Fils de Giovanna Bisio et de Giulio Eco, employé aux chemins de fer, Umberto Eco passe son baccalauréat au lycée Giovanni Plana d'Alexandrie, sa ville natale[2].
Il se lie d'amitié avec un de ses camarades, l'accordéoniste Gianni Coscia(it), qui fera carrière en accompagnant entre autres Astor Piazzolla. Eco et Coscia composent ensemble de petites revues musicales dont Eco écrit le livret. Les deux amis continueront à faire de la musique ensemble, Umberto Eco étant un très honorable flûtiste.
Dans sa jeunesse, il fait partie des jeunes catholiques de l'Action catholique. Au début des années cinquante, il en devient même un des principaux responsables nationaux italiens. En 1954, il abandonne son engagement en raison d'un désaccord avec Luigi Gedda(it).
Il épouse en 1962 l'écrivaine allemande Renate Eco-Ramge. Deux enfants naissent de cette union[3].
Sa thèse universitaire sur Thomas d'Aquin lui fait mettre de la distance avec la Foi et l'Église catholique : « Il [Thomas d'Aquin] m'a miraculeusement guéri de la foi », a-t-il déclaré ironiquement. Une extension de sa thèse fut publiée en 1956 et constitue sa première publication « Le problème esthétique de Saint Thomas »[5].
Son premier roman, Le Nom de la rose (1980) connaît un succès mondial avec plusieurs millions d'exemplaires vendus et des traductions en quarante-trois langues, malgré un contenu dense et ardu. Umberto Eco met en application dans ce « policier médiéval » ses concepts sémiologiques et ses théories du langage, ceux-là mêmes qu'il enseigne à Turin. En 2002, le quotidien La Repubblica le vend comme supplément au journal (tirage spécial à cette occasion : 2 millions d'exemplaires[6]).
Son deuxième roman, Le Pendule de Foucault (1988) connaît également un énorme succès, quoique pour des raisons inverses : le public, guidé par Eco, part à la découverte de symboles énigmatiques ou prophétiques, à rebours de la dénonciation de l'ésotérisme qui est pourtant le propos de l'auteur. Mais celui-ci démontre par la même occasion que le lecteur est libre de ses interprétations (théorie qu'Eco continue de développer dans ses œuvres théoriques sur la réception, Les Limites de l'interprétation en 1990). Le livre tourne d'ailleurs en ridicule l'interprétation à outrance des faits avérés ou légendaires de l'histoire, en tirant avec un égal succès des dimensions d'un simple kiosque à journaux le même genre d'informations de portée cosmique que certains se croient fondés à lire dans celles de la pyramide de Khéops.
Umberto Eco donne ensuite plusieurs conférences sur ses théories de la narration en littérature : Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs (1996), sur la traduction, Experiences in translation (2000) et sur la littérature, De la littérature (2003). Il est alors associé au courant de la « Génération des années trente », dont, bien que tardivement inclus, il devient l'un des membres les plus connus.
Tout au long de sa carrière, il écrit régulièrement, dans des quotidiens et des hebdomadaires, des chroniques sur des sujets de l'heure, avec un souci de « débusquer du sens là où on serait porté à ne voir que des faits ».
Plusieurs recueils, dont seulement certains ont été traduits, regroupent les textes les plus amusants, Pastiches et Postiches (1988) (Comment voyager avec un saumon) (1998) (Il secondo diario minimo). Certains autres recueils regroupent des textes plus polémiques : Croire en quoi (1998), Cinq questions de morale (2000) et Islam et Occident (2002).
Parmi ses activités les moins connues, Umberto Eco a été membre du Forum international de l'Unesco (1992), de l'Académie universelle des cultures de Paris (1992), de l'Académie américaine des arts et des lettres (1998), Satrape du Collège de 'Pataphysique et a été nommé au conseil de la Bibliotheca Alexandrina (2003). Il a assuré en 1992-1993 un cours à la chaire européenne du Collège de France sur le thème « La quête d'une langue parfaite dans l'histoire de la culture européenne ». Il fut en 2005 un des signataires du manifeste de l'association Sinistra per Israele (« Gauche pour Israël »)[7].
