Officiellement mise en place pour promouvoir le tourisme grec, la première croisière dure du au . Elle se déroule à bord du yacht Agamemnon, propriété de l'armateur grec Eugenides, et transporte près de cent personnalités du gotha européen, issues de vingt-cinq familles souveraines ou anciennement souveraines différentes.
La seconde édition de la croisière des rois est prévue au mois d'août 1956. Cependant, la nationalisation du canal de Suez par Nasser et sa fermeture par les autorités britanniques empêchent le bon déroulement de la croisière, qui est finalement transformée en séjour au palais de Mon Repos, à Corfou.
Objectifs des deux croisières
Imaginée par la reine Frederika, petite-fille du Kaiser Guillaume II d'Allemagne, la croisière des rois a pour but officiel de promouvoir le tourisme grec au sortir de la guerre civile. Cependant, dans l'esprit de la souveraine, la croisière doit également permettre aux personnalités du gotha européen de retisser les liens familiaux après les affres des deux guerres mondiales[N 1].
Rassemblant les principaux princes et princesses célibataires de l'époque, la « croisière des rois » a par ailleurs souvent été décrite comme une tentative à peine voilée de la reine Frederika de jouer les entremetteuses pour ses enfants et les autres jeunes gens à marier du gotha. Cependant, la croisière n'a réellement abouti qu'à un seul mariage princier : celui du prince Alexandre de Yougoslavie et de la princesse Maria-Pia d'Italie, en 1955.
Programmes des deux croisières
Édition de 1954
Parti du port de Marseille, où ont notamment embarqué la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg et sa famille, le yacht grec Agamemnon arrive à Naples, le , à onze heures du matin. Dans la ville italienne, le navire accueille l'essentiel de ses passagers, dont la famille royale de Grèce, arrivée à bord du destroyer Navarin, à 8h20. Une fois les convives du roi et de la reine des Hellènes rassemblés, l’Agamemnon quitte Naples à 13h45 et prend la direction des îles Ioniennes[2].
À l'intérieur du navire comme lors des excursions prévues tout au long de l'itinéraire, les règles du protocole sont abolies, ce qui permet aux invités princiers d'être libérés de tout ordre de préséance. Les repas et les visites sont ainsi bien moins formels et les convives peuvent se mélanger plus facilement, quel que soit leur rang[2].
La première escale de l’Agamemnon se déroule à Corfou, où les passagers retrouvent l'ancien roi Humbert II d'Italie et sa famille, interdits de séjour dans leur pays depuis la proclamation de la République en 1946. Une fois ces nouveaux voyageurs embarqués, le navire gagne Olympie, Héraklion (en Crète), Rhodes, Santorin, Mykonos, Skiathos, le Cap Sounion puis Athènes, via le port de Phalère. Le , l’Agamemnon est à Épidaure, où les convives assistent à une représentation de l’Hippolyte d'Euripide. Le voyage se termine le , à Delphes, où la famille royale de Grèce prend congé de ses invités[2].
Finalement, l’Agamemnon libère ses passagers à Corfou le et à Naples le [2].
Édition de 1956
La première édition de la croisière des rois ayant connu un franc succès, la reine Frederika décide de renouveler l'expérience en 1956. Cette fois, c'est le yachtAchilles qui doit accueillir les voyageurs princiers. Cependant, la nationalisation du canal de Suez par Nasser et sa fermeture subséquente par les autorités britanniques à l'été 1956 empêchent le bon déroulement de la croisière. Dans ces conditions, les souverains grecs décident de transformer le voyage en séjour au palais de Mon Repos, à Corfou[3],[4].
(en) « Weddind bells the aim, paper claims », The Courier-Mail, , p. 5 (lire en ligne)
(es) Julián Cortes Cavanillas, « Los saludos de corte, único detalle protocolario del "Crucero de los Reyes" », ABC (Séville), no 15917, , p. 11 (lire en ligne)
(es) Darío Silva D'Andrea, « Introducción : Un crucero de reyes », dans La Tragedia griega de una dinastía extranjera, Narrativa, (lire en ligne), p. 2-14
(es) Ricardo Mateos Sáinz de Medrano, La Familia de la Reina Sofía : La Dinastía griega, la Casa de Hannover y los reales primos de Europa, Madrid, La Esfera de los Libros, , 573 p. (ISBN84-9734-195-3).
« En 1954, [l'armateur] Eugenides me demanda de visiter l'un de ses paquebots transatlantiques et de lui donner mon nom. Lorsqu'on fait ce genre de demande, la coutume veut que l'on offre à la marraine une grande broche en brillants. Cependant, à cette occasion, j'ai eu une idée et j'ai demandé à Eugenides si, au lieu de ce cadeau traditionnel, il me donnerait les moyens nécessaires pour organiser une croisière durant laquelle j'inviterais toutes les familles royales d'Europe […].
Il y avait différentes raisons pour organiser cette croisière. D'abord, Paul et moi désirions ouvrir les portes de la Grèce au tourisme. […] Mais la première chose dont nous avions besoin était d'attirer l'attention du monde entier. Comme la presse mondiale s'est chargée de donner une large publicité à la croisière, tout a très bien marché. Immédiatement après, les compagnies maritimes ont commencé à organiser des croisières en suivant exactement le programme et l'itinéraire de la nôtre et, bientôt, les hôtels et les autres services et installations terrestres ont commencé à apporter au pays l'argent des touristes.
Une autre raison était que, depuis la Première Guerre mondiale, les familles royales ne s'étaient plus réunies internationalement. […]
Le voyage a été un grand succès. Nous étions 110 personnes, de vingt nationalités et parlant 15 langues différentes ; malgré cela il n'y a pas eu la moindre difficulté durant les dix jours qu'a duré la croisière. […] »