Se consacrant à son activité de journaliste, il devient directeur littéraire de l'Humanité en 1926. Il fonde la revue Monde en 1928.
Biographie
De son côté paternel, Adrien Gustave Henri Barbusse est issu d'une famille protestante d'origine cévenole[1] dans un hameau d'Anduze, près d'Alès[2]. Son père, licencié de théologie de l'université de Genève, est journaliste, chroniqueur théâtral au Siècle. Sa mère, d'origine anglaise, meurt alors que le jeune Henri n'a que 3 ans.
Le milieu littéraire le reconnaît très tôt comme l'un des siens, à la suite de sa participation remarquée, en 1892, au concours de poésie de L'Écho de Paris de Catulle Mendès. Son premier recueil de poèmes, Pleureuses, est publié en [3].
Il s'exerce alors professionnellement dans la presse, se tourne vers la prose et publie un premier roman, empreint de décadence et de naturalisme à la fois : L'Enfer, en . Cette même année, il intègre les Poètes d'aujourd'hui, d'Adolphe van Bever et Paul Léautaud[4].
L'expérience de la guerre
En 1914, alors âgé de 41 ans, malgré des problèmes pulmonaires et ses positions pacifistes d'avant-guerre, il s'engage volontairement dans l'infanterie et réussit à rejoindre les troupes combattantes en au 231e régiment d'infanterie avec lequel il participe aux combats en première ligne jusqu'en 1916[5]. Il est souvent malade mais retourne au front à chaque fois pour quelques mois. Le , il est décoré de la croix de guerre avec citation[6]. Il est finalement réformé le [6].
En , il est appelé par Jean Longuet pour assurer la direction littéraire du journal Le Populaire. Le premier article qu'il signe dans ce quotidien, qui est alors l'expression de la « minorité » pacifiste du Parti socialiste, est titré « Les lettres et le progrès »[10]. Fondateur du mouvement pacifiste « Clarté » et de la revue homonyme (1919-1924), il adhère au Parti communiste, en 1923, et se lie d'amitié avec Lénine et Gorki[5], au cours de voyages qu'il effectue en URSS.
En , appelé par Marcel Cachin et Paul Vaillant-Couturier, qui ambitionnent de faire de L'Humanité un grand quotidien d'informations, il inaugure ses fonctions de directeur littéraire du journal communiste en dressant en « une » du journal[11] la conception qu'il se fait de la littérature : rapprocher les intellectuels du peuple, susciter un art jeune tendu vers la libération des masses, effectuer une « critique rouge » de la littérature bourgeoise[12]. Ce programme, il veut le mettre en pratique dans le projet qu'il porte d'une nouvelle revue. Il le réalise en 1928 en fondant la revue Monde (publiée jusqu'en 1935) avec des collaborations mondiales prestigieuses. La direction de cette revue est loin d'être un poste de tout repos : Barbusse doit se débattre entre les difficultés financières, les tournants politiques de l'Internationale communiste et du Parti communiste, et les fractures que ceux-ci occasionnent parmi les intellectuels français : débats sur la littérature prolétarienne, soumission ou non aux injonctions politiques, « affaire » Victor Serge[13], etc. Par l’entremise du poète hondurien Froylán Turcios, il entretient des relations avec Augusto Sandino qui dirigeait alors une guérilla contre l’occupation américaine du Nicaragua[14]. Il écrit également dans Le Progrès civique autour de cette période[15].
Admirateur de la révolution d'Octobre (Le Couteau entre les dents, 1921 ; Voici ce qu'on a fait de la Géorgie, 1929), il cherche à définir une « littérature prolétarienne ». Il fut l'un des instigateurs du mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel, dont il devient le président avec Romain Rolland et auquel adhère notamment Albert Camus, dès la prise du pouvoir d'Hitler en Allemagne. Il fait plusieurs voyages en URSS et écrit une biographie élogieuse de Staline (1935)[16],[17]. Il est également le porte-voix du PCF pour calomnier violemment contre Panaït Istrati, ancien proche de Barbusse, coupable d'avoir dénoncé le stalinisme au retour d'un voyage en URSS[18],[19],[20],[21].
C'est lors d'un de ces voyages qu'il meurt d'une pneumonie[22],[23] à Moscou, le . L'hypothèse selon laquelle il aurait été empoisonné sur ordre de Staline[24] est controversée, tant la santé de Barbusse, chancelante dès avant la Première Guerre mondiale, avait été mise à l'épreuve par son intense activité nationale et internationale[25]. Devenu une des figures emblématiques du Front populaire en France, acclamé par la foule qui avait envahi les rues de Paris lors du [26], ses funérailles à Paris, le , donnent l'occasion à la population parisienne de lui rendre un dernier hommage particulièrement important[5]. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, non loin du mur des Fédérés, lieu symbolique de la mémoire populaire et ouvrière. C’est André Malraux qui, à la place de Jean-Richard Bloch, prononce son éloge au nom de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires[27].