Fin , Umberto Eco propose l'ouvrage Vertige de la liste qui est traduit par Myriem Bouzaher. Il est récompensé la même année de la médaille d'or du Círculo de Bellas Artes[8].
Il est élu membre associé de l’Académie royale de Belgique (Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques) le [9].
En , il est récompensé du prix Alphonse-Allais pour l'ensemble de son œuvre[10]. En , il quitte les éditions Bompiani pour fonder à Milan La nave di Teseo, une nouvelle maison d'édition, qui publie posthume en , Pape Satàn Aleppe, un recueil de courts essais.
Avec ses partenaires chinois, africains ou indiens, l’Institut développe une approche de la connaissance réciproque et des méthodologies qu’elle suscite. Il s’agit, en considérant la réalité des forces et des ressources culturelles en présence, de proposer des scénarios d’échanges culturels et artistiques, fondés sur ce principe de réciprocité.
Une part importante du travail de Umberto Eco a consisté en une analyse du rapport entre fiction et réalité. Pour Eco, la réalité et la fiction sont intimement liées. La fiction est un instrument de médiation qui vise à stimuler une meilleure compréhension du monde. Elle est un outil d’interprétation. La position du lecteur et de l’individu dans le réel est une position comparable puisqu’elle sollicite, tant dans le cadre de la lecture que de la vie quotidienne, une mise en récit des éléments proposés[13]. Dans les deux cas, il s’agit de faire récit. Le roman est une forme réflexive sur les influences entre le monde réel et les mondes possibles.
La notion de « monde possible », développée par Eco, provient des recherches menées en logique par Thomas Pavel et Teun A. van Dijk. Eco définit comme monde possible « un état des choses qui est exprimé par un ensemble de propositions où, pour chaque proposition, soit « p soit non-p »[15]. » Autrement dit, un monde possible est le fait d'individus qui portent en eux un ensemble de propriétés qui ne se résument pas uniquement à des caractéristiques statiques ou à des traits de personnalités mais qui peuvent être également des actions. Les mondes possibles dépendent d’une instance narrative qui crée une unité et une cohésion parmi les différents éléments du monde possible. La mise en récit par la narration est capable d’expliquer la multiplicité des expériences sensorielle et cognitive en ayant recours à la fiction.
La littérature est « thérapeutique » pour Eco car elle permet d’échapper au monde réel et aux angoisses de sa discontinuité[13]. Telle est d’ailleurs la fonction des mythes chez Lévi-Strauss, qui sont un moyen de mettre un peu d’ordre dans l’expérience composite de la vie. Eco avance alors la notion de texte en tant qu’espace « paresseux ». Par ce concept, il entend faire comprendre au lecteur que la lecture est une activité créatrice, qu’il est un agent actif du texte[16]. Ce lecteur impliqué dans le texte est ce qu'Eco nomme un « lecteur modèle »[17], c'est-à-dire un agent capable d'actualiser les propositions du texte afin de saisir le plein potentiel du texte. Wolfgang Iser avait préalablement développé cette idée d'un "lecteur impliqué" dans le texte à partir du concept de lecteur implicite[18].
Abduction
Umberto Eco distingue quatre niveaux d'abduction (processus qu'il nomme « la méthode du détective »[19]) :
Umberto Eco collabore dès sa fondation à l'hebdomadaire L'Espresso, où il tient de 1985 à 2016 la rubrique La bustina di Minerva (dans laquelle il déclara contribuer à Wikipedia[22]) et aux journaux Il Giorno, La Stampa, Corriere della Sera, la Repubblica, il manifesto et à d’innombrables revues spécialisées internationales, telles que Semiotica (fondée en 1969 par Thomas Albert Sebeok), Poetics Today, Degrès, Structuralist Review, Text, Communications (revue de l'École des hautes études en sciences sociales), Problemi dell'informazione, Word & Images ou des revues littéraires et de débat culturel comme Quindici, Il Verri, Alfabeta, Il cavallo di Troia[23].
