Parmi les films des deux Français, celui intitulé Un duelo a pistola en el bosque de Chapultepec (Un duel au pistolet dans le bois de Chapultepec) a à cette époque un fort impact sur la population qui ne distingue pas encore la réalité de la fiction. Ce film pourrait être inspiré par Pedro Esquirel y Dionecio Gonzales - Un duelo mexicano, réalisé trois ans plus tôt par Thomas Alva Edison.
L’arrivée du cinématographe au Mexique eut lieu pendant le régime du dictateur Porfirio Díaz (1877-1880 et 1884-1911). Comme tant d’autres gouvernants après lui, le président francophile Díaz vit dans le cinématographe un outil précieux pour mettre en valeur son image et celle du pays. Il accueillit personnellement les opérateurs Lumière Gabriel Veyre et Claude Ferdinand Bon Bernard. Les premiers films tournés au Mexique enregistrèrent la stabilité politique et sociale de l’époque de Díaz.
Avec des films comme Le Président prenant congé de ses ministres (1896), Le Président en promenade (1896) et Arrivée du Président dans son palais dans le château de Chapultepec accompagné de ses ministres (1897), Porfirio Díaz devint la première star du cinéma mexicain. Exerçant le contrôle sur le contenu des vues Lumière, le gouvernement de Díaz impulsa fortement la production et l’exploitation cinématographiques. En 1897, commencèrent les premières productions filmiques mexicaines. Un an plus tard, la pellicule fut commercialisée dans le pays.
En , plusieurs opérateurs se disputèrent la couverture des fêtes du Centenaire de l’Indépendance. Deux mois plus tard, lorsque la Révolution mexicaine éclata, de nombreux cinéastes, venus notamment des États-Unis, changèrent de point de vue et commencèrent à s’intéresser aux personnages qui menaient la lutte armée contre le gouvernement du dictateur.
Pancho Villa, ancien bandit qui commandait la División del Norte, dans le Nord du pays, signa un contrat de 25 000 dollars avec la société de production américaineMutual Film Corporation, permettant à celle-ci de filmer dans de conditions optimales pour l’opérateur les affrontements qu’il commandait. Il accorda également l’autorisation, dans la mesure du possible, de refaire les batailles dans lesquelles les images n’auraient pas satisfait les cinéastes. Pancho Villa devint ainsi le premier héros de l’histoire du cinéma mexicain.
Par ailleurs, l’image du révolutionnaire – avec le grand chapeau, la moustache et le cheval – fut exportée dans le monde entier.
Fasciné par l’exotisme du pays, notamment au sein des communautés indigènes, et ayant comme guides les muralistes José Clemente Orozco, David Alfaro Siqueiros et Diego Rivera, le réalisateur soviétique entreprit un long voyage pour filmer les plans avec lesquels on monterait (ou plutôt reconstituerait), quelques années plus tard, les différentes versions du film Que Viva Mexico ![1],[2]
S’inspirant de la culture et de l’esthétique mexicaines, Eisenstein ouvrit une nouvelle porte ; l’esthétique de son film deviendrait une influence décisive pour la représentation du pays à travers le cinéma.
Avec son passage au Mexique, le cinéaste soviétique créa une école. En effet, le désert, les paysages autochtones, les idoles préhispaniques, les pyramides, la végétation régionale – avec notamment les cactus appelés magueyes – et les ciels nuageux, deviendraient des décors de base pour une grande partie des productions filmiques subséquentes au Mexique. Parallèlement, les populations indigènes deviendraient des personnages centraux des récits cinématographiques à venir.
La visite d’Eisenstein au Mexique fut tellement étudiée par de nombreux critiques, théoriciens et cinéastes, qu’elle est devenue mythique. Cependant, il reste quelques zones d’ombre. L’on sait que, aussitôt qu’il fut arrivé, le cinéaste fut emprisonné avec ses camarades Édouard Tissé et Grigori Alexandrov, mais personne n’en connaît les raisons. Ce que l’on sait, c’est que peu de temps après, le président de l’époque, Pascual Ortiz Rubio (1930-1932), déclara qu’Eisenstein était un hôte d’honneur, et les mêmes autorités qui l’avaient enfermé lui donnèrent l’autorisation de filmer dans le pays. Une condition lui fut imposée : pour tourner son film, il devrait être accompagné, jour et nuit, d’un groupe de « superviseurs » choisis par le gouvernement, afin d’éviter que le cinéaste puisse dénigrer la patrie.
En effet, Eisenstein avait le projet de tourner un épisode qui mettrait en scène la Révolution mexicaine du point de vue des soldaderas, les femmes « soldats », qui aidèrent les révolutionnaires dans la lutte contre le gouvernement. Dans le film que Grigori Alexandrov monta dans les années 1970, celui-ci explique que l’épisode intitulé « Soldadera » ne fut pas réalisé en raison du fait que le budget était épuisé. Il explique, par ailleurs, la volonté d’Eisenstein de créer un épisode dans le style de la séquence des escaliers d’Odessa, de son film Le Cuirassé Potemkine.
En effet, Le Cuirassé Potemkine avait rendu Eisenstein célèbre dans le monde entier. Le gouvernement mexicain craignait qu’il ne tentât de tourner un film qui mît en scène les disparités et les injustices sociales. Vraisemblablement, afin de pouvoir tourner son film, Eisenstein dut se plier à certaines obligations. Parmi les « recommandations » officielles que l’on donna au cinéaste, l’on trouve celle-ci : « Autant les propriétaires d’haciendas que les pions sont Mexicains, et il n’est nullement nécessaire de souligner l’antagonisme entre les différents groupes de la nation. »
C’est ainsi que le projet, initialement appelé Thunder Over Mexico, s’éloigna définitivement d’une optique révolutionnaire, au profit d’une multiplication de beaux paysages et de clichés qui ne représentaient pas la véritable réalité sociale du pays.