Barbusse n’était pas espérantiste, simplement sympathisant. En 1922 paraît la brochure de SATFor la Neŭtralismon ! (À bas le neutralisme), écrite par Eugène Lanti — le fondateur de SAT — pour justifier l’existence du mouvement espérantiste des travailleurs, séparé du mouvement neutre. Sur la page de titre de cette brochure se trouve la citation suivante de Barbusse : « les espérantistes bourgeois et mondains seront de plus en plus étonnés et terrorisés par tout ce qui peut sortir de ce talisman : un instrument permettant à tous les êtres humains de se comprendre »[29].
Barbusse fut également président d'honneur du premier congrès de SAT qui se tint à Prague en 1921[30].
1921 : Quelques coins du cœur (Recueil de nouvelles)
1922 : L'étrangère (Recueil de nouvelles)
1925 : Les Enchaînements
1928 : Faits divers (Recueil de nouvelles)
1930 : Ce qui fut sera
1930 : Élévation
Théâtre
1927 : Jésus contre Dieu (jamais publié)
Scénarios
1926 : Force (Trois films) (jamais tourné)
1935 : Les Créateurs (jamais tourné)
Essais, Témoignages, recueils d'articles
1917 : Paroles d'un combattant. Articles et discours 1917-1920
1920 : La Lueur dans l'abîme - Ce que veut le groupe Clarté
1921 : Le Couteau entre les dents
1926 : Les Bourreaux
1927 : Jésus
1927 : Les Judas de Jésus
1927 : Manifeste aux Intellectuels
1929 : Voici ce que l'on a fait de la Géorgie
1930 : Russie
1932 : J'accuse!…
1932 : Zola
1935 : Staline. Un monde nouveau vu à travers un homme
1936 : Lénine et sa famille (publication posthume)
1965 : Carnets de guerre (publication posthume)
Correspondances
1937 : Lettres de Henri Barbusse à sa femme 1914-1917
Hommage
Dès sa mort, de nombreuses municipalités baptisent de son nom des rues et des écoles, qui sont encore, au XXIe siècle, des vecteurs de sa mémoire[31].
Un musée lui est consacré à Aumont-en-Halatte. Une avenue porte son nom dans sa commune de naissance, Asnières (devenue Asnières-sur-Seine).
Le 11 novembre 2020, Maurice Genevoix, écrivain contemporain de Barbusse, comme lui ancien soldat et témoin littéraire de 1914-1918, entre au Panthéon. Henri Barbusse, autrefois plus célèbre, est lui considéré comme « tout à fait oublié » selon les mots de Jean-Yves Le Naour, notamment à cause de son engagement politique[32].
Documents
Henri Barbusse et Émile Médard, au 231e d'Infanterie.
↑Voir, sur ses origines, le numéro spécial de la revue Europe, septembre 1974 ; le lieu-dit « Barbusse » existe encore à 5 km au sud d'Anduze, comme le montre OpenStreetMap.
↑Philippe Baudorre titre en termes mouvants les derniers chapitres de la biographie de Barbusse : « Une longue période de turbulences (1929-1932) », « Une année charnière (1932) », « Ombres et lumières (1933-1935) ».
↑Leslie Manigat, L’Amérique latine au XXe siècle, 1889-1929, , p. 397
↑François Ouellet, « Panaït Istrati (1884-1935) », Nuit blanche, magazine littéraire, no 152, , p. 18–22 (ISSN0823-2490 et 1923-3191, lire en ligne, consulté le )
↑Michel Niqueux, « Panaït Istrati, Romain Rolland, Correspondance 19191935, Paris 2019 », La Revue russe, vol. 53, no 1, , p. 167–169 (lire en ligne, consulté le )
↑Philippe Baudorre, p. 387 : « La foule massée sur les trottoirs acclame les dirigeants qu'elle reconnaît, « Vive Thorez ! vive Barbusse ! Libérez Thaelmann ! » ».
↑Philippe Baudorre, Barbusse, Paris, , 427 p., 24 cm (lire en ligne sur Gallica), p. 7.
↑« Henri Barbusse », sur comitehistoire.bnf.fr (consulté le ).
Michel Boissard, Henri Barbusse, l'Encre et le Sang, L'Harmattan, 2018.
Patrick Cabanel, « Adrien Gustave Henri Barbusse », in Patrick Cabanel et André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, tome 1 : A-C, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2015, p. 154-155 (ISBN978-2846211901)
Michelle et Lydie Marais, Emile Médard en 14/18. Frère d'armes et ami de Henri Barbusse au 231ème d'Infanterie, Les Sentiers du Livre, 2018, 382 p. (ISBN2754307389)
(de) Horst F. Müller, Henri Barbusse: 1873-1935; Bio-Bibliographie. Die Werke von und über Barbusse mit besonderer Berücksichtigung der Rezeption in Deutschland, Weimar, VDG, 2003, (ISBN978-3-89739-323-3)
Jean Relinger, Henri Barbusse écrivain combattant, Presses universitaires de France, 1994, 289 p.
Jean Sanitas, Paul Markides, Pascal Rabate, Barbusse La passion d'une vie, Valmont, 1996