En 1993, il collabore à la collection Fare l'Europa dirigée par Jacques Le Goff.
Traductions
Umberto Eco a traduit en italien les Exercices de style (1947), l'un des ouvrages les plus célèbres de l'écrivain français Raymond Queneau, dont il était l'admirateur (proche, par beaucoup de ses travaux, de l'OuLiPo). L'ouvrage est publié en 1983 sous le titre Esercizi di stile. Il traduisit aussi Sylvie, de Gérard de Nerval pour la maison d'édition Einaudi en 1999.
Le Problème esthétique chez Thomas d'Aquin (essai philosophique de 1993) (traduction de Il problema estetico in Tommaso d'Aquino, 1970, édition revue et développée de Il problema estetico in San Tommaso, 1956, sa thèse de doctorat) (ISBN978-2246342618)
Art et beauté dans l'esthétique médiévale (1997) (traduction de Arte e bellezza nell'estetica medievale, 1987, seconde édition de « Sviluppo dell'estetica medievale » in Momenti e problemi di storia dell'estetica, 1959)
L'Œuvre ouverte (1965, seconde révision 1971) (version originale révisée de Opera aperta, 1962 et incluant Le poetiche di Joyce, 1965) (extrait)
La Structure absente, introduction à la recherche sémiotique (1972) (édition révisée de La Struttura assente, 1968)
Le Signe, histoire et analyse d'un concept, adapté de l'italien par Jean-Marie Klinkenberg (1988) (Segno, 1971).
A semiotic Landscape. Panorama sémiotique. Proceedings of the Ist Congress of the International Association for Semiotic Studies, La Haye, Paris, New York, Mouton) 1979 (avec Seymour Chatman et Jean-Marie Klinkenberg).
La Guerre du faux (1985 ; 2008 pour la nouvelle édition chez Grasset) (tiré de Il costume di casa, 1973; Dalla periferia dell'impero, 1977 ; Sette anni di desiderio, 1983)
Notes sur la sémiotique de la réception (1987) (Actes Sémiotiques IX, 81. Documents de recherche. Centre national de la recherche scientifique - groupe de Recherches sémio-linguistiques (URL7 de l'Institut national de la langue française) École des hautes études en sciences sociales)
L'Énigme de la Hanau 1609 (1990) (Lo strano caso della Hanau 1609, 1989) (« Enquête bio-bibliographique sur l'Amphithéâtre de l'Éternel Sapience... de heinrich Khunrath. »)
Les Limites de l'interprétation (1992) (I limiti dell'interpretazione, 1990)
Interprétation et surinterprétation (1995) (Interpretation and overinterpretation, 1992)
La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne (1993) (La ricerca della lingua perfetta nella cultura europea, 1993) [détail des éditions]
Incontro - Encounter - Rencontre (1996) (en italien, anglais et français)
Croire en quoi ? (1998) (In cosa crede chi non crede ?, 1996)
Cinq questions de morale (2000) (Cinque scritti morali, 1997)
Kant et l'ornithorynque (1999) (Kant e l'ornitorinco, 1997)
(en) Serendipities: Language and Lunacy, Mariner Books, 1999
De la littérature (2003) (Sulla letteratura, 2002)
La Licorne et le Dragon, les malentendus dans la recherche de l'universel (collectif, 2003), sous la direction de Yue Daiyun et Alain Le Pichon, avec les contributions d'Umberto Eco, Tang Yijie, Alain Rey. Éditions Charles Léopold Mayer.
Histoire de la beauté (2004) (Storia della bellezza, 2004)
À reculons, comme une écrevisse (A passo di gambero, 2006)
Dire presque la même chose, expériences de traduction (2007) (Dire quasi la stessa cosa, esperienze di traduzione, 2003)
Histoire de la laideur (2007) (Storia della bruttezza)
Histoire de la beauté (2008) (Storia della bellezza)
La quête d'une langue parfaite dans l'histoire de la culture européenne Leçon inaugurale au Collège de France (1992), CD audio, Ed. Le Livre qui parle, 2008.
