Femme, Vie, Liberté

Une peinture murale par Btoy à Vienne montre une femme kurde et le slogan Femmes, Vie, Liberté (en kurde).

Femme, Vie, Liberté (en kurde : ژن، ژیان، ئازادی) est un slogan politique kurde utilisé dans le mouvement national kurde, puis repris dans l'ensemble de l'Iran au cours des manifestations de 2022 qui ont suivi la mort de Jina Mahsa Amini^[1],[2].

Lors de ces manifestations, ainsi que dans les manifestations de soutien à ce mouvement, le slogan est utilisé par les manifestants du monde entier à la fois sous sa forme originale kurde et en persan : زن زندگی آزادی (Zan, Zendegi, Azadi).

Origines

L'origine du slogan remonte au mouvement de libération kurde de la fin du XX^e siècle. Il a été utilisé par des membres du mouvement des femmes kurdes, une partie du mouvement de liberté kurde fondé sur l'activisme populaire en réponse à la persécution des gouvernements iranien, irakien, turc et syrien. Il est scandé pour la première fois en 2006 par des femmes kurdes en Turquie. Il est popularisé par des personnalités kurdes telles qu'Abdullah Öcalan dans ses écrits anticapitalistes et anti-patriarcaux^[3].

Utilisation

JIN TV : une télévision féminine autonome – internationale et indépendante

La fondation pour les femmes Newa a annoncé que Jin TV, une chaîne réservée aux femmes, commencerait à diffuser le 8 mars et la fondation appelle toutes les femmes à regarder la chaîne. La Fondation Newa a publié une déclaration sur la chaîne entièrement féminine Jin TV. La fondation a publié une déclaration le 9 janvier 2018 et a annoncé que le projet Jin TV était largement achevé. Dans son nouveau communiqué, la fondation a annoncé que Jin TV commencerait sa diffusion test le 8 mars, Journée internationale de la femme. La déclaration déclare : « Le 8 mars 2018, une fois de plus, les femmes descendent dans les rues aux quatre coins du monde pour exiger la fin de la violence et de l'exploitation du corps des femmes, du travail des femmes et de l'existence des femmes. Ils grandissent et renforcent leur objectif, leur revendication et leur organisation. Dans le cadre de cette organisation, nous lancerons la diffusion test de Jin TV le 8 mars pour annoncer la voix, la parole et la lutte des femmes. Satellite : Hotbird 13°E Fréquence : 11 054 MHz Polarisation : horizontale Taux de symboles : 27 500 Taux FEC : 5/6

