Gilles Kepel est le fils d'un intellectuel d'origine tchèque, traducteur de Václav Havel, et d'une professeure d'anglais niçoise. L'un de ses grands-pères traduisit Guillaume Apollinaire en tchèque[1].
En 1985, Gilles Kepel travaille comme chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il effectue des enquêtes sur le développement de l'islam en France en tant que phénomène social et politique. Il publie en 1987 le livre Les Banlieues de l’islam, ouvrage qui lui vaut des critiques de milieux de gauche pour qui il « fait le jeu de Jean-Marie Le Pen »[4]. Il y analyse l'influence grandissante des Frères musulmans et de l'Arabie saoudite dans les banlieues ainsi que le lien entre revendications identitaires et enracinement[2].
En 1991 il publie La Revanche de Dieu (vendu à 60 000 exemplaires, traduit en vingt langues[4]), étude comparée des mouvements politico-religieux émanant du judaïsme, de l'islam et du christianisme.
Des enquêtes de terrain sur les populations afro-américaines musulmanes aux États-Unis lui permettent de publier, en s'inspirant de l'affaire Salman Rushdie et de l'affaire du voile de Creil, un ouvrage, À l'ouest d'Allah (1994)[4] traduit en anglais en 1996 (Allah in the West).
Malgré le succès commercial de Jihad au moment de sa publication, les critiques pleuvent après les attentats du 11 septembre 2001, à cause de son parti pris concernant l’échec de l'islam politique en tant que facteur de mobilisation à la fin des années 1990[réf. nécessaire].
En 2001, Gilles Kepel est nommé professeur de science politique à Sciences Po Paris[5]. Il contribue à la fondation du campus Moyen-Orient Méditerranée, ainsi que du Forum EuroGolfe[2]. En 2012, Sciences Po décide de fermer la chaire Moyen-Orient Méditerranée, en raison, notamment et selon Télérama et Mediapart, des « conférences somptuaires » financées par le Koweit[6],[7].
En 2013 il décrit les révolutions arabes à travers l’ouvrage Passion arabe (Prix Pétrarque de France Culture, « Meilleur livre de l’année » selon Le Monde)[8],[9].
En 2014, il publie Passion française, une enquête analysant la première génération de candidats issus de l’immigration musulmane aux élections législatives, principalement à Roubaix et à Marseille. Il s’agit du troisième livre de la tétralogie de Gilles Kepel, qui se termine avec Terreur dans l’Hexagone en 2015[10], mettant en perspective les attentats jihadistes en France. La publication de ce best-seller fait de Gilles Kepel une figure intellectuelle médiatique, mais aussi une cible des djihadistes[11].
En 2016, il publie La Fracture, basé sur des chroniques radiophoniques effectuées sur France Culture entre 2015 et 2016, analysant l’impact du djihadisme au moment de la multiplication des attentats sur le sol français et européen. Selon lui, la « multiplication d’actions atroces et spectaculaires a pour but de provoquer une « fracture » – d’où le titre du livre – censée isoler les musulmans de France, transformés, du coup, en réservoir de djihadistes »[12].
En 2018, il publie Sortir du Chaos. Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, une analyse des différents événements majeurs au Moyen-Orient, depuis la guerre d'octobre 1973, suivie de l'explosion des prix du pétrole et de la prolifération du jihad, à travers ses trois grandes phases depuis l'Afghanistan et Al-Qaïda. Dans cet ouvrage, Gilles Kepel propose également le récit des six principaux soulèvements arabes, de la Tunisie à la Syrie[13].
Selon Mediapart, la suppression de sa chaire à l'ENS en 2023 est à mettre sur le compte d'un bilan scientifique très faible, relié à un coût exorbitant[7].
Il est accusé par François Burgat d'avoir agressé son doctorant Pascal Ménoret, en 2008, lors d'une soirée à Middle East Association(en) de Washington. Gilles Kepel aurait été exclu de l'association[19],[20]. Ménoret avait rédigé un pamphlet sur Kepel quelques années plus tôt que ce dernier avait peu goûté[20],[21]. Invité dans l'émission Répliques par Alain Finkielkraut, Kepel présente une version différente des faits face à François Burgat, réfutant l'avoir violenté[22].
Depuis plusieurs années, Gilles Kepel est en profond désaccord avec le politologue Olivier Roy sur l'analyse des causes du terrorisme islamiste en France[23],[24]. Le sociologue Vincent Geisser, quant à lui, l'accuse de contre-vérités, de raccourcis simplistes, et d'une tendance à « islamiser » à outrance les problèmes des banlieues[25].
Prises de positions
Gilles Kepel affirme que l'un des objectifs des islamistes est de fracturer la société française. Bien qu'issu lui-même de la gauche, il affirme qu'une partie de la gauche française est devenue naïve[26], voire complice par son aveuglement criminel[27].
Publications
Le Prophète et Pharaon. Les mouvements islamistes dans l'Égypte contemporaine, Paris, éditions Gallimard, coll. « Folio histoire », (1re éd. 1984), 245 p. (présentation en ligne)
Les Banlieues de l'islam. Naissance d'une religion en France, Paris, éditions du Seuil, 1987
La Revanche de Dieu. Chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde, Paris, éditions du Seuil, coll. « Points », rééd. 2003 augmentée (1re éd. 1991), 282 p. (présentation en ligne)
Jihad. Expansion et déclin de l'islamisme, Paris, éditions Gallimard, coll. « Folio actuel », 2003, 2e édition refondue et mise à jour (1re éd. 2000), 460 p. (présentation en ligne)
Chronique d'une guerre d'Orient, Paris, éditions Gallimard, 2002
Fitna. Guerre au cœur de l'islam, Paris, éditions Gallimard, coll. « Folio actuel », (1re éd. 2004), 382 p. (présentation en ligne)
Terreur et martyre. Relever le défi de civilisation, Paris, groupe Flammarion, 2008 ; rééd. coll. « Champs actuel », Flammarion, 2009
Banlieue de la République. Société, politique et religion à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, Paris, éditions Gallimard, 2012
Passion française. La voix des cités, Paris, éditions Gallimard, 2014
Passion en Kabylie, Paris, éditions Gallimard, collection Témoins, 2014 Le livret accompagne la publication sous coffret de Passion arabe et de Passion française.
Le prophète et la pandémie : Du Moyen-Orient au jihadisme d’atmosphère, Paris/61-Lonrai, éditions Gallimard, , 336 p. (ISBN978-2-0729-2312-8)[29],[30],[31]
Enfant de Bohême, récit autobiographique et familial, Paris, éditions Gallimard, 2022. (ISBN978-2-0729-9591-0)
↑François Burgat, Comprendre l'islam politique: Une trajectoire de recherche sur l'altérité islamiste, 1973-2016, La Découverte, (ISBN978-2-7071-9374-2, lire en ligne)