Vertige de la liste (Vertigine della lista), Paris, Flammarion, 2009. Cet essai est le pendant d'une exposition et d'une séries de conférences orchestrés par U. Eco, invité du musée du Louvre en .
De l'arbre au labyrinthe (2011) (Dall'albero al labirinto)
Dans le roman policier Le Club Dumas, d'Arturo Pérez-Reverte, le protagoniste mentionne le procédé employé par Umberto Eco dans L’Enigme de la Hanau au cours de son enquête sur les livres anciens. Plus tard, il croise dans un club secret d'admirateurs d'Alexandre Dumas un certain « professeur de sémiotique à Bologne ».
Dans le roman La Septième Fonction du langage de l'écrivain français Laurent Binet, Umberto Eco tient un rôle important puisqu'il est chef suprême et incontestable, « le Grand Protagoras » du Logos Club, une organisation secrète au service de la rhétorique. Dans le roman, Eco se fait défier par Philippe Sollers, mais s'en sort à son avantage.
↑D'après Éléonore Sulser, « Umberto Eco, capitaine dans la tempête du langage », Le Temps, (lire en ligne, consulté le ).
↑Librairie la procure, « Umberto Eco », sur la procure.com (consulté le ).
↑Umberto De Giovannangeli, « Sinistra per Israele : 'Mai più pregiudizi' Fassino presenta il mani festo dell'associazione nazionaleIl presidente Furio Colombo: oc corre un'informazione corretta », l'Unità, édition nationale, 24 novembre 2005, en ligne.
↑Philippe-Jean Catinchi, « Umberto Eco, auteur du « Nom de la rose », est mort », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b« Giuseppe Lovito : « Entre réalité et fiction : le roman comme instrument de connaissance selon Umberto Eco » », Le blog des Têtes Chercheuses, (lire en ligne, consulté le ).
↑Rachel Bouvet et Myriam Marcil-Bergeron, « Pour une approche géopoétique du récit de voyage », Arborescences: Revue d'études françaises, (ISSN1925-5357, DOI10.7202/1017364ar, lire en ligne, consulté le ).
↑Yves Gilli, « Le texte et sa lecture. Une analyse de l'acte de lire selon W. Iser », Semen. Revue de sémio-linguistique des textes et discours, (ISSN0761-2990, lire en ligne, consulté le ).
↑Pek Van Andel & Danièle Bourcier, De la sérendipité, Hermann, 2013, p. 75-83.
↑Ilias Yocaris, « Relativisme cognitif et indétermination sémiotique : abduction et méta-abduction dans l’œuvre romanesque d’Umberto Eco », Cahiers de Narratologie, no 20, (lire en ligne).
(it) Sandro Montalto (dir.), Umberto Eco : l'uomo che sapeva troppo, ETS, Pisa, 2009, 299 p.
(en) Cinzia Bianchi and Clare Vassallo (dir.), Umberto Eco's interpretative semiotics : interpretation, encyclopedia, translation, Mouton de Gruyter, Berlin, Boston, 2015, 218 p. (numéro de Semiotica, 2015, vol. 206, no 1/4)
Francis Farrugia, La Notion d'université : un océan de liberté. Commentaire d'un discours du clericus vagans Umberto Eco, à la lumière de son œuvre, SociologieS (en ligne), . https://sociologies.revues.org/5426
Umberto Eco à bâtons rompus, d'Alain Jaubert, interview par Pierre Boncenne, Institut national de l'Audiovisuel, Bry-sur-Marne, 1999, 1 h 32 min (VHS) ; réunit deux émissions diffusées en 1988, dans la série « Océaniques ».
La Quête d'une langue parfaite dans l'histoire de la culture européenne (leçon inaugurale d'Umberto Eco donnée au Collège de France le ), de Gilles L'Hôte, Doriane Films, Paris, 2004, 1 h 10 min (DVD)
Umberto Eco : derrière les portes, de Teri Wehn Damisch, Cinétévé, Issy-les-Moulineaux (cop. Arte France), 2012, 54 min (DVD)