JIN TV : une télévision féminine autonome – internationale et indépendante Un forum mondial des femmes en Asie ? Une radio autonome en Amérique Latine ? Un séminaire sur l'histoire des femmes ? La révolution au Kurdistan ? Comment devrions-nous entendre parler de ces choses ? Dans le but d'obtenir des informations sur les luttes et les mouvements des femmes à travers le monde, nous nous plongeons dans trop de langues et sur des milliers de sites Web. Nous participons à des séminaires et à des événements. Nous nous intéressons aux cultures et aux conditions des femmes à travers le monde. Mais – comment s’informer ? D'où viennent les informations ? Et comment puis-je en faire partie ? Il est important de trouver des réponses à ces questions et nous travaillons dur à cet égard. Il y aura bientôt une télévision féminine autonome : internationale et indépendante ! Intégrer l'antisexisme dans les canaux de communication traditionnels Nous ne voulons pas seulement le pain, nous voulons toute la boulangerie ! Les structures patriarcales et les rôles traditionnels doivent être surmontés non seulement dans les réseaux émancipateurs, mais aussi et surtout dans les principaux canaux de communication, qui façonnent continuellement notre culture, nos perceptions, nos sentiments et nos pensées. Les consommatrices de télévision les plus fidèles sont les femmes qui travaillent à domicile. Ils s’occupent des membres de leur famille, élèvent leurs enfants et travaillent à domicile, souvent sans revenus. La télévision les place souvent en arrière-plan. Ils remarquent rarement leur propre invisibilité à l'écran. Les actrices principales sont souvent riches et ont des problèmes complètement différents. Elles passent d'une fête à l'autre et perpétuent souvent les rôles de diva, de vierge, de chercheuse d'or ou de sainte. Nous voulons montrer la réalité des femmes et leurs véritables combats. Nous voulons montrer des femmes affaiblies, qui montrent la possibilité de retrouver force et courage. Nous voulons voir les femmes étudier leur histoire, au lieu d’écouter la version de l’histoire souhaitée par ceux qui sont au pouvoir. Nous voulons voir des femmes expertes dans leur domaine. Nous voulons intensifier les discussions sur l’éthique et l’esthétique. Pour nous, les femmes du monde constituent une nation opprimée, capable de se libérer. Il est donc temps de franchir une nouvelle étape importante vers l’autodétermination et de créer une télévision auto-organisée pour les femmes ! Quelques statistiques pour montrer l’urgence du problème : En 2016, Sen Jia et al ont publié une étude intitulée « Les femmes sont plus vues qu’entendues dans les journaux en ligne ». Sur 2,3 millions d'articles provenant de 950 agences de presse, les images montrent majoritairement des femmes, même si la grande majorité des articles sont rédigés par des hommes. Cela montre que les femmes sont perçues en termes d’objets d’intérêt plutôt que comme de véritables sujets dotés de pouvoir et d’autonomie. Le choix des images affecte notre conscience collective et notre conscience au quotidien bien plus que nous ne le pensons. Une autre étude intéressante à long terme réalisée par Cory L. Armstrong s'intéresse aux manifestations des femmes dans l'actualité de 1960 à 2006. L'étude révèle que seulement 21 % de ces reportages ont été écrits par des femmes, puis 79 % par des hommes. L'étude décrit également la relation entre la visibilité des manifestations et la représentation des femmes. Après tout, de nombreuses manifestations ont lieu spécifiquement pour les droits des femmes. En outre, les manifestations n’atteignent une large portée sociale que lorsque les femmes y participent. Même là où nous constatons une augmentation du nombre de femmes journalistes et correspondantes, le nombre de femmes occupant des postes de direction reste extrêmement faible. Souvent, les femmes accèdent à des postes élevés grâce à de nouveaux mécanismes de quotas. Cela se produit même si les femmes ont souvent des qualifications égales, voire supérieures, à celles des hommes. On peut parler d’un lobby médiatique masculin qui exclut systématiquement les femmes de ses rangs. Comme le montre la répartition injuste des postes dans les médias, il est important de ne pas considérer l'autonomisation des femmes comme une question du passé. Les femmes ne devraient pas se contenter de la simple capacité d'écrire uniquement sur les soi-disant problèmes féminins. La structure fondée sur les intérêts (économiques et patriarcaux) de l’industrie des médias anesthésie le public, tandis que les médias nous bombardent de stéréotypes sexistes et racistes. Par ce mécanisme, les médias contribuent au quotidien à stabiliser et à renforcer les relations de pouvoir et contribuent ainsi à pérenniser la domination et le pouvoir masculins. Cependant, les médias devraient être un lieu de déconstruction des stéréotypes et de promotion d’images et de formes sociales libres. En créant une télévision féminine, nous visons non seulement à atteindre ou dépasser la politique de quotas, mais également à créer des conditions de travail humaines et équitables. Nous avons décidé de travailler dans des comités non hiérarchiques, de traiter les femmes avec enfants comme un enrichissement et le nom comme un fardeau, de créer tous les domaines de la télévision avec le travail et l'engagement des femmes, de la rédactrice à la réalisatrice, de la cheffe de programme à la caméraman, du graphiste à l'éditorialiste. L'autonomie avant l'égalité Notre concept fondamental s'articule autour d'une organisation physique et mentale séparée et autonome, en tant que femmes, pour connaître notre histoire et repenser notre subjectivité en tant que créatrices autonomes de l'histoire. Contre les anciennes formes d’oppression et d’exploitation émerge le désir de se réapproprier toutes les sphères de la vie et de repenser les idées et les méthodes de la sociologie, de la philosophie, de la psychologie, des sciences naturelles et de la culture. Avant de parler d’égalité, nous devons établir l’indépendance et l’autonomie, pour développer notre capacité à penser, agir et créer librement. C'est notre opinion concernant la nécessité d'espaces autonomes pour les femmes. Nous ne pouvons pas entrer dans des relations libres sans nous libérer au préalable. Nous ne pouvons pas espérer parvenir à la libération individuelle sans nous engager dans des processus collectifs dans lesquels nous pouvons développer des décisions, des pensées et des actions libres. Nous voulons rendre publics les processus d'apprentissage pour renforcer la libération des femmes. Les royaumes des femmes autonomes ne sont pas destinés au repos, mais à l’apprentissage de notre propre pouvoir et au dépassement des limites que nous impose le système hégémonique. Nous savons que les femmes sont représentées dans une certaine mesure dans différents domaines de la vie publique. Cela signifie que les quotas de genre peuvent aider les femmes célibataires à accéder à des espaces de travail à prédominance masculine. Mais ce sont des exceptions. Et comme on le dit souvent, les exceptions ne font que confirmer la règle. Ils n’apportent pas de changement social réel et significatif. Pouvons-nous travailler dans des lieux différents, tout en conservant notre identité et sans nous faire assimiler ? Nous devons accroître le pouvoir des femmes derrière la caméra. En tant qu'éditeurs, écrivains, gestionnaires et producteurs. Pour le développement d’une presse libre, nous devons vaincre la censure. La question de savoir ce que nous ne voyons pas ou n'entendons pas nécessairement est bien plus cruciale que de comprendre ce que nous voyons et entendons quotidiennement dans les médias. Ces structures de pouvoir nous amènent à nous remettre en question, à douter et à nous censurer, sciemment ou inconsciemment. « Ai-je le droit de faire ça ? Puis-je dire cela ? N'est-ce pas trop radical ? La plupart des gens seraient heureux d’entendre de nouvelles choses visant au changement. Ce qui nous est présenté comme une « demande du consommateur » nous est en réalité imposé et correspond à un choix conscient.

