Iconoclaste et attachant, il fait de sa belgitude un art majeur qui a marqué la musique européenne par sa pudeur, ses textes touchants, parfois empreints de naïveté, et son sens de l’absurde[6]. Il conserve toute sa carrière une image d’artiste décalé et provocateur, revendiquant sa liberté. Il aime à se présenter comme « lesbienne » et déclare n’avoir « rien à foutre » de la politique[7].
Biographie
Jeunesse
Arnold Charles Ernest Hintjens voit le jour à Ostende le . Il a des racines anglaises et françaises, dont des réfugiés ayant fui le nazisme ; il a expliqué que le père de sa grand-mère était anglais et le père de son autre grand-mère était français[8],[9].
De grands-parents musiciens, il s’intéresse au jazz et à la chanson française dès son enfance et est attiré par les planches : sa mère, grande fan de Juliette Gréco mais aussi de rock 'n' roll, l'emmenait au Music-Hall le week-end et il découvrit le rock vers l'âge de 8 ans avec One Night with You d'Elvis Presley. Cet engouement musical est confirmé par la suite avec Like a Rolling Stone de Bob Dylan. Il débute la musique à l’âge de 16 ans[7]. Les disques de blues importés d'Angleterre l'ont notamment inspiré. Son père, aviateur et mécanicien dans l'aéronautique, est plutôt littérature américaine, et s’intéresse également beaucoup à la politique.
Arno choisit d'abord le métier de cuisinier[10] (il a d'ailleurs été cuisinier pour Marvin Gaye lorsque celui-ci a résidé avec son fils à Ostende au début des années 1980[11]). En 1967, à 18 ans, il quitte le lycée et voyage en Europe[12] : il chante en mode hippie sur les plages de Saint-Tropez, rejoint les provos à Amsterdam, chante dans les îles grecques et même à Katmandou[10].
En 1968 ou 1969 selon les sources, Arno, alors totalement inconnu, donne son premier concert lors d’un festival d’été au vélodrome d’Ostende[10],[13]. En 1970, à 21 ans, il rejoint, sous le surnom « Arno Tjens » et en tant qu’harmoniciste, le groupe Freckleface[13], avec pour autres membres Paul Decoutere (guitares ; surnommé Paul Couter), Paul Vandecasteele (basse ; surnommé Paul Mary Alfred) et Jean Lamoot (batterie ; surnommé Ian « tepnol » Lamoot), et dont le seul album, qui est autoproduit[12], sort en 1972[14].
Puis, en 1974, il forme en duo avec Paul Decoutere le groupe Tjens Couter[15], qui sort un premier album en 1975, intitulé Who cares ?[16]. En 1977, le groupe s’élargit avec l’arrivée de Rudy Cloet (batterie) et Ferre Baelen (basse)[17], et sort en 1978 l’album Plat du jour[18]. Ce second album contient, sur sa pochette, la mention T.C. Band, en plus de nom du groupe Tjens Couter[19].
Le groupe, appelé TC Band depuis 1977, change de nom en 1980, à la suite de l’arrivée de Serge Feys (claviers), pour devenir TC Matic[10],[17]. Mais rapidement, Decouter est remplacé par Jean-Marie Aerts, un autre guitariste, qui restera l'un des compagnons de route d'Arno. En 1981 sort le premier album du groupe, au titre éponyme. La chanson Oh la la la c'est magnifique marque le premier succès commercial d'Arno[20]. En 1982 sort le deuxième album L'Apache, puis le troisième album Choco en 1983, sur lequel on retrouve l'inoubliable Putain Putain, l'hymne européen façon TC Matic, et enfin le dernier album Yé-Yé en 1985, sur lequel figure Elle adore le noir (pour sortir le soir)[10]. Le groupe, considéré comme un des plus novateurs du rock européen de cette époque, effectue des tournées qui traversent régulièrement la Scandinavie, l'Angleterre, la France, la Belgique, les Pays-Bas ou l'Allemagne[21]. Cette même année, le groupe assure la première partie de la tournée européenne du groupe écossais Simple Minds, qui est alors au sommet de sa popularité, mais TC Matic se sépare cependant quelques mois plus tard[21],[10].
Avec la séparation du groupe, Arno se lance en 1986 dans une carrière solo, d'abord dans le label Virgin, il signe ensuite sur Delabel. Il se fait connaître en France du grand public à la suite de sa participation à la bande originale du film Merci la vie (1990) de Bertrand Blier.
En 1991, on retrouve Arno sur différents projets parallèles à sa carrière solo : il participe à l’album de sa compagne Marie-Laure Béraud ; avec le bluesman belge Roland Van Campenhout, et le musicien Adriano Cominotto, il forme le groupe Charles et les Lulus[22], qui ne dure pas longtemps. L'unique album de ce projet, enregistré en une semaine et en prise directe, est un disque de blues, sur lequel se retrouvent quelques reprises de Dixon, Rufus Thomas ou encore Sonny Boy Williamson[10].
