Les timbres sont imprimés aux États-Unis pour servir en France libérée et représentent l'Arc de triomphe de l'Étoile à Paris. Leur conception fait l'objet de longues discussions entre le gouvernement provisoire de la République française et son homologue américain. Les vingt timbres de ces deux séries provisoires sont retirés de la vente dès le car ils ne correspondent plus aux tarifs d'affranchissement qui viennent d'être modifiés.
Genèse sur fond de rivalité franco-américaine
Bien avant la fin de la Seconde Guerre mondiale , le président américainRoosevelt prépare la mise en place de l'AMGOT (Allied Military Government of Occupied Territories, « gouvernement militaire allié des territoires occupés ») chargé d'administrer les pays ennemis occupés par les alliés ; la France en fait partie[N 1]. Parmi les dispositions prévues figure la mise en service de monnaie et de timbres postaux légendés « AMGOT » et partiellement libellés en anglais en remplacement de ceux en circulation[2].
Pour le général de Gaulle, dont les relations avec Roosevelt sont notoirement mauvaises, il est hors de question que la France soit considérée comme un pays occupé : il refuse la tutelle de l'AMGOT[3]. En définitive, cette administration militaire n'est pas mise en place en France en raison de l'installation rapide du gouvernement provisoire de la République française. Au terme d'âpres négociations conduites par Pierre Mendès France et après accord du gouvernement provisoire français, les timbres américains destinés à la France sont modifiés ; intégralement libellés en français, ils représentent l'Arc de triomphe de l'Étoile et portent les mentions « FRANCE » et « POSTES », la valeur faciale et la devise « LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ » ; dans l'incertitude sur le régime à venir en France, la légende « RÉPUBLIQUE FRANÇAISE » est écartée. Le sigle « AMGOT » ne figure pas[4].
Les timbres Arc de Triomphe, réalisés en deux séries, sont dessinés par William A. Roach d'après une photographie de la façade orientale du monument fournie par la bibliothèque municipale de Washington ; ils sont gravés par Charles A. Brooks, Axel W. Christensen, T. Vail et John S. Edmonson[5]. Conformément aux usages en vigueur aux États-Unis, aucun nom d'artiste ne figure sur les timbres.
Les timbres sont imprimés à Washington, D.C. par le Bureau de la gravure et de l'impression et acheminés en Grande-Bretagne, par caisses de 600 000 timbres, en attente du débarquement en France. L'opération a pour nom de code Borac[6],[5].
Les timbres sont imprimés par feuilles de cent en lithographie-offset ; les deux séries sont dentelées 11. Dans tous les cas, le fond du timbre est d'abord imprimé seul puis la feuille subit une seconde passe pour impression de la valeur, dans la couleur du timbre pour la première série, en noir pour la seconde. La dentelure est réalisée en deux passages, horizontalement et verticalement : beaucoup de timbres sont mal centrés et/ou possèdent des coins irréguliers. Chaque feuille est donc soumise à quatre opérations successives[7].
Première série
La première série Arc de Triomphe est officiellement mise en circulation le [8] ; la première utilisation connue de ces timbres monochromes date cependant du à Carentan[N 2] ; la mise à disposition des timbres dans les bureaux de poste français suit l'avancée des troupes américaines et la vente générale a lieu le [10].
Ces dix timbres sont rares sur lettre puisque leurs dix valeurs faciales (de 5 centimes à 10 francs) ne correspondent pas aux tarifs en vigueur, sauf pour les journaux (10 centimes), les imprimés (50 centimes), les lettres simples (1,50 franc dont le mot « franc » est incorrectement orthographié au pluriel) et les lettres pour l'étranger (4 francs)[11]. Les tirages s'échelonnent de 600 000 exemplaires pour le 10 f à 9 560 000 exemplaires pour le 1,50 f.
Seconde série
Pour mieux correspondre aux tarifs postaux, une seconde série de dix timbres est imprimée à partir du [12] et émise le . Elle se distingue de la première par ses valeurs faciales (de 30 centimes à 3 francs) et ses couleurs. La faute d'orthographe sur 1,50 franc est corrigée[13]. Les tirages s'échelonnent de 3 000 000 exemplaires pour le 2,40 f à 50 000 000 exemplaires pour le 1,50 f.
Cette seconde série n'est cependant pas plus courante sur lettre que la première car les tarifs sont à nouveau modifiés le . Ses timbres sont donc recherchés oblitérés sur lettres avant cette date : de nombreuses oblitérations de complaisance sont réalisées ultérieurement[13].
↑Dès l'entrée en guerre des États-Unis, quand Roosevelt prépare l'AMGOT, le seul gouvernement légitime à ses yeux en France est le régime de Vichy ; quand ce dernier rompt ses relations diplomatiques avec les États-Unis en 1942, la France devient, aux yeux de Roosevelt, un pays ennemi[1].
↑La ville est définitivement libérée le . Des courriers, portant des dates antérieures et postés à Paris, ont été présentés : ce sont des faux, l'avance des troupes américaines ne permettant pas que ces timbres soient alors disponibles dans la capitale[9].
↑Julian T. Jackson (trad. de l'anglais par Marie-Anne de Béru), De Gaulle: Une certaine idée de la France [« A Certain Idea of France: The Life of Charles de Gaulle »], Le Seuil, , 992 p. (ISBN978-2-0213-9631-7), p. 338-339.
↑ a et bJean-François Brun (dir.) et Annette Apaire, Le patrimoine du timbre-poste français, vol. I, Flohic, coll. « Le patrimoine des institutions », , 927 p. (ISBN978-2-8423-4035-3), p. 326.