La justice chinoise le condamne à la prison à vie en 2014 pour subversion. Ses proches sont sans nouvelle de lui depuis 2017. Toujours emprisonné, il reçoit de nombreuses distinctions, dont en le prix Sakharov du Parlement européen.
Biographie
Ilham Tohti enseigne le droit constitutionnel et le commerce international à l'université centrale des minorités de Pékin. Ses étudiants sont des Ouïghours, mais aussi des Hans, Mongols ou Tibétains[1]. Il est célèbre pour ses conférences « libres » où il n'hésite pas à aborder des sujets difficiles comme le bilinguisme au Xinjiang, le contrôle de la presse et du Net. Cet enseignement lui vaut une surveillance permanente[2].
Son blog Uyghur Online lui permet de proposer des solutions auprès des cadres politiques et économiques chinois pour améliorer la situation au Xinjiang[1].
En , Wang Lixiong et sa femme Tsering Woeser ont lancé une pétition[4] afin de demander la libération de l'universitaire Ilham Tohti. La pétition souligne qu’Ilham Tohti revendique des relations amicales entre nationalités. Son blog a été conçu comme un espace d'échange, Ilham Tohti ne saurait être tenu pour responsable des propos tenus par des participants au forum du blog[5]. Le , 250 personnes avaient signé cette pétition.
Hou Hanmin le porte-parole du Bureau d'information de la région autonome du Xinjiang et relayé par l’agence de presse étatique Xinhua affirme qu’Ilham Tohti est « parti en vacances ». Le journal Mandarin news a essayé sans succès d'entrer en contact avec le blogueur.
Concernant cette affaire, l'organisation non gouvernementale internationale Reporters sans frontières indique le que « les dirigeants du Xinjiang ont déclaré à la télévision nationale que les sites Uyghur Online et Diyarim.com étaient deux canaux à travers lesquels les manifestations étaient organisées. Plus d’une cinquantaine de forums Internet et de plateformes de discussions ont été fermés, dont Uyghur Online, ainsi que de nombreux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, MSN messenger). Pour Reporters sans frontières, cette censure partielle d’Internet traduit la volonté des autorités d’empêcher les mobilisations de Ouïghours et la publication d’informations alternatives à la propagande du gouvernement »[6].
Le , Ilham Tohti a été libéré. Il indique avoir été assigné à résidence dans un hôtel proche de Pékin, puis dans son logement. Il dit ne pas avoir subi de mauvais traitements[7].
Arrestation et condamnation en 2014
Lors d'une opération musclée, près de 30 policiers de Pékin et du Xinjiang l'ont arrêté à nouveau le , et ont saisi quatre ordinateurs, des téléphones portables et des mémoires de ses étudiants. Un porte-parole du ministère des affaires étrangères a déclaré que Tohti était soupçonné d'avoir commis des délits et enfreint la loi[8],[9]. Il avait exprimé sur son site web sa crainte d'une recrudescence des pressions exercées contre les Ouïghours à la suite d'un attentat, attribué aux séparatistes, où une voiture fonça dans la foule sur la place Tian'anmen à Pékin, tuant cinq personnes[10].
Accusé d’un « crime » qui peut être puni de la peine de mort ou de la prison à perpétuité[11], Ilham Tohti est jugé en devant un tribunal du Xinjiang pour « séparatisme ». Selon son avocat, il n'a fait qu'« exprimer ses opinions en tant qu'universitaire ». Les observateurs étrangers n'ont pas pu accéder au tribunal d'Urumqi. L'ONG Human Rights Watch évoque une « mascarade de justice » qui « confortera le sentiment de discrimination à l'encontre des Ouïghours »[12]. Amnesty International dénonce les pressions qui ont contraint l'un de ses avocats à renoncer à le défendre, et le fait que ses avocats n'ont pas eu accès à toutes les pièces du dossier. Il leur a aussi été interdit pendant six mois de voir leur client[13]. Le représentant de l’Union européenne à Pékin a déclaré que « lham Tohti exerçait ses activités dans le respect de la loi chinoise, et il doit être libéré »[14].
Au terme d'un procès de deux jours, Ilham Tohti est condamné à la réclusion à perpétuité, accusé notamment d'avoir écrit des messages favorables à l'indépendance du Xinjiang sur son site web. La BBC remarque que le verdict est surprenant : membre du Parti communiste chinois, Ilham Tohti avait toujours insisté, dans ses écrits universitaires ainsi que sur son site web, que le Xinjiang devait rester chinois, et avait fermement dénoncé la violence de certains séparatistes ouïghours[13]. Le professeur Elliot Sperling qualifie le procès d'inéquitable[15]. Pour Pierre Haski, sa condamnation relève de l’élimination des voix modérées parmi les Ouïghours[16].
En , l'avocate Wang Yu, qui est intervenue pour défendre Tohti, est arrêtée et accusée de « subversion contre l'État », passible d'une peine de prison à vie[17].
Le , quatre cents universitaires, de toutes nationalités, ont demandé à Xi Jinping, le président chinois, de libérer Ilham Tohti[18].
Sa fille, Jewher Tohti, indique que la dernière fois où sa famille a pu voir son père en prison c’est en 2017, c’est l’époque où les camps d'internement du Xinjiang sont mis en place. Depuis elle ne sait pas où il est ou s'il est encore vivant[19]. La sinologue Marie Holzman indique : « Rien ne filtre, on ne sait rien. Les frères d’Ilham Tohti, au Xinjiang, sont sans aucun doute soumis à une pression intense pour ne rien dire, sous peine de ne plus le voir. C’est une stratégie volontaire des autorités : faire comme s’il n’existait pas »[20]. Le Parlement européen lui remet en le prix Sakharov. Toujours emprisonné, c’est sa fille Jewher Tohti qui reçoit le prix en son nom[21]. En , l'Union européenne demande à la Chine la libération immédiate de Ilham Tohti [22].
↑Le Nouvel Observateur du 23 décembre au 5 janvier 2010 : La voix des sans paroles de Ursula Gauthier - Ilham Tohti : une fenêtre sur le Xinjiang (page 83).
↑« China police detain Uighur scholar Ilham Tohti », BBC News, (lire en ligne, consulté le ) : « Foreign Ministry spokesman Hong Lei said the scholar had been "criminally detained" and was suspected of "committing crimes and violating the law" ».
↑China police detain Uighur scholar Ilham Tohti, op. cit. : « He had recently expressed fears on his website about increased pressure on Uighurs following last October's deadly attack in Beijing's Tiananmen Square. / A car crashed through a crowd and burst into flames, killing five people. Beijing authorities have blamed the incident on Uighur separatists. »
↑« Ilham Tohti, l’âme ouïghoure entravée par Pékin », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) European Parliament Conference Launches Ilham Tohti’s Candidature for Sakharov Prize« Even more worryingly, as Professor Elliot Sperling cautioned, by demonising the Uyghur’s Islamic faith, this fosters resentment. What’s more, by imprisoning without a fair trial Professor Ilham Tohti, a moderate, liberal and non-violent public critic of the government, the legitimate issues he brings to the surface are ignored, leaving the situation at risk of exploitation from extremists. »