Corine Sombrun indique dans la Diagonale de la joie (p. 33)[1] que Sombrun est le nom d'une arrière-grand-mère maternelle, qu'elle a pris comme nom de plume.
Sa petite enfance se passe à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, avec ses parents. Corine Sombrun déclare à plusieurs reprises avoir vécu une expérience de mort imminente alors qu’elle était enfant, des suites d’une vaccination contre la variole[2]. De retour en France, elle se consacre à des études de musicologie et de piano et devient compositrice[3].
En 1999, après la perte de sa compagne[4], décédée d'un cancer[5], elle quitte la France et s'installe à Londres où elle rencontre, lors d'un vernissage, le peintre Francisco Montes[6], chamane péruvien Capanahua(es) qui l'invite[5] dans son centre Sachamama[7] au Pérou.
Expérience et initiation chamanique
C'est au Pérou qu'elle a ses premières expériences du voyage chamanique à l'aide d'un cocktail de plantes nommé Ayahuasca[8], substance psychoactive interdite en France. Elle relate ceci dans son premier livre, Journal d’une apprentie chamane publié en 2002[9].
Alors qu'elle travaille pour BBC World Service, en 2001, elle part faire un reportage sur les traditions chamaniques au nord de la Mongolie, motivée également par son désir de transcender son deuil amoureux[8]. Lors d'une cérémonie, le son du tambour utilisé par le chamane Balgir la plonge dans un état de transe qu’elle ne peut contrôler[8],[10]. Balgir lui apprend que sa réaction est un signe qu'elle est chamane, et qu'elle doit être initiée pendant trois ans dans la tradition[11]. Pendant huit ans, Corine retournera régulièrement en Mongolie pour suivre l'enseignement d'Enkhetuya, une chamane tsaatan dont la vie est relatée dans le livre Les Esprits de la steppe[12].
En 2005, au Nouveau-Mexique elle rencontre Harlyn Geronimo, medicine man(en) et arrière petit-fils du guerrier apacheGeronimo. Le livre Sur les pas de Geronimo[13] relate les conditions de leur rencontre et leurs échanges.
En 2015 parait Sauver la planète : Le message d'un chef indien d'Amazonie[14] qu'elle signe avec Almir Narayamoga, il y raconte sa lutte pour la préservation de la forêt amazonienne.
Étude de la transe en laboratoire
L'expérience de la transe et la capacité à l'induire par la seule volonté a attiré l'attention des chercheurs. En 2006, Corine Sombrun commence à collaborer avec le neuroscientifiquePierre Etevenon, qui a notamment étudié les effets des EMC (états modifiés de conscience) sur les tracés d'EEG[15]. Elle travaille également avec le professeur Pierre Flor-Henry(en), neuropsychiatre et chercheur à l'Alberta Hospital(en) d'Edmonton, au Canada[10], dans le but de découvrir les mécanismes physiologiques liés à cet état de conscience volontairement modifié et son influence sur le fonctionnement des hémisphères cérébraux[16],[17]. Les premiers résultats, obtenus par analyse d'EEG quantitative sous la direction du professeur Flor-Henry, ont montré que cette transe chamanique modifie effectivement les circuits du fonctionnement cérébral ; ils sont à l’origine d’un premier protocole de recherche sur la transe chamanique mongole étudiée par les neurosciences[18]. En 2017, paraît un article qu’elle co-signe avec Pierre Flor-Henry et Yakov Shapiro et qui porte sur l’étude EEG de son état de transe réalisé en laboratoire à l’Alberta Hospital[19].
Elle relate[20],[21] que pour que cette étude soit possible, il lui a fallu parvenir à induire la transe par sa seule volonté [a], car pour les études EEG l'usage du tambour était proscrit à cause des vibrations qui auraient perturbé l'équipement de mesure EEG. Elle dit avoir commencé par essayer (sans succès), d'écouter dans sa tête le son du tambour et puis est parvenue à induire la transe en reproduisant volontairement les tremblements que la transe normale induisait chez elle. Elle a ensuite parachevé le travail en s'entraînant à sortir volontairement de transe grâce à un assistant qui claquait dans les mains pour la rappeler au bout d'un temps convenu à l'avance. De plus, les expériences ont dû se limiter à des états de transe légère, car les contractions musculaires provoquent des signaux électromyographiques nettement plus intenses que les signaux neuronaux — qu'elles vont tendre à masquer[23], et imposent un nettoyage du signal[24] qui devient impossible si elles sont trop importantes.
Elle raconte également qu'à l'examen des tracés EEG pendant la transe (parfaitement normaux hors transe), les chercheurs ont observé des similitudes avec les trois groupes de troubles psychiatriques avec lesquels ils ont fait la comparaison (schizophrénie, manie et dépression[25]), et l'ont avertie du danger qu'elle courrait à rester « bloquée » dans cet état. Dans les traditions chamaniques, l'objet de la formation réside justement, entre autres, dans le développement de la capacité à entrer et à sortir de transe à volonté. C'est cette capacité qui a le plus surpris les chercheurs. Elle va même plus loin en expliquant[26] qu'après la transe qui l’a révélée comme chamane, le chamane Balgir lui a explicitement dit qu'il avait failli ne pas parvenir à la ramener et que ça lui avait pris deux heures — ce qui pour elle signifie que non seulement les chamanes ont la capacité de sortir de ces états que notre médecine psychiatrique considère comme des pathologies du cerveau, mais qu'en plus ils auraient[b] la capacité d'en faire sortir d'autres personnes. Par ailleurs, en termes de neuroplasticité, elle explique également que la pratique de la transe sur une longue durée fait qu'après 25–30 ans, les chamanes mongols n'ont souvent plus besoin d'entrer en transe pour obtenir les mêmes perceptions.
