Dans le cas d'un anneau d'entiers algébriques d'un corps de nombres (c'est-à-dire d'une extension finie du corps ℚ des rationnels), la forme trace possède une propriété remarquable : son déterminant ne dépend pas de la base choisie. Cette propriété permet de définir le discriminant d'un tel anneau.
Lien avec les éléments conjugués — Si λ1, λ2, …, λn désignent les racines du polynôme minimal de α sur K alors, pour tout polynôme Q à coefficients dans K,
Démonstration
De manière générale, la trace de L sur K de m est la somme des racines du polynôme caractéristique χm de φm, et si m = Q(α), alors φm = Q(φα) et les racines de χm sont les images par Q de celles de χα. Or dans le cas L = K(α), χα n'est autre que le polynôme minimal P de α. En effet, si n est le degré de P, (1, α, α2, … , αn – 1) est alors une base de L, dans laquelle la matrice de φα est la matrice compagnon de P.
Cette première propriété permet d'établir les comportements diamétralement opposés de la forme trace, selon que l'extension est séparable (ci-dessous) ou ne l'est pas (plus loin) :
On utilise le théorème de l'élément primitif : si L est une extension finie séparable de K alors elle est de la forme K(α) pour un certain élément α, et les λk de la propriété précédente ne sont autres que les σ(α). On a m = Q(α) pour un certain polynôme Q ∈ K[X] et Q(σ(α)) = σ(Q(α)) = σ(m).
Les éléments de S sont linéairement indépendants d'après le théorème d'indépendance de Dedekind, en particulier leur somme est non nulle, c'est-à-dire – d'après le premier point – qu'il existe un élément m de L tel que TrL/K(m) soit non nul. Pour tout élément non nul x de L, il existe alors au moins un élément y de L tel que TrL/K(xy) soit non nul : y = m/x.
Alternativement, le second point se déduit immédiatement de la propriété suivante, utile par ailleurs :
Lien avec le discriminant d'un polynôme — Si α est algébrique de degré n, alors le déterminant de la matrice de la forme trace dans la base (1, α, α2, … , αn – 1) de K(α) est égal au discriminant du polynôme minimal de α.
Notons M = (mi,j) cette matrice et, à nouveau, λ1, λ2, …, λn les racines du polynôme minimal P de α. Alors, d'après la première propriété de cette section :
en désignant par Λ la matrice dont le terme d'indice (k, i) est égal à λki. Or Λ est une matrice de Vandermonde, si bien que
Le calcul immédiat de la trace d'une matrice par blocs permet d'établir :
Formule de composition — Pour toute extension intermédiaire F,
Soit α un élément de L non séparable sur K. Dans la première des propriétés ci-dessus, la multiplicité de chaque conjugué de α est alors un multiple de la caractéristique de K, donc TrK(α)/K est nulle et (par composition) TrL/K aussi.
car TrK/ℚ(bibj) = ∑k σk(bibj) = ∑k σk(bi)σk(bj) = ∑k Bki Bkj = (tBB)ij
où tB désigne la transposée de la matrice B. Donc det(TrK/ℚ(bibj)) = det(tBB) = det(B)2.
En effet, ω – σ(ω) est égal à √d si d est congru à 1 modulo 4 et à 2√d sinon.
Pour d = –1, on trouve ainsi que le discriminant de l'anneau ℤ[i] des entiers de Gauss est égal à –4, qui est bien le déterminant de la matrice Ψ de l'exemple 1 ci-dessus.
On calcule de même, plus généralement, le discriminant de ℤ[ω] pour n'importe quel entier algébrique ω (cf. § « Discriminant et polynôme » ci-dessous).
Propriétés
Discriminant et polynôme
Soient a un entier algébrique et ℤ[a] la ℤ-algèbreengendrée par a. Une propriété ci-dessus de la trace montre que :
Le discriminant de ℤ[a] est égal au discriminant du polynôme minimal de a.
Par exemple, le discriminant de ℤ[i], égal à –4 (§ « Exemple 2 » ci-dessus), est égal au discriminant du polynôme X2 + 1, qui est le polynôme minimal de i.
Discriminant d'un idéal
Soit J un idéal non nul de A. Son groupe additif est un ℤ-sous-module libre de rang égal au rang n de A puisque J contient le sous-module αA, de rang n, pour n'importe quel α non nul dans J. On définit sa norme N(J) comme la valeur absolue du déterminant d'une base de J dans une base de A. De la formule de changement de base pour une forme bilinéaire, on déduit alors immédiatement :
Le discriminant d'un idéal non nul J de A est donné par la formule suivante :
Détails
Soient f un isomorphisme de ℤ-modules de A dans J et F sa matrice dans une base B de A. Si x et y sont deux vecteurs de J et X et Y leurs vecteurs colonnes dans la base de J, image de B par f, on a l'égalité matricielle :
On en déduit :
Le même argument montre que[6] dans un corps de nombres K de degré n, pour qu'un sous-anneau de OK de rang n soit égal à l'anneau tout entier, il est suffisant (mais non nécessaire : cf. cas d ≢ 1 mod 4 de l'exemple 2 ci-dessus) que son discriminant soit sans facteur carré ; par exemple pour K = ℚ(ξ) où ξ est une racine de X3 – X – 1, ceci prouve que OK est réduit à ℤ[ξ], dont le discriminant vaut (d'après le § précédent) –(4(–1)3 + 27(–1)2) = –23.
Lorsque K est un corps quadratique ou cyclotomique ou, plus généralement, un corps monogène(en), c'est-à-dire lorsque OK est de la forme ℤ[a], ceci a donc lieu exactement quand p divise le discriminant de OK (cf. § Discriminant et polynôme ci-dessus). Plus généralement :
Théorème — Un nombre premier est ramifié sur un corps de nombres K si et seulement s'il divise le discriminant ΔOK.
On voit donc déjà que p divise ΔOK si et seulement si la forme trace est dégénérée sur au moins l'un des A/Qie(i), et il reste à montrer que pour un idéal maximal Q de A, la forme trace est dégénérée sur A/Qe si et seulement si e > 1.
Si e > 1, la classe x dans A/Qe d'un élément de Q\Qe est non nulle mais nilpotente donc, pour tout y dans A/Qe, xy est également nilpotent donc de trace nulle, ce qui prouve que la forme trace est dégénérée sur A/Qe.
Ce théorème prouve en effet que si n > 1 alors |ΔOK| > 1, puisque la norme d'un idéal non nul vaut au moins 1 et que (par récurrence) pour tout n ≥ 2, (π/4)n/2nn/n! > 1.