Guy Mouminoux, plus connu depuis les années 1970 sous la signature de Dimitri, né le à Paris et mort le , est un auteur de bandes dessinées et écrivain français.
Auteur très prolifique de bandes dessinées pour enfants dès l'après-guerre, il accède à la reconnaissance à la fin des années 1970 lorsqu'il crée Le Goulag, s'adressant, par ses multiples allusions politiques, à un public plus adulte. C'est pour Patrick Gaumer « l'un des auteurs les plus originaux de la langue française[1] ».
Guy Mouminoux est né de Jean Mouminoux et de Marie, Amélie Fougeron le 13 janvier 1927 à Paris 10e[3]. En 1931, la famille habitait à Paris, 81 boulevard de Charonne avec que le grand-père maternel, François Faugeron, menuisier né en 1860 dans le département de la Dordogne. Son père, Jean Mouminoux exerçait la profession de chauffeur de taxi[4].
Selon ses assertions, sa mère était de nationalité allemande et il grandit en Alsace. Dans son enfance, il lit beaucoup de bandes dessinées : les Pim Pam Poum de Harold Knerr, Popeye et La Famille Illico, le marquent durablement[5]. En 1940, l'Alsace est annexée par l'Allemagne, et ses jeunes envoyés dans des camps de jeunesse allemands. Engagé dans la Wehrmacht en mai 1942, puis plus précisément dans la divisionGrossdeutschland de la Wehrmacht en 1943, Mouminoux connaît, à seize ans, les combats sur le front de l'Est. Cette expérience le marque profondément, comme le montre son œuvre, hantée par les thèmes de la guerre et de l'ambiguïté de tout engagement[6].
En 1959, la reprise de Blason d'argent, série d'aventure médiévale, dans Cœurs vaillants, principal illustré catholique, lui permet de toucher un public plus nombreux et de s'assurer des revenus plus stables : il anime la série jusqu'en 1977 pour les différentes revues des éditions Fleurus. Parallèlement, il entre à Spirou, tout d'abord via Les Belles histoires de l'oncle Paul, ensuite en réalisant entre 1963 et 1965 le scénario et les décors de trois Valhardi pour Jijé, dont il reste un grand ami jusqu'à sa mort en 1980[8].
En 1964, il entre à Pilote où il anime de 1966 à 1970 Goutatou et Dorauchaux, sa première grande série humoristique, qui le convainc de la nécessité de faire de la bande dessinée d'humour pour garder un intérêt à la bande dessinée[5]. En novembre de la même année, il participe au lancement de l'hebdomadaire Chouchou en dessinant les séries d'aventures Kilimandjaro (scénario de Pierre Heudin) et Oui, mon adjudant (scénario de Remo Forlani) ; il y collabore jusqu'au treizième et avant-dernier numéro publié en [9].
En 1970, il crée Prémolaire pour Formule 1 et Rififi pour Tintin, deux autres séries humoristiques qu'il poursuit jusqu'à la fin de la décennie.
En 1973-1974, il réalise trois albums adaptant en bande dessinée les films des Charlots.
Le Soldat oublié : Mouminoux, auteur à succès
En 1967, Mouminoux publie chez Robert LaffontLe Soldat oublié, récit autobiographique relatant ses trois ans comme « malgré-nous » (Mouminoux a été mobilisé dans la Wehrmacht en 1942 et envoyé au Reichsarbeitsdienst (RAD), puis il est volontaire dans la division d'élite Grossdeutschland) dans l'armée allemande entre 1943 et 1945. Il dira plus tard avoir alors été fasciné par la force et l'ordre allemand[6]. L'ouvrage, bien reçu par la critique (il obtient en 1968 le prix des Deux Magots), est un succès de librairie, particulièrement à l'étranger. Traduit en 37 ou 38 langues[6], dont le chinois en 2011[6], il est vendu à près de trois millions d'exemplaires[6].