Elle mentionne encore dans l’émission Autour de la question de Radio France Internationale[27], avoir aussi, en tant que musicienne, identifié dans les rythmes du tambour des moments particuliers qui semblaient déclencheurs de la transe. Une tentative de modélisation en boucle de ces sons a été réalisée en collaboration avec le chercheur Elie Desmond-Le Quéméner, et a été expérimentée avec succès lors du stage « Transe et création » à l'École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole en , avec vingt participants dont seize sont entrés en transe[2]. Dans une conférence récente, Corine Sombrun et le médecin psychiatre Jean-Pierre Lablanchy relatent des essais d'utilisation, dans divers contextes thérapeutiques, de ce qu'ils suggèrent d'appeler maintenant « transe cognitive » plutôt que transe chamanique[28],[29]. Une des différences notables avec le voyage chamanique proposé par l’école néo-chamanique de Michael Harner tient au fait que les "transeurs" sont actifs (mouvements du corps, cris…) alors que lors des voyages chamaniques de Harner, les participants sont le plus souvent immobiles, couchés sur le sol[1]. La publication qu'elle a cosignée avec les chercheurs américains montre que les états de transe sont accompagnés d'une diminution de la dominance de l'hémisphère gauche du cerveau (siège du langage et de la pensée analytique) au profit du cerveau droit[19]. Les auteurs de l'article considèrent que leurs résultats amènent des arguments incitant à réviser la dichotomie traditionnellement admise entre conscience normale et états de conscience modifiés au profit d'une vision plus dynamique. De possibles retombées en termes thérapeutiques sont également mentionnées[30].
Une Lettre à l'éditeur, publiée en 2020 dans Clinical Neurophysiology, relate les enregistrements EEG de Corine Sombrun en transe cognitive, qui ont été étudiés dans le groupe de Liège du professeur Steven Laureys, en utilisant une stimulation magnétique transcrânienne (TMS)[31]. Les résultats de cette recherche médicale montrent les changements induits par la transe cognitive de la réactivité électrique des circuits corticaux aux perturbations du champ magnétique.
Trance Science Research Institute, un institut dédié à ces travaux relatifs aux aspects neurocognitifs de la transe et à ses applications est créé en 2019, Corine Sombrun en est cofondatrice[32],[33],[34].
↑avertissement au lecteur : On doit cependant rester prudent face à telle affirmation. En effet, si rien ne permet d'exclure la réelle intervention du chamane, rien ne permet non plus de conclure que Corine Sombrun n'est pas spontanément sortie de transe. Il faut néanmoins observer qu'il reste interpellant que le chamane, lui-même en transe, ait su à quel moment elle en était sortie pour pouvoir lui-même interrompre son action. Pour être réellement interprétable, ce genre de point devrait faire l'objet d'investigations scientifiques systématiques pour identifier :
la corrélation réelle entre les actions du chamane et les réactions du sujet, ainsi que
une éventuelle dépendance statistique entre l'action ou l'absence d'action d'un chamane, sur des populations de sujets atteints de pathologies mentales.
Références
↑ a et bSombrun, C. (2021). La Diagonale de la joie: Voyage au coeur de la transe. Albin Michel
↑(en) Pierre Etevenon, « Meditation as a State of Consciousness: A Personal Account », Human Cognitive Neurophysiology / Kognitive Neurophysiologie des Menschen, Giessen, Université de Giessen, vol. 3, no 1, , p. 7,20 (ISSN1867-576X, lire en ligne).
↑ a et b(en) Pierre Flor-Henry, Yakov Shapiro et Corine Sombrun, « Brain changes during a shamanic trance: Altered modes of consciousness, hemispheric laterality, and systemic psychobiology », Cogent Psychology, vol. 4, no 1, (DOI10.1080/23311908.2017.1313522, lire en ligne).
↑Grégoire, C., Sombrun, C., Gosseries, O., & Vanhaudenhuyse, A. (2021). La transe cognitive auto-induite: caractéristiques et applications thérapeutiques potentielles. HEGEL: Penser par Soi-Même
↑« Les étranges pouvoirs de la transe sur le cerveau étudiés à l’université », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) O. Gosseries, M. Fecchio, A. Wolff, R.LD Sanz, C. Sombrun, A. Vanhaudenhuyse et S. Laureys, « Réponses comportementales et cérébrales en transe cognitive : une étude de cas TMS-EEG », Clinical Neurophysiology, vol. 131, no 2, , p. 586-588 ([1], consulté le ).