Son premier séjour en 1843 à Barbizon, rue Grande où se trouve l'hôtel Les Pléiades, lui permet de travailler au cœur de la nature et change sa manière de peindre : non loin de Paris, la forêt de Fontainebleau est devenue, dès 1822 pour Camille Corot, une source d'inspiration. Pour ces artistes séjournant autour de Barbizon est privilégiée l'observation de la nature, le paysage comme vrai sujet et, à l'imitation de leurs contemporains anglais (qui avaient marqué le Salon de Paris de 1824), ils choisissent de peindre sur le motif en posant leur chevalet face aux éléments bruts dont ils s'imprègnent : quitter l'atelier confiné devient plus facile grâce à l'invention du tube de gouache en 1841 et du train, et cette « école », très informelle, est en réalité le creuset d'une nouvelle façon de représenter le paysage contemporain[3]. Daubigny rencontre Camille Corot en 1852 : sur son bateau (baptisé Le Botin) qu’il a aménagé en atelier de peinture, il peint en suivant le cours de la Seine et de l’Oise, en particulier dans la région d’Auvers-sur-Oise. Une autre rencontre majeure, qui se produisit sans doute plus tôt, est celle avec Gustave Courbet. Les deux artistes sont de la même génération et sont portés par le mouvement réaliste : lors d'un séjour en commun, ils composent chacun une série de vues d'Optevoz.
En 1848, il travaille pour le compte de la Chalcographie du Louvre, exécutant des fac-similés, ce qui témoigne de sa grande expertise dans cet art, et revisite la technique de l'aquatinte en un procédé moins lourd. Sa célèbre série des Charrettes de roulage date de cette époque. En 1862, avec Corot, il expérimente la technique du cliché-verre, à mi-chemin entre la photographie et l'estampe[2].
Les peintures les plus marquantes de Charles-François Daubigny sont celles produites entre 1864 et 1874, qui représentent, pour la plupart, des paysages forestiers et des lacs. Déçu de voir ses peintures les plus abouties ne pas rencontrer le succès et la compréhension de ses contemporains, il est malgré cela, à la fin de sa carrière, un artiste extrêmement recherché et apprécié. Les motifs de ses toiles, tendant parfois à la répétitivité et jouant souvent sur l'horizontalité du paysage souligné par un effet de contre-jour, seront repris et accentués par Hippolyte Camille Delpy, le plus influencé de ses élèves.
On retient aujourd’hui le fait que Daubigny, tout comme Courbet, ont pu compter dans les influences d'une nouvelle génération d'artistes regroupée sous le nom d'un courant, l'impressionnisme. En critique obtus du Salon, Théophile Gautier écrivait en 1861 qu'« il est vraiment dommage que M. Daubigny, ce paysagiste d'un sentiment si vrai, si juste et si naturel, se contente d'une première impression et néglige à ce point les détails. Ses tableaux ne sont plus que des ébauches, et des ébauches peu avancées. […] c'est donc à un système qu'on doit attribuer cette manière lâchée, que nous croyons dangereuse pour l'avenir du peintre s'il ne l'abandonne pas au plus vite. »[5]. Non seulement Daubigny n'a pas corrigé le tir, mais il se rapprocha de Claude Monet et d'Auguste Renoir, lequel lui rendit hommage à la fin de sa vie[2],[3].
↑ abcd et e« Daubigny, Charles-François », in Janine Bailly-Herzberg, Dictionnaire de l'estampe en France 1830-1950, Paris, Flammarion, 1985, pp. 85-86.
↑ a et bCourbet et l'impressionnisme, catalogue d'exposition, Paris, Silvana editoriale / Musée Courbet, 2016, pp. 12, 19-27.
↑Historique, sur le site de la société, salondesbeauxarts.com.
↑Th. Gautier, Abécédaire du salon de 1861, Paris, Dentu, 1861, p. 119 (en ligne sur Gallica).
↑« La tarde », sur Museo de bellas artes (consulté le )
↑Robert Hooze|, Musée des Beaux Arts de Gand, Musea Nostra, , 127 p., p. 78.
Madeleine Fidell-Beaufort et Janine Bailly-Herzberg, La Vie et l'œuvre de Daubigny, Paris, Éditions Geoffroy-Dechaume, 1975.
Robert Hellebranth, Charles-François Daubigny, 1817-1878, Morges, Éditions Matute, 1976.
François Lespinasse (préf. François Bergot), La Normandie vue par les peintres, Lausanne, Edita, , 143 p. (ISBN2-88001-233-3), p. 44-45
Michel Melot, L'œuvre gravé de Boudin, Corot, Daubigny, Dupré, Jongkind, Millet, Théodore Rousseau, Paris, Art et Métiers du Livre Éditions, , 296 p. (ISBN2-7004-0032-1).
Étienne Moreau-Nélaton, Daubigny raconté par lui-même, Paris, Éditions Henri Laurens, 1925.
Robert J. Wickenden, Charles-François Daubigny : peintre et graveur, trad. de l'anglais par Rolande Diot-Vejux, [Plestin-les-Grèves] (Pilhoat Treduder, 22310) : [R. Vejux-Diot], 1990, 39 p.
Loÿs Delteil, Le peintre graveur illustré (XIXe et XXe siècles). Tome 13 C.F. Daubigny, Paris, 1921 (lire en ligne sur Gallica).