• https://jintv.net/en/
• http://uikionlus.org/jin-tv-avvia-le-sue-trasmissionjin-tv-una-televisione-autonoma-di-donne-internazionale-e-ineditorei-l8-marzo/

Iran

Le slogan est scandé lors des manifestations qui ont fait suite à la mort de Mahsa Amini en septembre 2022 : d'abord lors des funérailles d'Amini à Saqqez, puis à Sanandaj après ses funérailles. Le 21 septembre, le slogan a été repris par les étudiants de l'Université de Téhéran et par des manifestants dans tout le pays les jours suivants.

Il est également repris par le chanteur Sherwin Hajipour dans sa chanson Baraye... qui est devenue l'hymne officieux des manifestations anti-gouvernementales en Iran^[4].

En octobre 2023, le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit est décerné à Mahsa Amini et au mouvement iranien Femme, Vie, Liberté^[5].

Selon des ONG, le mouvement Femme, Vie, Liberté créé après la mort de la jeune Mahsa Amini en septembre 2022 a été massivement réprimé par les autorités iraniennes, avec au moins 551 morts et des milliers de personnes arrêtées^[6]. En novembre 2024, Ahou Daryaei, une étudiante iranienne, ôte ses vêtements pour protester contre un contrôle de police sur sa tenue vestimentaire. L'image génère un fort impact médiatique international et remet sur le devant de la scène le slogan^[7],[8],[6].

France

En 2018, lors du Festival de Cannes, le casting des Filles du soleil scandait « Jin, Jiyan, Azadî ». Libération a repris le slogan en persan et en français (Femme, Vie, Liberté) sur sa page de couverture avec une photo de femmes iraniennes non voilées en septembre 2022^[9],[10].

En mars 2023, le Palais de la porte dorée, en partenariat avec les Musée d'Art Moderne de Paris, le Palais de Tokyo, les Beaux-Arts de Paris et le réseau Paris Musées, propose sur tout le territoire français une sélection d'affiches et de posters en soutien du combat des femmes iraniennes^[11].

Pour le premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini, de nombreux médias français et européens rendent hommage à la révolution des femmes en Iran et remettent le slogan à l'honneur^{[12],[13],[14]}.

Un roman graphique collectif, édité par L'iconoclaste et traduit dans plusieurs langues, est publié sous la direction de Marjane Satrapi^[15],[16]. Plusieurs dessinateurs sont conviés : Joann Sfar, Coco, Mana Neyestani, Catel, Pascal Rabaté, Patricia Bolanos, Paco Roca, Bahareh Akrami, Hippolyte, Shabnam Adiban, Lewis Trondheim, Deloupy, Touka Neyestani, Bee, Winshluss, Nicolas Wild, Hamoun ainsi que des spécialistes de l'Iran comme l'universitaire Abbas Milani, Farid Vahid et Jean-Pierre Perrin^[17].

