Le château de La Verrerie est situé à Oizon dans le département du Cher, près d'Aubigny-sur-Nère, à la frontière entre le Berry et la Sologne, à proximité d'un étang alimenté par la Nère et séparant la forêt de Cleffy de celle de l'Aumone[2].
Histoire
Le nom de « La Verrerie » n'apparaît qu'à la fin du XVe siècle et traduit l'existence à cette époque d'une petite fabrique de verre. Cette fabrique est attestée du XVIIe siècle à 1815-1820.
Les Stuarts
Au cours de la guerre de Cent Ans, le dauphin, futur Charles VII fut contraint de faire appel à une vieille alliance passée entre le royaume de France et le royaume d’Écosse pour faire face à l’invasion anglaise : l’Auld Alliance. Son appel au secours fut entendu par John Stuart de Darnley[3] (voir à l'article consacré à ce vaillant capitaine ami de la France, un schéma généalogique situant les personnages cités plus loin), qui débarqua à La Rochelle en 1418 avec cent archers. Quatre vagues de débarquement d’Écossais se succédèrent jusqu’en 1424 pour participer au conflit[4]. Jean Stuart et les premières vagues participèrent à la victoire de Baugé en Anjou le , qui fit dire au pape Martin V : « Vraiment les Écossais sont un remède contre les Anglais. » Cette victoire lui valut le titre de connétable[5] d’Écosse, qui faisait de lui le commandant de l’armée écossaise au sein de l’armée du dauphin. Il est mentionné selon ce titre et sous le surnom affectueux « d’aimé cousin »[6] dans divers archives notamment dans les actes de donations qui firent de lui le seigneur d’Aubigny-sur-Nère en 1422[6] et du comtéd’Évreux en 1426[7], qu’il céda au roi l’année suivante contre 50 000livres.
C’est sur les terres de la seigneurie d’Aubigny que son petit-fils, Bérault Stuart (vers 1450-† 1508 ; 4e seigneur d'Aubigny, fils de John/Jean Stuart, 3e seigneur d'Aubigny), ambassadeur et homme de guerre, connu pour ses campagnes au service du roi de France en Italie[8], construisit le corps du logis principal[9] en brique et pierre, de style Louis XII[10], ainsi que la chapelle[11] du château de la Verrerie. Il mourut en 1508, en Écosse près d’Édimbourg, alors qu’il avait été envoyé en mission secrète par Louis XII auprès du roi Jacques IV[11]. La chapelle, dédiée à la Vierge, a été consacrée en 1511[12].
En 1520-1525[13], le gendre et petit-cousin de Bérault, Robert Stuartde Lennox, époux de sa fille Anne Stuart, qui fut un maréchal de France et un compagnon d’armes de Bayard, fit construire la galerie sud, Renaissance, perpendiculaire au logis principal. Il fut aussi à l’origine de la reconstruction d’Aubigny-sur-Nère après l'incendie de 1515 qui ravagea la ville[14].
Les seigneuries appartenant à la famille des Stuart d’Aubigny furent transmises selon le principe de primogéniture[15] (de fils aîné en fils aîné) ou par le biais de mariages au sein de la famille. Bérault Stuart qui n'avait que des filles maria l’une d'elles, Anne Stuart, à son cousin Robert Stuart de Lennox († 1544), maréchal de France venu d’Écosse, fils cadet de John Stuart de Darnley 1er comte de Lennox (fils d'Alan/Alain Stuart de Darnley, 2e seigneur d'Aubigny, lui-même le frère aîné de John Stuart, le 3e sire d'Aubigny rencontré plus haut, et l'oncle de Bérault).
Robert Stuart n’ayant pas eu d’enfant dut avoir recours à une autre méthode pour garder le patrimoine d'Aubigny dans la famille. En effet, Robert Stuart n'eut d'enfant ni avec sa première épouse, Anne Stuart d'Aubigny, ni avec la seconde, Jacqueline de La Queu(i)lle/de La Queille (1525-1579 ; de Castelnau-Bretenoux-Caylus par sa mère Marguerite de Castelnau, 1re femme de François de La Queuillede Châteauneuf-du-Drac). Ils adoptèrent la demi-sœur cadette de cette dernière, Anne de La Queuille (d’Espinay-branche d'Ussé et Segré par sa mère Anne d'Espinay, 2e femme de François de La Que(u)ille), avant de la marier à l’un des petits-neveux de Robert, Jean Stuart, 6e sire d'Aubigny († 1567) ; frère du régent Mathieu, 4e comte de Lennox, et fils benjamin de Jean Stuart, † assassiné en 1526, 3e comte de Lennox ; lui-même fils de Mathieu, 2e comte de Lennox et baron de Darnley, † 1513, le frère aîné dudit maréchal Robert). Ce dernier, arrivé avec son frère aîné Mathieu, héritier de Lennox et de Darnley, obtint la seigneurie d'Oizon ; ils furent confiés à leur grand-oncle le maréchal Robert par leur mère Elisabeth Stuart d'Atholl, fille de John, pour les protéger après la mort violente de leur père.
Le 6e sire d'Aubigny, John Stuart († 1567), fut père d'Esmé Ier Stuart († 1583), 7e seigneur d'Aubigny et 1er duc de Lennox, mari de Catherine, fille de Guillaume de Balsac seigneur d'Entragues et Marcoussis : parents de Ludovic (1574-1624), 1er duc de Richmond, 2e duc de Lennox et 8e sire d'Aubigny, et d'Esmé II (1579-1624 ; 3e duc de Lennox et 9e — ou 8e — sire d'Aubigny). Trois fils cadets d'Esmé II furent les 9e, 10e et 11e sires d'Aubigny : Henry (1616–1632), George Stuart (1618-1642), et Ludovic II (1619–1665 ; fait cardinal peu avant sa †). George fut père de Charles (1638–1672), 3e duc de Richmond, 6e duc de Lennox et 12e seigneur d'Aubigny, sans postérité, le dernier mâle des Stuarts d'Aubigny.
