Bernard Gui (Bernardus Guidonis en latin) est né dans l'ancienne paroisse de Royère, aujourd'hui hameau de la commune de La Roche-l'Abeille en Limousin[1].
Il embrasse les ordres à l'âge de dix-neuf ans en entrant comme novice au couvent dominicain de Limoges. Il y étudie la logique puis se rend à Bordeaux au début des années 1280 pour y étudier la philosophie[2]. Une fois ses études terminées, en 1291, il se met à enseigner la théologie aux dominicains. Il devient prieur d'Albi en 1294, puis de Carcassonne, de Castres et de Limoges[3]. Finalement, il est nommé inquisiteur de Toulouse en 1308 et occupe cette fonction jusqu'en 1323.
Médiocre théologien, il donne toute sa mesure dans ses nouvelles fonctions. Durant sa charge, il réprime les trois grandes « hérésies » de son époque : le catharisme (1307–1323), le valdéisme (1316–1322) et les Béguards et Béguines (1319–1323).
Il appartient à la troisième génération d'inquisiteurs, laquelle rend à l'institution inquisitoriale son poids et son efficacité après une période de contestations. Il en est aussi le grand ordonnateur juridique. Réputé pour la sévérité de ses sentences (mais aussi pour la rigueur de ses enquêtes contradictoires), il envoie notamment au bûcher Peire Authié, dernier « bon homme » actif en Languedoc (avril 1310). Il participa aussi au procès du franciscain et opposant à l'Inquisition Bernard Délicieux (1319).
Son Liber sententiarum (Livre des sentences) recueille les actes de 11 sermons généraux (appelés sermo generalis) et ses 916 décisions de justice prises, pendant son mandat d'inquisiteur à Toulouse, contre 636 personnes (décisions individuelles ou concernant toute une communauté). Les sermons révèlent que le but premier de l'Inquisition est la soumission des « hérétiques » et non leur anéantissement. Contrairement à l'image de l'inquisiteur implacable, ce registre montre la variété de ses sanctions : 30 % des décisions sont des libérations de peine, environ 6 % sont des condamnations au bûcher (principalement pour les relaps), plus de 50 % sont des condamnations à la prison (prison perpétuelle avec mise aux fers pour les cas les plus graves) ou la pénitence du port de la croix jaune[3].
Ses promotions en tant qu'évêque lui sont octroyées par le pape Jean XXII en récompense des services rendus en tant qu'inquisiteur. En août 1323, il est nommé évêque de Tuy en Galice (Espagne) ; aucun document ne permet de savoir s'il s'y rendit. Il reçoit ensuite en 1324 le modeste évêché de Lodève.
Historien et hagiographe de son ordre, il est l'auteur de nombreux ouvrages de grande importance dont, entre autres, le premier des manuels d'Inquisition, la Practica Inquisitionis hæreticae pravitatis (Manuel de l'inquisiteur), rédigé entre 1319 et 1323, et portant sur les pratiques et les méthodes de l'inquisition à l'usage de ses frères.
Il rédige également un arbre de la généalogie des rois des Francs. Cinq éditions furent produites entre 1313 et 1331. C'est la première fois qu'on trouve les mots « arbre » et « généalogie » dans un titre. À l'époque, la notion d'arbre généalogique n'est pas encore arrêtée. C'est également la première fois qu'on applique à une généalogie royale les représentations d'ordinaire réservées aux généalogies bibliques[4].
Son corps est transporté à Limoges et inhumé dans l’église des Prêcheurs, à gauche de l’autel[1].
Œuvres littéraires
Page enluminée de la Chronique des rois de France.
↑Ecrit, pouvoirs et société. Occident. XIIe-XIVe, Neuilly-sur-Seine/58-Clamecy, Atlande, , 623 p. (ISBN978-2-35030-603-2), p. 497
↑ a et bJulien Théry, Le Livre des sentences de l'inquisiteur Bernard Gui, CNRS éd., .
↑Didier Lett, Christiane Klapisch-Zuber, L'Ombre des ancêtres. Essai sur l'imaginaire médiéval de la parenté, vol. 20, t. 41, Médiévales, (lire en ligne), p. 176-180.
Voir aussi
Bibliographie
« Les ouvrages de Bernard Gui », dans Bibliothèque de l'École des chartes, 1877, tome 38, p. 381-389(lire en ligne)
Célestin Douais, « Un nouveau manuscrit de Bernard Gui et des Chroniques des papes d'Avignon », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, t. 14, 1886-1889, p. 417-452 (lire en ligne)
Célestin Douais, Un nouvel écrit de Bernard Gui, le Synodal de Lodève (1325-1326), accompagné du "Libellus de articulis fidei" du même, Alphonse Picard libraire-éditeur, Paris, 1894 (lire en ligne)
Agnès Dubreil-Arcin, Vies de saints, légendes de soi. L'écriture hagiographique dominicaine jusqu'au « Speculum sanctoral » de Bernard Gui (+ 1331), Turnhout, Brepols, 2011
Agnès Dubreil-Arcin, « Un hagiographe à l'œuvre : Bernard Gui et les légendes de saint-Saturnin de Toulouse », dans Annales du Midi, 1999, tome 111, no 226, p. 217-231(lire en ligne)
Bernard Guenée, Entre l'Église et l'État. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1987 [p. 49–85]
Anne-Marie Lamarrigue, Bernard Gui, 1261-1331 : un historien et sa méthode, Honoré Champion, Paris, 2000 (ISBN2745302035)
Annette Pales-Gobilliard (traduction et annotation), Livre des sentences de l'inquisiteur Bernard Gui (1308-1323), coffret 2 volumes novembre 2002, CNRS Éditions
Auguste Molinier, « 2844. Bernard Gui », dans Les sources de l'histoire de France, Alphonse Picard et fils éditeurs, Paris, 1903, tome III, Les capétiens (1180-1328), p. 184-187(lire en ligne)