En février 1993, il sort l’album « Idiots savants », enregistré à Nashville, qui est disque d’or en Belgique[12]. On y retrouve son premier grand tube en solo, qui est une reprise d’Adamo : Les Filles du bord de mer. Le 16 février 1994, c'est sur la scène de l'Élysée-Montmartre qu'Arno fait une escale parisienne[21].
La même année, Arno effectue une nouvelle aventure collective avec Arno et les Subrovnicks. Entouré d'anciennes connaissances comme Adriano Cominotto (ex-Lulu) ou Rudy Cloet (ex-TC Matic), mais aussi de Geoffrey Burton et François Garny, il enregistre l'album Water dans le sud-ouest de la France[21].
En 1995, il sort l’album À la française, qui est son premier uniquement en français. Si l’album contient des reprises de Brel, Ferré ou Couture, c’est surtout le titre Les Yeux de ma mère qui le transforme en superstar sur le territoire français[10].
De Charles et les Lulus, Arno passe à Charles and the White Trash European Blues Connection en 1998. Au sein de ce nouveau groupe occasionnel où on retrouve le guitariste Geoffrey Burton, il offre un album entre blues et rock et dont les reprises, désormais habituelles dans son répertoire, vont cette fois des Kinks à Nina Simone[21].
Chantant en français, en anglais et en flamand, il est connu pour sa voix brisée à la Tom Waits[4] et ses textes touchants, parfois empreints de naïveté. Ses chansons ont fréquemment été des succès, généralement limités toutefois à un public d'initiés, malgré une presse spécialisée souvent enthousiaste (Putain putain[27], Bathroom Singer, Elle adore le noir, Les Yeux de ma mère, Je veux nager, Chic et pas cher). Il a un peu abandonné l'anglais au cours du temps, mais sa musique reste un vaste mélange, l'accordéon y côtoyant la guitare électrique.
C'est sur scène qu'il prend sa vraie dimension, comme en témoignent ses albums en concert À la française, sorti en 1997, et Live in Brussels, en 2005, où l'on trouve des interprétations des Yeux de ma mère.
En 2006 a lieu la sortie de l’album Tribute to Arno (putain, putain, une tribu pour Arno), où des artistes lui rendent hommage[12].
Par la suite, il enregistre un nouvel album, Jus de box, qui sort en , qui contient notamment Mourir à plusieurs[10]. L’année suivante, il sort également Covers Cocktail, une compilation de ses reprises, plus un inédit, I Want to Break Free de Queen.
Dernier album sorti de son vivant, Santeboutique, qu'il définit comme le fruit d'une prise de recul sur le passé[28], sort le .
Maladie et mort
En , Arno annonce reporter une série de concerts en France, Suisse et Pays-Bas en raison d'un cancer du pancréas diagnostiqué en [29],[30]. Il reprend la scène en [31].
En , après être allé au studio ICP d’Ixelles avec Sofiane Pamart, il sort l’album Vivre, au titre évocateur, sur lequel ce dernier l'accompagne au piano. En , son ancien comparse Paul Decoutere, qui ouvrait en ses trois concerts à l’Ancienne Belgique, meurt d’un cancer, à l’âge de 72 ans[13]. En , le site web de la salle de concert parisienne Le Trianon, où Arno devait se produire le , annonce que ce dernier annule tous ses concerts jusqu'à la fin de l’année. « Sur recommandation de ses médecins, il prend une pause de plusieurs mois pour se reposer et retrouver la forme » explique le communiqué[32]. À l'automne, sentant sa fin proche, il exprime le vœu d'encore enregistrer un album[33] et de donner ses derniers concerts à l'Ancienne Belgique et à Ostende[34]. Le , il donne son ultime spectacle à Ostende[35].
Il meurt le des suites de sa maladie[36],[37],[38], à l'âge de 72 ans. Conformément à son souhait, il est crématisé, et ses cendres sont répandues le 14 mai 2022 en mer du Nord au large d'Ostende[39].
2016 : Arno - Dancing Inside My Head : portrait intimiste réalisé par Pascal Poissonnier.
Autres collaborations
1986 : Arno compose et enregistre avec son groupe lors des sessions de son premier album un EP comprenant les morceaux I Don't Play The Game Your Way et Time It Was pour Reggie[46].
1995 : Arno interprète des titres de la version néerlandaise du film Toy Story de Pixar : Je bent een vriend van mij, Vreemde Dingen, Vliegen doe ik nooit et You've Got A Friend In Me.
↑Charles est son 2e prénom, Lulu est une référence à sa mère, dont c'était le surnom.
↑« De Gaulle disait qu'il avait qu'un rival international, Tintin. Moi j'ai un rival belge, le chanteur Arno. » (Jan Bucquoy, La vie est belge, [détail des éditions], p. 151).
↑« Sur cet album, vous utilisez l'anglais, le français, et même l'ostendais, c'est important pour vous de mélanger les langues ? — Rien n'est important. Je fais seulement des chansons. Je suis pas Jésus-Christ, j'écris pas la Bible. Je suis pas Karl Marx, je suis pas un intello. » (« Je fais des chansons avec une larme et un sourire », publié le samedi dans Victoire, p. 20-25 et le mardi dans Soir en Ligne).