Un foyer de peuplement, appelé aussi foyer de population, est une zone géographique à forte densité humaine à l'échelle du globe. Au contraire, on dit d'une zone géographique de faible densité humaine qu'elle est un désert humain.
On différencie les trois « foyers primaires » (Asie du Sud, Asie de l'Est et Europe), ou « foyers majeurs », qui sont les plus importants, des « foyers secondaires » de tailles plus modestes.
Classification
Les géographes ont pris l'habitude de classer les différents foyers de peuplement en fonction de leur population totale, en trois grandes catégories : foyers majeurs, foyers secondaires et noyaux de peuplement.
Foyers majeurs
Les trois principaux foyers de peuplement concentrent à eux-seuls la moitié de la population mondiale. Ces zones, toutes les trois en Eurasie, détiennent les records de densité rurale (dans les plaines japonaises) et urbaine (à Dacca)[1]. Les ouvrages de géographie du début du XXe siècle les qualifiaient de « fourmilières humaines »[2].
Le plus peuplé est celui de l'Asie du Sud, appelé aussi le subcontinent indien, avec l'Inde (1,358 milliard d'habitants estimés en 2018)[3], le Pakistan (200 millions), le Bangladesh (166 millions), l'Afghanistan (34 millions), le Népal (29 millions) et le Sri Lanka (20 millions), soit un total de 1,812 milliard, en forte croissance.
L'Asie de l'Est est le deuxième grand foyer, comprenant la Chine (1,401 milliard d'habitants estimés en 2018)[3], le Japon (125 millions), les deux Corée (50 millions pour le Sud et 25 millions pour le Nord) et Taïwan (23 millions), soit un total de 1,630 milliard d'habitants, qui est devenu presque stable.
L'Europe est le troisième foyer, avec l'Allemagne (80 millions d'habitants estimés en 2018)[3], le Royaume-Uni (65 millions), la France (65 millions)[4], l'Italie (59 millions), l'Espagne (46 millions), l'Ukraine (44 millions), la Pologne (38 millions), la Roumanie (19 millions) et une trentaine de plus petits pays. Le total représente 596 millions d'humains, chiffre assez stable, sans compter dedans la Russie (143 millions).
Foyers secondaires
En dehors des trois foyers principaux, les auteurs isolent une demi-douzaine de foyers secondaires[5] :
La hiérarchie entre les différents foyers de peuplement a connu des évolutions : les trois principaux actuellement n'ont pas toujours été en tête de classement.
Évolution de la population des grandes régions (en millions)[8]
À partir de la plupart de ces foyers, l'agriculture et l'élevage ont été diffusés vers d'autres régions aux conditions climatiques proches, mais n'ayant pas ou peu de plantes et d'animaux domesticables, comme de la Haute-Mésopotamie vers la plaine mésopotamienne au sud, vers la côte méditerranéenne, l'Égypte et l'Europe à l'ouest, la Perse et l'Inde à l'est.
Foyers en déclin relatif
La localisation des premiers foyers de peuplement ne correspond pas à l'actuel hiérarchie des foyers. Le croissant fertile (territoires de l'Égypte, d'Israël, du Liban, de la Syrie et d'Irak), bien qu'étant le plus ancien foyer et basé sur une gamme variée de productions végétales et animales, n'est plus aujourd'hui qu'un foyer secondaire de population. L'explication serait une dégradation de l'environnement dès la fin de l'Antiquité avec désertification par salinisation (accumulation du sel apporté par l'eau d'irrigation).
Le foyer néo-guinéen ne s'est pas étendu en-dehors des quelques vallées des hautes terres (entre 1 200 et 2 800 mètres d'altitude) pour des raisons climatiques ; de plus la production traditionnelle est composée essentiellement de racines pauvres en protéines : la Nouvelle-Guinée est donc restée le moins peuplé des centres d'origine de l'agriculture, ne dépassant pas le million d'habitants[11]. Les deux foyers américains (Mexique et Andes) ont été largement dépeuplés lors des XVIe et XVIIe siècles par des pandémies (variole, typhus, grippe, rougeole et peste bubonique) déclenchées par les voyages d'exploration européens.
L'émigration européenne, qui débute modestement dès le XVIe siècle pour devenir massive pendant la seconde moitié du XIXe et le début du XXe (entre 1800 et 1900, 43 millions d'Européens arrivent en Amérique du Nord, 2 millions en Amérique centrale, 11 en Amérique du Sud, un million en Afrique australe et 3,5 en Océanie)[15], entraîne le développement de nouveaux foyers de peuplement, sur les côtes orientales de l'Amérique du Nord (surtout dans le Nord-Est des États-Unis), de l'Amérique du Sud (notamment le Sudeste brésilien) et de l'Australie. Certains de ses départs sont forcés, c'est notamment le cas pour une partie des 7 millions de Russes qui s'installent le long de la ligne du Transsibérien, pour les déportés français en Nouvelle-Calédonie de 1864 à 1897 et en Guyane de 1885 à 1938. Ce peuplement européen aux Amériques est complété avec l'arrivée du XVIIe au XIXe siècle de 10,7 millions d'esclaves africains, au Brésil (4,8 millions), aux Antilles (4,5 millions), en Guyanes (397 000), en Amérique du Nord (388 000) et sur le Río de la Plata (67 000)[16].