Œuvres inspirées par le slogan

Plusieurs ouvrages et créations reprennent le slogan.

Ouvrages

• 2023 : Femme ! Vie ! Liberté ! , Échos d'un soulèvement révolutionnaire en Iran, Chowra Makaremi^[18].
• 2023 : Femme vie liberté, roman graphique sous la direction de Marjane Satrapi, (Éditions de l'Iconoclaste).
• 2023 : Femme, Vie, Liberté : parlons-en , Fahimeh Robiolle.

Documentaire

• Femme, vie, liberté - Une révolution iranienne [Production de télévision], Mohamad Hosseini et Claire Billet (réalisation) sur Arte (2023, 53 min minutes), Arte France, Artline Films, Mehdi Karami Films, consulté le 18 août 2024

Références

1. Joanna Bocheńska, Rediscovering Kurdistan’s Cultures and Identities: The Call of the Cricket, Palgrave Macmillan, 2018, 47 p.
2. Handan Çağlayan, Women in the Kurdish Movement: Mothers, Comrades, Goddesses, Springer Nature, 2019, 197 p.
3. Émile Bouvier, « « Femme, Vie, Liberté ! » : des montagnes du Kurdistan aux rues de Téhéran, retour sur l’épopée d’un slogan révolutionnaire kurde historique », sur lesclesdumoyenorient.com, 20 octobre 2022 (consulté le 21 octobre 2022).
4. « “Femme, vie, liberté” : 5 minutes pour comprendre la révolte en Iran...Regardez le nouvel épisode de "C quoi l'info?" », sur Franceinfo, 17 avril 2024 (consulté le 1^er octobre 2024)
5. « Le prix Sakharov, du Parlement européen, attribué à Mahsa Amini et au mouvement des femmes en Iran », Le Monde.fr,‎ 19 octobre 2023 (lire en ligne, consulté le 19 octobre 2023)
6. «Quel courage» : la vidéo d'une étudiante iranienne dévêtue devant son université fait le tour du monde, lefigaro.fr, 3 novembre 2024
7. « Femme, vie, liberté : une étudiante iranienne se déshabille en pleine rue », sur Le Point, 3 novembre 2024 (consulté le 4 novembre 2024)
8. « Téhéran : l’incroyable courage d’une jeune iranienne », sur Franceinfo, 4 novembre 2024 (consulté le 4 novembre 2024)
9. « «Femme, vie, liberté». 26 septembre 2022 », sur Libération (consulté le 16 septembre 2023).
10. Pierre Alonso, « Iran: «femme, vie, liberté», ces trois mots que le régime honnit », sur Libération (consulté le 16 septembre 2023).
11. « Femme Vie Liberté | Tout le Palais », sur palais-portedoree.fr, 7 septembre 2023 (consulté le 16 septembre 2023).
12. « Des montagnes kurdes à Téhéran : l'origine du slogan "Femme, Vie, Liberté" », sur France Culture, 16 septembre 2023 (consulté le 16 septembre 2023).
13. Camille Pagella, « En Iran, chroniques d’une rébellion: «Il y a un avant et un après la mort de Mahsa Amini» - Le Temps », Le Temps,‎ 16 septembre 2023 (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le 16 septembre 2023)
14. « Iran : Un an après la mort de Jina Mahsa Amini... Femme, Vie, Liberté toujours debout », sur humanite.fr (consulté le 16 septembre 2023).
15. « « Femme, vie, liberté » : un roman graphique pour soutenir la révolte qui secoue l’Iran depuis la mort de Mahsa Amini », Le Monde.fr,‎ 11 septembre 2023 (lire en ligne, consulté le 16 septembre 2023)
16. « « Femme ! Vie ! Liberté ! », de Chowra Makaremi, et « Dans les rues de Téhéran », de Nila : révolte iranienne, leçon de rage », Le Monde.fr,‎ 14 septembre 2023 (lire en ligne, consulté le 18 septembre 2023)
17. Lou Roméo, « « Femme, Vie, Liberté » : un beau roman graphique en soutien aux Iraniens », sur Le Point, 16 septembre 2023 (consulté le 16 septembre 2023).
18. « Femme ! Vie ! Liberté ! - Chowra Makaremi - Éditions La Découverte », sur editionsladecouverte.fr (consulté le 16 septembre 2023).