conséquence, trois types de valorisation distincts sont possibles pour les stocks d’IDE, et il convient de déterminer quel est celui qui est utilisé, notamment lors de comparaisons internationales des statistiques d’IDE, compte tenu des différences parfois significatives qui peuvent exister entre ces différents modes de valorisation. Les stocks d’IDE peuvent être exprimés en :
En application des recommandations de l’OCDE et du FMI, les ventilations géographiques des statistiques d’IDE sont établies sur la base du premier pays de contrepartie (ou pays de contrepartie immédiate). Comme le précise l’OCDE[5] néanmoins, « les entreprises multinationales ont de plus en plus souvent recours à des structures complexes pour financer leurs investissements transnationaux. Il est désormais courant que les fonds transitent par des entités intermédiaires de nature diverse. Ces pratiques faussent l’analyse de l’origine et de la destination [de l’IDE] et peuvent conduire à des résultats statistiques et analytiques erronés si les données sont exclusivement enregistrées sur la base de la contrepartie immédiate ». C’est pourquoi l’OCDE introduit les concepts de pays d’accueil et de pays investisseurs ultimes. Cependant, l’OCDE, tenant compte de difficultés aussi bien conceptuelles que pratiques, recommande aux pays de fournir, de façon facultative, une ventilation géographique établie sur la base du pays investisseur ultime pour les seuls stocks d’IDE entrants. La Banque de France diffuse cette ventilation complémentaire dans une note annuelle consacrée aux stocks d’IDE étrangers en France[87].
En théorie, les statistiques d’IDE pourraient être ventilées selon l’activité économique de l’investisseur ou de la filiale investie. En pratique néanmoins, l’OCDE recommande de toujours se référer à l’activité de la filiale investie (et non à celle de l’investisseur). Cette recommandation n’est cependant pas toujours parfaitement respectée. En effet, l’information la plus aisément disponible est relative à l’activité des entités résidentes, c’est-à-dire à celle de la filiale investie pour les IDE entrants et à celle de l’investisseur pour les IDE sortants. En outre, une partie croissante des IDE sont initiés, reçus ou transitent par des entités spécialisées dont l’activité économique correspond à celle de « management de holding ». Dans un grand nombre de pays, les holdings représentent près de la moitié du total des IDE aussi bien entrants que sortants.
Avec sa Définition de référence des investissements directs internationaux, l’OCDE établit :
D’après l’OCDE[5], « depuis la publication de la première version de la Définition de référence, les pays qui établissent des statistiques ont fait des progrès considérables sur le plan de la révision de leurs systèmes de mesure de l’IDE pour les rendre plus conformes aux exigences et définitions de la Définition de référence ».
La complexité accrue des circuits de financement et de règlement entre affiliés se traduit par des difficultés croissantes dans l’enregistrement et l’interprétation des statistiques d’IDE. La création d’entités à vocation spéciales (EVS ou SPE en anglais pour Special Purpose Entities), souvent constituées pour des motivations fiscales et spécialisées dans le financement ou la centralisation de trésorerie au sein des groupes, affectent à la fois :
Les conséquences de l’existence de ces EVS conduit à :
Selon L. Fontagné et F. Toubal[34] (2010), les statistiques d’IDE « sont (…) de moins en moins le reflet d’une réalité économique, en raison de l’importance prise par les prêts intra-groupes et les entités spécifiques centralisant à l’étranger les opérations financières ». C. Chavagneux[89] (2009) dénonce quant à lui « les faux chiffres » des IDE, tout en soulignant que cette surestimation des statistiques d'IDE (de l'ordre de 40 % à 80 %) met en évidence le recours croissant aux paradis fiscaux par les multinationales. J. Damgaard et T. Elkjaer[90] (2019) observent la croissance des IDE « fantômes » en notant que le Luxembourg, un pays de 600 000 habitants, accueille autant d'IDE que les États-Unis, et beaucoup plus que la Chine. Ils proposent de distinguer les « vrais » IDE des IDE « fantômes » et assurent que plus de 85 % de ces derniers transitent par le Luxembourg, les Pays-Bas, Hong-Kong, les Îles vierges britanniques, les Bermudes, Singapour, les Îles Caïmans, la Suisse, l'Irlande et l'île Maurice.
