Reconstruit entre 1485 et 1510, en reprenant certains éléments du style Louis XII contemporain, cet édifice montre à quel point l'architecture parisienne se montre réticente aux nouveautés amenées d'Italie et reste comme à la tour Saint-Jacques, fidèle pour l'essentiel au style gothique flamboyant du XVe s[1].
Les bâtiments accueillaient les abbés de l'ordre de Cluny en Bourgogne dès le XIIIe siècle. À la fin du XVe siècle, le bâtiment construit par l'abbé Jean de Bourbon et a été agrandi par Jacques d'Amboise, abbé de Cluny (1485-1510). Les armes d'Amboise, « palé d'or et de gueules (de six pièces) », ornent les lucarnes ouvragées de la façade ainsi que les gâbles des fenêtres hautes.
L'hôtel accueille régulièrement les abbés de Cluny et certains dignitaires importants.
La jeune Marie Tudor y est enfermée pendant 40 jours en janvier 1515 pour s'assurer qu'elle ne porte pas d'héritier à la mort de son mari le roi Louis XII de France, ainsi la couronne passe à son cousin, le futur roi François Ier. Le , Marie y épouse secrètement et sans le consentement de son frère le roi Henri VIII, son favori, Charles Brandon, duc de Suffolk.
Jacques V est également accueilli dans l'hôtel de Cluny par François Ier, le la veille de son mariage avec sa fille Madeleine de France. Le roi d'Écosse séjourna ainsi dans l'hôtel durant les grandes fêtes et joutes données pour l'occasion.
À partir du XVIIe siècle, l'hôtel sert de nonciature aux légats du pape. Le nonce y réside alors avec sa maison qui se compose d'une vingtaine de personnes dont deux secrétaires. Entre 1634 et 1636, l'hôtel est habité par Mazarin, alors nonce extraordinaire.
L'imprimerie-librairie Moutard
Au XVIIIe siècle, Nicolas-Léger Moutard, l'imprimeur-libraire de la reine de 1774 à 1792[3], installe ses presses dans la chapelle, et son adresse est rue des Mathurins, Hôtel de Cluni[4]. À la révolution, l'hôtel est vendu comme bien national et subit des transformations et des agressions jusqu'à son acquisition par l'État en 1843.
L'observatoire de Cluny
L'hôtel de Cluny est partagé entre plusieurs propriétaires ou locataires particuliers, en deux lots principaux[5], à la réserve de l'observatoire (dit « de la Marine »), installé au sommet de la tour d'escalier ; celle-ci est couronnée d'une plate-forme munie d'une balustrade, à laquelle on accède par une petite vis latérale (de là, les abbés avaient une vue sur les pentes de la montagne Sainte-Geneviève[6] jusqu'à la Seine). L'astronome Joseph-Nicolas Delisle (1688-1768) utilise cette tour du logis principal comme observatoire, en construisant au sommet une cage, ou pavillon de bois octogonal entièrement vitré de petits carreaux. Delisle et ses élèves Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande (1732-1807) et Charles Messier (1730-1817) y feront leurs observations, ce dernier notamment habitera l'hôtel depuis son mariage (1771) jusqu'à sa mort, et y établira son célèbre catalogue des « nébuleuses » (actuels amas stellaires ou galaxies pour la plupart)[7],[8].
Les collections d'Alexandre Du Sommerard
En 1833, Alexandre Du Sommerard, conseiller-maître à la Cour des comptes et amateur passionné par le Moyen Âge, s'y installe et loue quelques pièces auprès d'un imprimeur pour y organiser sa collection d'objets.
Description
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L'hôtel de Cluny avec son observatoire au début du XIXe siècle.
Dans la cour d'entrée en trapèze[10] bordée de bâtiments élevés d'un étage (ceux de l'aile occidentale étant percés au rez-de-chaussée d'un péristyle de quatre arcades ogivales) se trouvent deux cadrans solaires ainsi qu'un puits. Ce dernier possède une gargouille en forme d'« homme sauvage » qui évoque François Sauvage, contrôleur de l'argenterie de Charles VIII, ainsi qu'une poulie de fer en provenance d'Allemagne et probablement datée du XVe siècle.
La gargouille en forme d'« homme sauvage », évoquant François Sauvage, contrôleur de l'argenterie de Charles VIII, du manoir près d'Amboise duquel l'ensemble provient, début XVIe siècle.
À la mort d'Alexandre Du Sommerard en 1843, sa collection est rachetée par l'État, qui nomme son fils Edmond premier directeur du « Musée des Thermes et de l'Hôtel de Cluny »[11].
↑Renouvellements de bail, des 26 novembre 1766 et 23 janvier 1767, consentis au nom de Mgr de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen et abbé de Cluny, par devant Jean-Louis Bro, notaire au Châtelet ; baux de 9 ans aux loyers de 650 et 500 livres annuels.
↑Cette tour à cinq pans, construite en forte saillie (« hors-d'œuvre »), porte aussi les armoiries et la devise de la famille d’Amboise.
↑Suzanne Débarbat, « Messier et l'observatoire de la Marine », L'Astronomie, octobre 2017, n° 109, p. 34-49
↑Son catalogue comprend 57 amas stellaires, 40 galaxies et 13 « nébuleuses » gazeuses, pour la plupart des étoiles en fin de vie. Ainsi, le premier objet de son catalogue (M1), la nébuleuse du Crabe, n'est pas une galaxie mais une supernova.
↑Cette asymétrie trahit les contraintes du site (rues médiévales non parallèles) auxquelles l'architecte a du s'adapter. Cf. Alexandre Gady, Les hôtels particuliers de Paris : du Moyen-Âge à la Belle Époque, Parigramme, , p. 56.
↑Béatrice de Andia et al., Les musées parisiens : Histoire, architecture et décor, Paris, Action Artistique Ville Paris, 2004, p. 209
Hervé Robert, « Contribution à l'histoire de la sauvegarde des Thermes et de l'hôtel de Cluny (1789-1848) », dans Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, 2008, no 87, p. 173-215(lire en ligne)
Myra Nan Rosenfeld, The Hotel de Cluny in Paris, Tradition and Innovation in French Fifteenth Century Domestic Architecture, Turnhout, Brepols, 2020.
Alexandre Gady, Les Hôtels particuliers de Paris, du Moyen Âge à la Belle Époque, Éditions Parigramme, 2008 ; 2e éd. corrigée, 2011, 327 p., p. 176.