Après le tournage inachevé, Eisenstein fut dépourvu de ses rushes, et plusieurs versions du film furent montées par d’autres cinéastes à Hollywood. De nombreux critiques et journalistes se mobilisèrent contre le film, dont l’avant-première eut lieu à New York en 1933. Ils attaquèrent la version qui fut présentée, arguant qu’elle ne pouvait pas correspondre au style du cinéaste soviétique.
Après le projet frustré – dans sa réalisation et dans son propos – d’Eisenstein, le gouvernement mexicain décida de cautionner, très timidement, des œuvres mettant en scène la lutte entre ouvriers et patrons, entre exploitants et exploités… mais l’on ne mettrait jamais en scène l’opposition de ces forces dans un contexte d’actualité. L’attention serait portée plutôt dans le passé, dans les temps de la Révolution mexicaine. Ainsi, la patrie ne serait pas « dénigrée », car le cinéma de l’époque omettait volontairement les inégalités sociales qui existaient à cette époque, au profit d’une exaltation des héros révolutionnaires, envers lesquels la société avait le devoir se sentir redevable, car ce furent eux qui délivrèrent le pays de l’oppression et de la tyrannie du dictateur Porfirio Díaz.
Ce ne sera qu’en 1934, l’année de l’arrivée au pouvoir du général de tendance socialiste Lázaro Cárdenas, que l’État définira de façon déterminante qu’il soutiendra des films qui, souvent de façon manichéenne, mettront en scène la lutte des classes et favoriseront l’exaltation des indigènes et des ouvriers.
L'excellence du cinéma mexicain de l'époque se fonde sur sa force commerciale ; Le Mexique fournit tous les marchés hispanophones d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, obtenant plusieurs succès au box-office également aux États-Unis.
L'âge d'or signifie la consolidation des efforts déployés par des centaines de personnes pour établir l'industrie cinématographique mexicaine. Pendant deux décennies, le cinéma mexicain connaît une période de splendeur et ses réalisateurs réalisent un grand nombre de films qui sont aujourd'hui considérés comme des joyaux de la cinématographie nationale.
Le cabrito western (proche des zapata westerns et autres western spaghettis) remporte encore quelque succès, avec Contrabando y traición (1976), Pistoleros famosos (1980), Lola la trailera (1983).
Années 1990-2010
Après des années trop pleines de films de grande médiocrité, on assiste à une renaissance des exigences cinématographiques en qualité de ce Nuevo Cine Mexicano(en).
Au Mexique, selon une brève journalistique parue dans El Economista(es), le , il existe 6 011 salles de cinéma, dont 3 037 appartenant à Cinépolis, 2 541 à Cinemex et 433 independantes (Cinemagic, Henry Cinemas, Citicinemas, etc.)[3].
Selon la chambre nationale de l'industrie cinématographique du pays (Canacine), le Mexique est quatrième au rang mondial en nombre de billets vendus et dixième en recettes. En 2015, la fréquentation moyenne des cinémas est de 2,5 fois par an et par habitant, un chiffre en hausse de près de 15 % par rapport à l'année précédente alors que la fréquentation des salles au niveau mondial déclinait de 6 %. Parmi les films projetés au Mexique cette année-là, 85 étaient mexicains, 192 américains et 182 d'autres pays[3].
Histoire des salles
La première projection audiovisuelle au Mexique eut lieu le , au château de Chapultepec en présence de Porfirio Díaz et sa famille. Quelques jours plus tard, le , la presse et un groupe de scientifiques assistèrent à ces projections dans le sous-sol de la « droguería de “Plateros” », dans la rue qui s’appellera par la suite calle Madero(es). Le , la séance fut ouverte au public. Cependant, la première salle de cinéma en tant que telle dans la Ciudad de México fut El Salón Rojo, où furent projetées, même pendant l'époque porfirienne et exclusivement pour les membres de l'aristocratie, les premières images[4],[5].
L'article Antiguos cines capitalinos de la revue mexicaine Algarabía dresse une liste des salles de cinéma les plus connues de Mexico[6].
(en) Carl J. Mora, Mexican Cinema: Reflections of a Society 1896-1988, Berkeley, University of California Press, 1989. (ISBN0-520-04304-9)
(en) David R. Maciel, Mexico's Cinema: A Century of Film and Filmmakers, Wilmington, DE: SR Books, 1999. (ISBN0-8420-2682-7)
(en) David E. Wilt, The Mexican Filmography, 1916 through 2001, McFarland & Company, Inc., 2003. (ISBN0-7864-1537-1)
(es) Aurelio de los Reyes, Filmografía del cine mudo mexicano, Filmoteca de la UNAM, tome 1 : 1896-1920 (1986); tome 2 : 1920-1924 (1994) (ISBN968-36-3744-2) ; tome 3 : 1924-1931 (2000) (ISBN968-36-8150-6)
(es) Moisés Viñas, Indice cronológico del cine mexicano (1896-1992), UNAM, Dirección General de Actividades Cinematográficas, 1992. (ISBN968-36-2487-1)
(fr) Guy Hennebelle et Alfonso Gumucio-Dagron (sous la direction de), Les Cinémas de l'Amérique latine, préface de Manuel Scorza, avant-propos d'Edouard Bailby et de Louis Marcorelles, Éditions Lherminier, , 544 p.
(fr) Nelson Carro et Paulo Antonio Paranaguá, Le Cinéma mexicain, Paris, Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, 1992, 333 p. (ISBN2858506698)