Pour pallier toutes ces difficultés, l’OCDE recommande, dans la dernière édition de sa Définition de référence des investissements directs internationaux[5] (2008), de nouvelles règles d’enregistrement des IDE. Elles consistent principalement :
Compte tenu du temps d’adaptation des systèmes statistiques, ces nouvelles règles ne sont pas encore appliquées par tous les pays. La Banque de France fournit cependant, dans son Rapport annuel sur la balance des paiements et la position extérieure de la France[92] (2010), les éléments chiffrés suivants :
Les fusions-acquisitions transfrontières sont une des composantes des IDE. Les fournisseurs d’information financière à destination des gestionnaires, analystes financiers, directeurs financiers, etc., tels que Thomson-Reuters ou Dealogic, publient régulièrement des statistiques permettant de retracer les prises de contrôle d’entreprises par des firmes étrangères et les montants financiers correspondants.
De nombreuses différences existent avec les statistiques d’IDE : les statistiques de fusions-acquisitions recensent toutes les transactions sur titres, y compris celles portant sur moins de 10 % du capital de l’entreprise acquise. Les cessions ne sont pas recensées en tant que telles. Les ventilations par pays et par branche d’activité s’appuient uniquement sur l’entreprise acquise et sur l’acquéreur ultime.
L’absence de méthodologie unifiée rend les comparaisons entre les fournisseurs de ces données particulièrement difficiles.
Les agences de promotion de l’investissement et les consultants en implantation, comme IBM/PLI ou fDi Markets, ont mis au point un système de recensement, grâce à des outils de veille économique, des projets d’investissement internationaux annoncés.
L’Agence française pour les investissements internationaux diffuse des statistiques sur les projets d’investissements créateurs d’emplois effectués en France par des firmes multinationales étrangères. Parmi les projets d’investissements visant à créer un nouveau site de production, à étendre un site déjà existant, à reprendre un site en difficulté ou à établir un partenariat, l’AFII ne comptabilise que les opérations qui créent ou préservent (en cas de fermeture de l’entreprise française rachetée) des emplois.
Des données du même type sont produites à l’étranger par certaines agences de promotion homologues de l’AFII, comme UK Trade & Investment (UKTI) au Royaume-Uni, l’Austrian Business Agency pour l’Autriche, Tzechinvest en République tchèque ou NRW.INVEST Gmbh pour le land allemand de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW). Cependant, les différences de champs et de méthodes de comptabilisation rendent ces données difficilement comparables.
Le groupe de presse The Financial Times Ltd a créé une division (fDi Intelligence) spécialisée dans le recensement des IDE de création (ou greenfield investment), qui sont la composante des statistiques d'IDE consistant à implanter des filiales entièrement nouvelles à l'étranger, avec l’installation de nouveaux moyens de production et des créations d'emplois.
L'essor véritable des IDE débute au milieu des années 1980. Dans les années 1950 et 1960, le taux de croissance des IDE est en effet inférieur à celui du commerce international ; l'exportation demeurant la modalité principale de la concurrence à l'échelle mondiale. Dans les années 1970, le taux de croissance des IDE rejoint celui du commerce mondial, mais dans un contexte de décélération du commerce mondial.
Une rupture apparaît en 1985 : les flux d'IDE entrants et sortants accélèrent sensiblement, passant d'un flux annuel de 50 milliards de dollars courants, à plus de 200 milliards en 1989-1990. La croissance des flux d'IDE s'est poursuivie dans les années 1990, pour culminer à 1400 milliards de dollars en 2000. Le montant des IDE s'est fortement contracté à la suite de l’éclatement de la bulle sur les nouvelles technologies : 825 milliards de dollars en 2001, et 566 milliards en 2003.
Malgré un redressement au milieu des années 2000, la crise financière mondiale de 2008-2009 se traduit par un nouveau repli des flux mondiaux d’IDE, avec une chute de 31 % en 2009. En dépit des conséquences persistantes de la crise, les entrées mondiales d’IDE ont progressé de 15 % en 2010, puis de 20 % en 2011[93], pour s’établir à un peu plus de 1612 milliards de dollars. Après avoir reculé de 18 % en 2012, ils progressent à nouveau en 2013 d’un peu plus de 3 % et atteignent 1 363 milliards de dollars[94]. La fragilité de l'économie mondiale, l'incertitude et les risques géopolitiques justifient la baisse de près de 8 % des entrées d'IDE en 2014, qui rebondissent cependant de 36 % en 2015[95]. Cette hausse, inattendue dans son ampleur, est liée essentiellement à la croissance des fusions-acquisitions ciblant des entreprises de pays développés.
