La bataille d'Idleb a lieu lors de la guerre civile syrienne. Elle débute le , par une offensive des rebelles syriens contre la ville d'Idleb, capitale du gouvernorat d'Idleb, et s'achève le par la prise de la ville.
Prélude et forces en présence
En , le gouvernorat d'Idleb est majoritairement aux mains des rebelles et le Front al-Nosra y est la force dominante depuis sa victoire en décembre à la bataille de Wadi al-Deïf[8]. Peuplée d'environ 100 000 à 200 000 habitants[9],[10], la ville d'Idleb reste quant à elle tenue par les forces du régime syrien, mais elle est presque totalement encerclée, à l'exception d'un corridor filant vers le sud[8],[11]. La défense de la ville est assurée par l'armée syrienne et les milices des Forces de défense nationale et des comités populaires[12].
Pour cette offensive, les rebelles forment une nouvelle coalition baptisée « Jaych al-Fatah » (« L'Armée de la conquête »), qui rassemble principalement le Front al-Nosra, Ahrar al-Cham, Faylaq al-Cham et Jound al-Aqsa. D'autres groupes rebelles moins importants s'y joignent également : Liwa al-Haq, Ajnad al-Cham, Jaych al-Sunna[13] et Ajnad al-Kavkaz[14]. Cette alliance appelle les habitants d'Idleb à rester chez eux et les soldats sunnites à venir les rejoindre[11],[15]. Plusieurs groupes de l'Armée syrienne libre, comme la 13e division, la 101e division d'infanterie et Fursan al-Haq, prennent également part aux combats[2],[16], de même que les Kataeb Thuwar al-Cham[16]. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les islamistes engagent 2 000 hommes et 40 véhicules de transport de troupe dans la bataille[1]. Le New York Times donne pour sa part une estimation de 5 000 à 7 000 combattants du côté des assaillants[3]. Pour le quotidien panarabe Al-Hayat, Ahrar al-Cham engage le plus grand nombre de combattants avec plus de 2 000 hommes, tandis que le Front al-Nosra dispose de 1 200 combattants[2]. Laure Stephan, du journal Le Monde, indique également que le nombre des combattants déployés par Ahrar al-Cham dans la bataille d'Idleb est le double de celui du Front al-Nosra, mais elle précise que la force du groupe d'al-Qaïda ne repose pas dans son nombre mais dans ses méthodes de combats[17]. De même pour Thomas Pierret, maître de conférences à l’Université d’Edimbourg : « Il y a très probablement plus de combattants d’Ahrar al-Sham que du Front al-Nusra. Mais ceux d’Al-Qaeda sont plus visibles, parce qu’ils commettent des attentats-suicide et qu’ils sont beaucoup plus forts sur le plan médiatique »[18].
Deux jours avant l'attaque, un hélicoptère de l'armée syrienne s'écrase près du Jabal al-Zawiya et cinq membres d'équipage sont capturés[19]. Deux sont pris par le Front al-Nosra, trois par un autre groupe, un des prisonniers est exécuté sommairement et un sixième homme parvient à s'enfuir[19].
Déroulement
Le , l'Armée de la conquête lance son offensive sur Idleb dans plusieurs directions[11]. La première attaque est effectuée par deux véhicules piégés conduits par des kamikazes de Jound al-Aqsa qui tuent au moins 20 soldats ou miliciens loyalistes[11],[15],[12]. Les djihadistes lancent ensuite l'assaut et s'emparent de sept checkpoints, mais les troupes du régime en reprennent ensuite quatre[15]. Le premier jour, Ahrar al-Cham perd au moins 11 hommes tués et 20 blessés, le Front al-Nosra subit également des pertes[15].