Ces deux derniers siècles, la densité de tous les foyers de peuplement a augmenté de façon exponentielle[17], à cause de la transition démographique et de l'urbanisation (le nombre d'urbains passe de 10 % en 1900 à 50 % en 2007)[18], en commençant par l'Europe dès le début du XIXe siècle, puis l'Amérique du Nord, le phénomène touchant au cours du XXe siècle l'Amérique latine, l'Océanie, l'Asie et l'Afrique. L'Asie du Sud est devenue le premier foyer de peuplement au tout début du XXIe siècle, passant devant l'Asie de l'Est : la principale raison est la baisse rapide de la natalité chinoise (grâce à la politique du planning familial), alors que celle indienne reste forte (l'Inde devrait devenir l'État le plus peuplé du monde en 2025)[19].
« Si la description de la répartition d'une population constitue une tâche assez simple, son explication l'est beaucoup moins et il arrive qu’elle soit vraiment ardue. [...] Sur ce thème important de la connaissance géographique, les études ont été assez nombreuses [...] ; on est malheureusement très loin encore de bien comprendre tous les aspects de la répartition spatiale des populations [...]. »
« Une situation géographique s'explique rarement par un seul facteur, mais plutôt par une combinaison d'influences, de phénomènes et d'actions »[23]. Un même facteur peut même être un avantage ou une contrainte, selon l'influence des autres facteurs, mais aussi selon l'époque[24]. L'agriculture est le plus souvent présentée comme le facteur dominant, selon le principe « plus il y a de calories disponibles, plus les hommes sont nombreux »[25]. Il y a donc corrélation entre la densité de population et la productivité de l'agriculture[26] : les foyers de peuplement sont déterminés par la production ancienne et diversifiée de nourriture, tandis que les déserts humains le sont par la faiblesse de cette production.
Le relief peut avoir une influence, les territoires faciles d'accès étant utilisés prioritairement. L'artificialisation se fait principalement dans les grandes vallées et sur les plaines littorales, l'exploitation agricole concerne notamment les vallées et les bas-plateaux sédimentaires, tandis que les territoires difficiles d'accès (reliefs pentus et élevés) ou peu fertiles sont en général laissés à l'état semi-naturel. Les vallées offrent des sols légers (faciles à travailler), des accès à l'eau (pour l'irrigation, l'urbanisation et le transport) et des dénivelés faibles dans l'axe des cours d'eau (favorables aux transports), mais entrainent des risques d'inondations et des besoins en aménagements (drainage par exemple).
Mais le relief seul n'est pas déterminant. Si des hauts reliefs (les Alpes, les montagnes Rocheuses ou le plateau tibétain par exemple) sont peu peuplés à cause des pentes, du climat montagnard (variation d'environ 1 °C pour 100 mètres) et du manque d'oxygène en haute altitude, d'autres hauts reliefs sont peuplés (l'Altiplanoandin, le Caucase, l'Atlas ou les plateaux malgaches) : ils sont dans ces cas des refuges, des châteaux d'eau et des zones plus fraiches.
Hydrographie
Il y a souvent concentration des populations à proximité des plans d'eau et des cours d'eau (lacs, mers, fleuves et rivières).
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Facteurs anthropiques
Le déterminisme basé sur les facteurs physiques ne peut pas expliquer seul la répartition de la population[27] : il faut y rajouter l'action humaine, qui transforme les milieux, ainsi que les hasards de l'histoire[28].
Cycle vertueux des fortes densités de population, permettant une production intensive et des aménagements (drainage, déforestation, irrigation, etc.).
« sociétés hydrauliques » pratiquant la riziculture irriguée ;
drainage et mise en culture des marais et delta, limitant le paludisme ;
↑Si le premier voyage d'un navire négrier d'Afrique vers l'Amérique a lieu en 1525 et le dernier en 1867, l'essentiel du commerce se fait entre 1697 (installation des Français à Saint-Domingue) et 1850 (interdiction du trafic par le Brésil). Source : (en) « Timeline: Number of Captives Embarked and Disembarked per Year », sur slavevoyages.org (The Trans Atlantic Slave Trade Database).
↑(en) Kees Klein Goldewijk, Arthur Beusen et Peter Janssen, « Long-term dynamic modeling of global population and built-up area in a spatially explicit way : History Database of the Global Environment (HYDE) 3.1 », The Holocene, vol. 20, no 4, , p. 565-573 (ISSN0959-6836, lire en ligne).
↑[PDF] Jacques Véron, « La moitié de la population mondiale vit en ville », Population & sociétés, Paris, INED, no 435, (ISSN0184-7783, lire en ligne).
↑Gérard Hugonie, « Des explications dans la géographie enseignée : Première approche », L’Information géographique, Paris, SEDES, vol. 63, no 3, , p. 133 (lire en ligne).
↑B. Maldant, « Économétrie du développement : facteurs naturels, densité de population et production agricole », Tiers-Monde, IEDES, vol. 9, no 34, , p. 363 (lire en ligne).
↑François Durand-Dastès, « Densité de population et systèmes agricoles en Inde », Mappemonde, Paris, Belin-Reclus, no 4, (lire en ligne).
↑Gérard Hugonie, « La place des données naturelles dans la géographie de la France enseignée de l'école au lycée », L'Information géographique, vol. 72, no 3, , p. 46-58 (lire en ligne).
↑Luc Cambrezy, « Environnement et densités de population : le recours à l'histoire », Cahiers d'études africaines, Éditions de l'EHESS, vol. 26, nos 101-102, , p. 63-73 (ISSN1777-5353, lire en ligne).