Après avoir progressé de 2 % en 2016, les flux mondiaux d'IDE se sont inscrits en baisse de 16 % en 2017, pour s'établir à 1518 milliards de dollars, en dépit de la croissance du PIB et du commerce mondial[96]. Le recul des flux d'IDE vers les économies développées (-27 % à 810 milliards de dollars) masque des évolutions différenciées selon les pays. Les IDE à destination des pays européens chutent de 27 % avec une baisse marquée pour le Royaume-Uni (-90 %), la Belgique, l'Espagne et les Pays-Bas alors que l'Allemagne et surtout la France (+77%) ont réussi à attirer davantage d'investissements. Les flux se sont également taris vers l'Amérique du nord (-33 %).
Les flux d'IDE vers les pays en développement ont été stables (+2 % par rapport à 2016, à 653 milliards de dollars). Ils ont faiblement augmenté vers l'Asie, l'Amérique latine et les Caraïbes et n'ont guère varié vers l'Afrique. La tendance a été moins favorable pour les économies en transition (-17 % à 55 milliards de dollars) avec une baisse sensible pour la Russie.
Après trois années de croissance, les fusions-acquisitions transfrontalières ont diminué en 2017 (-23 % à 666 milliards de dollars). Les investissements greenfield baissent également (-32 % à 571 milliard de dollars), soit leur plus bas niveau depuis 2003.
Pour 2018, la CNUCED prévoit une hausse des flux en lien avec l'accélération attendue de la croissance mondiale et des flux du commerce, tout en s'inquiétant des risques géopolitiques élevés et du haut niveau d'incertitude politique qui pourraient limiter le rebond attendu des IDE.
L'évolution des flux d'IDE, qui dépend notamment de la stabilité de la terre d'accueil et des perspectives qu'elle semble offrir à terme, reflète en quelque sorte la confiance que portent les investisseurs étrangers dans un pays ou une région.
Les flux d'IDE entre l'Union européenne, les États-Unis et le Japon (flux Nord-Nord) sont les plus importants, même si leurs parts dans le total mondial est plutôt en baisse. Ainsi, on observe ces dernières années une forte augmentation des flux vers l'Asie du Sud-Est et tout particulièrement à destination de la Chine. Fin 2018, avec des IDE cumulés dépassant 2 100 milliards de dollars US, la Chine a occupé la première place parmi les pays en développement depuis 27 années consécutives en termes d'investissements étrangers[97].
D'une manière générale, le continent africain attire peu d'IDE même si quelques pays comme l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Maroc[98], la Tunisie ou l'Égypte constituent des exceptions. Pour les autres pays africains, l'IDE est essentiellement concentré dans l'industrie extractive.
Environ 63 % des stocks d’IDE entrants se concentrent dans les pays développés. Les pays en développement et les pays en transition se partagent les 37 % restants. Dix pays (par ordre décroissant: les États-Unis, le Royaume-Uni, Hong Kong, la France, la Chine, la Belgique, l’Allemagne, Singapour, la Suisse et le Brésil) accueillent 55 % du stock mondial d'IDE à fin 2013, et une quarantaine d’États reçoit 90 % du stock total d’IDE. Les États-Unis recueillent à eux seuls un peu plus de la moitié des IDE reçus par l'ensemble des pays en développement et des pays en transition. La seule véritable rupture de ces dernières années provient de l'émergence foudroyante de Hong Kong et de la Chine qui se hissent respectivement à la troisième et à la cinquième place des pays d’accueil avec des poids respectifs de 5,7 % et 3,8 % du stock mondial[99].
Les IDE sont le fait de très grandes firmes industrielles (multinationales) ou de services originaires des pays industrialisés.
J. Pécha et B. Terrien[100] (2005) ont étudié l’évolution des IDE de la France sur la période 1960-2000. Ils observent que le poids relatif des flux d’IDE rapportés au PIB n’a cessé de croître au cours de la période.
