Benoît XV mit du temps à accepter un tel changement, d'autant plus choquant qu'en 1871 les évêques nommés par le gouvernement français étaient restés en place. Il accepta enfin la démission de Fritzen, présentée dès le lendemain de l'armistice, quand le traité de Versailles fut signé. Ruch put ainsi être nommé le 1er août 1919 et installé le 1er octobre suivant. D'origine alsacienne il ne connaissait cependant que le français. Il voulut faire des efforts et, nous dit Robert Heitz « handicapé par une élocution difficile [...] il s'était mis en tête d'apprendre, à défaut du dialecte alsacien, l'allemand et prononçait, dans ce qu'il croyait être cette langue, des homélies et des sermons devenus légendaires. Aujourd'hui encore on se raconte les effroyables coq-à-l'âne et quiproquos qu'il commettait ainsi. Son entourage n'osait-il pas lui dire combien il se couvrait ainsi de ridicule, ou son entêtement ne tenait-il aucun compte d'avertissements et bons conseils? Je l'ignore »[1]. Membre de la Société des prêtres de saint François de Sales, union pieuse à la spiritualité salésienne[2], il est à ce titre directeur spirituel (probateur) d'Eugène Tisserant, futur cardinal, de 1919 à 1945[3].
En 1920, le chapitre de Nancy honore son ancien évêque et le nomme chanoine d'honneur.
Sa position était difficile, obligé de se battre à la fois contre l'autonomisme et les aspirations pro-allemandes d'une grande partie du clergé et du petit peuple, et contre la volonté de laïcisation des autorités parisiennes. C'est ainsi qu'il interdit parallèlement la Zukunft, journal autonomiste, et Les Dernières Nouvelles de Strasbourg, francophiles et anticléricales. Une infatigable énergie, malgré sa santé fragile, lui permit de mener de front les deux combats et, sous son épiscopat, le diocèse de Strasbourg connut un âge d'or ; les séminaires étaient pleins et envoyaient des missionnaires dans le monde entier, l'évêque ordonnait des prêtres à tours de bras. Il fut élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1933.
La fin de sa vie fut attristée par le retour des Allemands en Alsace qui le contraignit à l'exil. Ernest Hauger, évêque missionnaire à la retraite, put le suppléer dans son absence pour certaines tâches. Ruch eut la joie de pouvoir revenir à Strasbourg libéré, mais l'épreuve avait été trop rude pour lui. Il mourut à la fin d'août 1945 et Jean-Julien Weber, qui n'était coadjuteur que depuis mai, lui succéda. Il fut enterré dans la cathédrale et son cœur placé au couvent du mont Sainte-Odile.
"D'or à la bande de gueules, chargée en cœur d'un T à l'antique d'argent, accompagné de deux fleurs de chardon de même l'une en chef et l'autre en pointe ; au chef cousu d'azur chargé du monogramme du Christ d'or, et accompagné au canton dextre du chef d'une étoile d'argent à six pointes."
Cri : Jesus-Maria.
Devise : « Besognons et Dieu besognera » (paroles de Jeanne d'Arc au siège de Jargeau)[5].
Armoiries de monseigneur Charles Ruch, Primat de Lorraine
↑Robert Heitz, Souvenirs de jadis et de naguère, 1963, p. 274.
↑Union sacerdotale fondée en 1876 par l'abbé Henri Chaumont (1838-1896), prêtre diocésain ancien vicaire à la paroisse Sainte-Clotilde, puis aumônier des frères des écoles chrétiennes. Il est nommé chanoine en 1890 pour se consacrer entièrement aux œuvres de spiritualité salésiennes.
↑Hervé Gaignard, Le Cardinal Tisserant à l'école de saint François de Sales, Toulouse, Institut catholique de Toulouse, Centre Histoire et Théologie, éditions Parole et Silence, 2009
↑(fr) « RUCH Charles Joseph Eugène », sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) (consulté le )
↑André Cosson, Armorial des cardinaux, archevêques et évêques français actuels, résidentiels et titulaires au 1er janvier 1917, Paris, Librairie Héraldique, (lire en ligne), p. 72