Ainsi, Aubigny et le château de la Verrerie restèrent dans le patrimoine de la famille Stuart d'Aubigny jusqu’en 1672, date à laquelle le dernier héritier Charles Stuart, onzième ou douzième seigneur d'Aubigny décéda[16]. Le château de la Verrerie et le reste du patrimoine des Stuarts revinrent alors à la Couronne de France comme l’acte de donation de Charles VII le prévoyait.
En effet, à la mort du roi Charles II, Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth, qui était en fait une espionne du roi de France, quitta précipitamment Londres où elle abandonna tous ses biens. En compensation, Louis XIV concède Aubigny, érigé en duché, à la maîtresse du roi Charles, ladite Louise de Kéroualle.
En 1734, le duché d'Aubigny passe alors à son petit-fils Charles II Lennox (1701-1750 ; 2e duc de Lennox, de Richmond et d'Aubigny), enfant du fils que Louise avait eu du roi Charles II, Charles 1er Lennox (1672-† en 1723 avant sa mère ; 1er duc de Lennox et de Richmond, comte de March et de Darnley). Ses descendants conservent le château de La Verrerie jusque dans la 1re moitié du XIXe siècle, avec son fils le 3e duc Charles III Lennox (1735-1806) ; puis le neveu de ce dernier, le 4e duc Charles IV Lennox (1764-1819 ; fils de George-Henry Lennox, frère puîné du 3e duc) ; enfin le fils de ce dernier, le 5e duc Charles V Gordon-Lennox (1791-1860). Mais le 5e duc se refusant à payer les droits de succession sur le domaine, il est mis en adjudication.
Les Vogüé
Le , le château de La Verrerie est acquis en adjudication par Léoncede Vogüé qui y installe sa nombreuse famille.
À partir de 1892, le marquis Louis de Vogüé fait effectuer des agrandissements par l'architecte parisien Ernest Sanson. En 1895, il fait construire l'aile sud qui abrite les salles de réception et la plupart des chambres.
Le château de la Verrerie est toujours propriété de la famille de Vogüé.
Parc et étang
A l'ouest du château et approvisionné par la Nère se trouve l'étang de la Verrerie au sein du parc de 40 hectares.
Protection
Le château fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [17]. Certaines parties anciennes du château sont classées au titre des Monuments historiques par arrêté du : les façades et toitures du châtelet et du corps de bâtiment Est, datées de la fin du XVe siècle, la chapelle et la galerie du XVIe siècle et les façades et les toitures de la partie du XIXe siècle[17].
Architecture
Le corps de logis la chapelle et le poterne sont de style Louis XII[10] et ont été construits pour Béraut Stuart à la fin du XVe siècle. L'aile sud avec galerie aussi de style Renaissance a été ajoutée vers 1525 pour Robert Stuart et Jacqueline de la Queille. L'escalier à vis est en hors-d'œuvre.
Des modifications et agrandissements ont été effectués en 1894[18].
↑Chevalier B., « Les écossais dans les armées de Charles VII jusqu’à la bataille de Verneuil », Colloque d'histoire médiévale Jeanne d’Arc, une époque un rayonnement, Orléans, octobre 1979, p. 85-94.
↑« connétable », sur larousse.fr, Éditions Larousse (consulté le )
↑ a et bJ.B. Teuley, Inventaire chronologique des documents relatifs à l'histoire d'Écosse conservés aux archives du royaume à Paris, « K168, no 20 », Édimbourg, 1839, p. 35-36 et 38-39.
↑J.B. Teuley, Inventaire chronologique des documents relatifs à l'histoire d'Écosse conservés aux archives du royaume à Paris, « K168, 20 », « J216, 20 », Edimbourg, 1839, p. 35-36, 38-39
↑Contamine P., « Entre France et Ecosse : Bérault Stuart, seigneur d’Aubigny (vers 1452-1508), chef de guere, diplomate, écrivain militaire », dans Laidlaw J. C., éd., The Auld Alliance. France and Scotland over 700 years, University of Edinburg, Édimbourg, 1999, p. 59-76.
↑Dans les archives de la famille, un dossier marqué « C'est le papier des affaires de Monseigneur » contient des marchés passés entre 1498 et 1502 (Regond 2017).
↑ a et bJean-Pierre Babelon, Châteaux de France au siècle de la Renaissance, Paris, Flammarion / Picard, 1989/1991, 840 p., 32 cm (ISBN978-2080120625).
↑Cette aile n'est pas citée dans l'inventaire fait le 28 décembre 1516, mais elle est citée dans l'inventaire du 31 janvier 1531 (Regond 2017).
↑Toulier B., Aubigny-sur-Nère, la cité des Stuart, Cher, Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Tours, 1994, p. 4.
↑« primogéniture », sur larousse.fr, Éditions Larousse (consulté le )
↑Cust L. E., Some account of the Stuart of Aubigny, in France, Harvard Collège Library, Londres, 1891.
[Regond 2017] Annie Regond, « Le château de La Verrerie à Oizon », dans Congrès archéologique de France. 176e session. Monuments du Cher Gothique flamboyant et Renaissance en Berry. 2017, Paris, Société française d'archéologie, , 413 p. (ISBN978-2-901837-81-7), p. 165-176