De 1960 à 1980, la France était structurellement un pays qui recevait plus d’IDE qu’elle n’en effectuait elle-même à l’étranger. Depuis 1980, la position du pays s’est inversée, la France devenant un investisseur direct net au niveau international, tout en continuant à recevoir des montants importants d’IDE en provenance de l’étranger. La plupart des IDE sortant de France ou y entrant se sont faits avec les pays développés dans lesquels l’Europe joue un rôle dominant et se sont dirigés de plus en plus vers les activités de service.
Au premier semestre 2012, selon le baromètre des IDE publié par le Cabinet Ernst & Young, la France arrive en Europe en seconde position, derrière le Royaume-Uni, l'Espagne étant troisième en devançant l'Allemagne. L'analyse des flux IDE montre que les investissements américains viennent en premier (32 % des IDE) et que les secteurs des services et du logiciel attirent à eux seuls près d'un tiers des flux constatés. Au total ces investissements ont permis de créer 78 300 emplois.
De 2014 à 2024, les groupes américains ont dépensé 132,2 milliards de dollars pour racheter 1 571 entreprises françaises, les suisses 58,3 milliards de dollars pour 346 entreprises françaises, les britanniques 47,9 milliards de dollars pour 967 entreprises françaises et les allemands 40,8 milliards de dollars pour 449 entreprises françaises. A l'inverse, les groupes français ont dépensé 232 milliards de dollars pour racheter 1 177 entreprises américaines ; en comparaison, les britanniques ont dépensé seulement 79,7 milliards de dollars pour racheter 840 entreprises américaines ; les allemands ont dépensé 380 milliards de dollars pour en racheter 1 013[101].
Pour un pays donné, les IDE évolueraient au cours du temps selon un schéma précis, marqué par une succession d’étapes. En lien avec sa théorie du cycle du produit, R. Vernon[102] (1966) est le premier à expliquer le passage pour le pays qui bénéficie d’un avantage technologique, de la production nationale à l’exportation d’un produit et ensuite à la localisation de la production à l’étranger en 5 étapes successives :
T. Ozawa[103] (1990) développe un modèle dynamique de spécialisation et de l’IDE japonais à l’étranger où l’évolution des IDE japonais à l’étranger reflète, avec un temps de retard, l’évolution de l’industrialisation japonaise. Il distingue 4 phases :
Plus généralement, J. H. Dunning[9] (1988) met en évidence que la position nette en IDE d’un pays (égale à la différence entre stocks d'IDE sortants et stocks d'IDE entrants) est fonction de son niveau de développement économique. En effet, le niveau de développement d’un pays a une influence sur chacun des avantages (spécifique, à la localisation et à l’internalisation) identifiés par Dunning comme déterminants des IDE. Plus un pays est développé et plus ses firmes vont bénéficier d’avantages spécifiques et à l’internalisation ; en outre, les pays étrangers où les coûts de production sont plus faibles représentent des cibles idéales pour les délocalisations. Un pays développé aura donc tendance à exporter des IDE alors qu’à l’inverse, les pays moins développés attireront les IDE entrants. Dunning distingue les 4 phases suivantes :
Cette analyse peut être illustrée en représentant les encours moyens d'IDE entrants et sortants de chaque pays en fonction de la position nette en IDE (égale à la différence entre IDE sortant et IDE entrant). La majorité des pays peu développés sur le plan économique se caractérise par des IDE négligeables. Quant aux acteurs les plus significatifs au niveau mondial pour les IDE, ils peuvent être répartis selon 3 catégories :
Selon cette analyse, la position naturelle des IDE (et plus généralement, de la balance des paiements) n’est donc pas d’être à l’équilibre, ce qui relativise de facto les tentatives de lutter (par des politiques économiques plus ou moins restrictives) contre des déséquilibres qui reflètent (au moins en partie) le niveau de développement de chaque pays.
La base de données sur les flux d'IDE gérée par la CNUCED (UNCTAD Stat) permet d'établir le palmarès des principaux pays d'accueil d'IDE et des principaux pays investisseurs :
Au cours du premier semestre 2006, les firmes multinationales indiennes ont acheté 76 concurrents européens, asiatiques ou américains pour un total de 5,2 milliards de dollars au total[105]. En 2005, les IDE des pays émergents se sont élevés à 117 milliards de dollars soit 17 % du total mondial contre 10 % en 1982[106].