Bien que Mouminoux ait pris soin de le signer du pseudonyme Guy Sajer (d'après selon lui le nom de jeune fille de sa mère), on découvre assez vite qu'il en est l'auteur[10], ce qui lui vaut une image de « facho » et le renvoi du magazine Pilote[11], dans l'équipe duquel se trouvait pourtant Serge de Beketch[12]. Dans son autobiographie (pages 114-115) parue en 1999, il est peu explicite sur les raisons réelles de son départ de Pilote à la suite d'une convocation par le rédacteur en chef (probablement Goscinny non cité mais qualifié de « maître »). Il évoque d’abord la rédaction nocturne vers 1952-1957 de son récit de guerre contant « une période douloureuse de sa jeunesse », aboutissant à un « roman fleuve » écrit sur des « cahiers » plusieurs années avant la publication. Ensuite il détaille son entretien, le différend puis la rupture immédiate qui en découle.
Le livre fut recommandé en lecture aux officiers américains comme un exemple de ce que vit un soldat dans une guerre de haute intensité[6].
La naissance de Dimitri et la seconde carrière de Mouminoux
En 1975, il décide de changer de pseudonyme pour ses nouvelles séries, et signe « Dimitri Lahache » sa nouvelle série destinée Les Familleureux au périodique Spirou. Cette nouvelle identité acquiert très vite une certaine renommée à la suite de la publication des histoires courtes du léopard anthropomorphe Eugène Krampon[13] dans Charlie Mensuel de 1976 à 1978 et au lancement l'année suivante dans le nouvel hebdomadaire du SquareB.D. du Goulag, reprenant ce personnage dans de plus longues histoires. Tout au long des années 1980, la série va alterner les supports de publications, passant par Charlie Mensuel, L'Écho des savanes, L'Événement du jeudi, Magazine hebdo, etc.
Reconnu par ses pairs, exclu par Fleurus[14], Mouminoux se lance dans la création de nombreuses histoires, d'abord courtes (dans Charlie Mensuel au tout début des années 1980), puis longues : Les Mange-merde, dans Charlie Mensuel, Pognon's story, Les Consommateurs et L'Abattoir, dans Pilote et Charlie, Kaleunt dans L'Écho.
Au début des années 1980, après la disparition de René Goscinny, Mouminoux est pressenti par Dargaud, alors en conflit avec Albert Uderzo, pour continuer la série Astérix. Après quelques planches préliminaires (où Astérix et Obélix, finalement convertis aux bienfaits de la civilisation romaine, débutaient une carrière de légionnaires[réf. nécessaire]), Mouminoux ne donnera cependant pas suite au projet.
Au tournant des années 1990, la disparition des magazines de bande dessinée pour adultes l'empêchant de prépublier ses histoires, celles-ci sortent directement en albums : le seizième Goulag paraît en 2002 tandis que Dimitri devient un pilier de la collection « Caractères » chez Glénat, dans laquelle il publie entre 1993 et 2001 huit albums de bande dessinée historique traitant souvent de la Seconde Guerre mondiale vue du côté de l'Axe, dans la lignée de Kaleunt.
En 2003, l'auteur retrouve Albin Michel pour un nouvel album, Le Voyage.
À partir de 2003, son œuvre fait l'objet d'un travail de réédition aux éditions du Taupinambour, lesquelles publient également les planches de Krampon (dans un Goulag no 0) ainsi que deux nouveaux épisodes du Goulag que Glénat ne désirait pas éditer.
En 2007, Dimitri entame avec La Malvoisine une collaboration avec les éditions Joker.
En 2008, il y lance comme scénariste une nouvelle série, Les Oubliés de l'empire.
Guy Mouminoux meurt le [15]. À la fin de sa vie, pour résumer son parcours, il disait de la BD que c’était « un merveilleux métier de chien[16] ».
↑ abcde et f« Le Soldat oublié de Guy Sajer est-il une œuvre de fiction ou un document autobiographique », Guerres & Histoire, no 5, février 2012, p. 28.
↑À partir de ce paragraphe, pour toute la biographie jusqu'en 2004, sauf précisions : Gaumer (2004).
↑Dimitri (int. Fabien Tillon), « 89 ap. Jijé », dans Bodoï no 65, juillet 2003, p. 45.
↑Le rédacteur en chef de Pilote était à l'époque René Goscinny, d'origine juive polonaise, dont on comprend qu'il n'ait pas souhaité s'entourer d'anciens de la Wehrmacht.
↑Dont il avait dessiné les premiers gags l'année précédente dans le fanzine d'étude Hop !