Le , les combats se poursuivent à l'entrée et aux environs de la ville[12]. Les hommes d'Ahrar al-Cham reprennent les quatre checkpoints reconquis la veille par les loyalistes[20],[12]. Le Front al-Nosra engage également deux autres véhicules kamikazes[20]. Les rebelles progressent mais un de leurs chefs, Youssef Qotb, le numéro deux d'Ahrar al-Cham, est tué dans les combats[12]. Selon l'OSDH, dans la soirée le bilan est d'au moins 20 morts chez les loyalistes et 20 autres chez les rebelles islamistes[12].
Le matin du , les rebelles islamistes contrôlent 17 checkpoints[21],[22]. Ils parviennent à entrer dans la ville le soir du et le matin du 27[23]. L'aviation syrienne mène 150 raids en quatre jours mais ne parvient pas à faire basculer le rapport de force[1]. Dans la journée du , les rebelles prennent le contrôle de la faculté de lettres et de la faculté d'agriculture[24]. Selon l'OSDH, les combats ont alors fait en quatre jours au moins 45 morts chez loyalistes et 72 du côté des assaillants[23].
Le , Idleb tombe entièrement aux mains des rebelles[25],[1],[26],[27],[10]. Le Front al-Nosra annonce également sur son compte Twitter la « libération » de la ville[10]. Le dernier assaut est mené dans la nuit contre le carré sécuritaire, où se trouvent notamment la prison centrale et le siège du gouvernorat[24].
Avant de se retirer de la ville, les loyalistes exécutent 15 prisonniers dans un centre de détention[4],[28]. Cependant 53 autres détenus, dont deux femmes, sont délivrés par les hommes d'Ahrar al-Cham[29]. Selon le journaliste syrien Ibrahim Hamidi, il n'y a pas « d’exactions massives après l’entrée des combattants » rebelles[2]. Des violences sont cependant commises, deux chrétiens travaillant dans un magasin d'alcool sont notamment assassinés par des hommes du Front al-Nosra[2],[3].
Pertes et conséquences
Le , le média pro-régime syrien Al-Masdar news indique que le bilan total des pertes est inconnu, mais qu'au moins 98 rebelles et 73 miliciens des Forces de défense nationale ont été tués[30].
Le , l'OSDH affirme que les combats ont fait au moins 170 morts[6], dont 96 rebelles[5]. Le bilan est revu à la hausse le lendemain par l'OSDH et passe à 126 tués pour les rebelles[31],[32], puis à 132 le [7].
L'armée syrienne se replie vers le sud, elle ne tient alors plus dans le gouvernorat d'Idleb que les villes de Jisr al-Choghour et Ariha, quelques villages, l'aéroport militaire d'Abou Douhour et cinq bases militaires[6].
Après Raqqa, Idleb devient la deuxième capitale d'un gouvernorat à échapper au contrôle du régime syrien[1]. L'Armée de la conquête indiquerait cependant ne pas avoir l'intention de diriger la ville et laisser cette tâche à des organisations civiles[18]. Néanmoins, dans les mois qui suiventle Jabhat Al-Nosra supplante les autres composantes de l'Armée de la conquête et instaure sur la ville son autorité[33].
L'aviation du régime frappe Idleb le après la prise de la ville[29]. Le régime syrien commence alors à bombarder régulièrement la ville et selon l'OSDH 684 raids aériens sont menés entre le et le , dont 349 sont effectués par l'aviation et 335 barils d'explosifs sont largués par des hélicoptères[34]. Ces bombardements causent la mort de plusieurs dizaines de rebelles et de 125 civils, dont 21 femmes et 25 enfants, tandis que autres 700 civils sont également blessés[34]. De plus selon la Société médicale américano-syrienne (SAMS), des hélicoptères du régime syrien effectuent 31 attaques chimique au chlore dans le gouvernorat d'Idleb entre le et le , faisant 10 morts et 530 blessés[35].
↑ ab et c(en-US) Anne Barnard, « An Anxious Wait in Syrian City Held by Insurgents », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑ abc et dAFP, « Syrie: offensive de groupes islamistes sur la ville d'Idleb contrôlée par le régime », La Croix, (ISSN0242-6056, lire en ligne, consulté le )