Par sa mère, Anne d’Este était petite-fille de Louis XII, et de ce fait cousine d'Henri II. Son mariage la fit rentrer dans la toute puissante famille des Guise, et sa provenance italienne la liait de façon particulière à Catherine de Médicis.
Dès son arrivée, la jeune fille de 17 ans jouit donc d’une position prééminente à la cour. Devenue duchesse de Guise après la mort de son beau-père en 1550, Anne d’Este devint l’administratrice, avec sa belle-mère Antoinette de Bourbon, du patrimoine des Guise. Dans le même temps, la princesse jouait le rôle d’intermédiaire entre la cour de Ferrare et celle de France, où elle intercédait pour les affaires de son père. De son premier mariage elle eut sept enfants, dont quatre parvinrent à l’âge adulte.
En , son mari fut assassiné[1]. L’assassin Jean de Poltrot de Méré fut saisi et condamné à être écartelé. Anne d’Este essaya par tous les moyens de poursuivre juridiquement Gaspard de Coligny, chef des huguenots, qu’elle tenait pour responsable de l’attentat. Pendant trois ans, la veuve pressa le roi et ses juges de lui rendre justice, mais en le conseil du roi déclara Coligny innocent du meurtre et ordonna « silence perpétuel » en cette affaire. Nombreux furent ceux qui virent la vengeance de la veuve du duc de Guise dans le coup de feu qui ne rata la poitrine de Coligny que par miracle, au matin du , et qui fut le signal du départ des massacres de la Saint-Barthélemy. Il est néanmoins difficile de savoir quel rôle exact joua Anne d’Este dans cette affaire, et plus largement dans les massacres de la Saint-Barthélemy.
Second mariage
Le , à Saint-Maur-des-Fossés, Anne d’Este se remariait avec Jacques de Savoie-Nemours, duc de Nemours et de Genevois[2]. On disait à la cour que, malgré les années, elle était toujours aussi belle et avait conservé sa jeunesse. Jacques de Savoie avait été épris d'elle il y a fort longtemps et l'avait soutenue lors de la mort de son époux. À partir de cette date, elle passa la plus grande partie de son temps à Annecy, ou en voyages entre le Genevois et la cour de France.
Après la mort de son second mari, en 1585, la princesse vécut surtout à Paris, dans son hôtel dit hôtel de Nemours, localisé sur la rive gauche de la Seine, dans l’actuelle rue Séguier.
Princesse de la Ligue
Avec la formation de la Ligue catholique, dans laquelle ses fils jouèrent un rôle de premier plan, son importance politique augmenta considérablement. En , Henri III fit assassiner ses deux fils aînés au château de Blois[1] et elle-même fut emprisonnée[2].
Après sa libération dès , elle regagna Paris où elle joua un rôle actif dans l'organisation de la Ligue. Quelques-uns de ses contemporains la tenaient pour la commanditaire de l’assassinat du roi. Nommée « reine-mère » par la Ligue, la princesse fut l’une des figures principales de la capitale alors assiégée par les troupes d’Henri IV. Pendant cette période, elle occupait le palais de l'ancienne reine-mère Catherine de Médicis, siège du pouvoir et des soirées mondaines sous Henri III. Elle y résidait et y avait fait faire quelques travaux[3].
Dans la rivalité qui opposa ses deux fils Charles de Mayenne et Charles-Emmanuel de Savoie-Nemours, elle prit parti pour ce dernier et chercha à le faire libérer quand il fut emprisonné à Lyon par les autorités de la ville en 1593. Après la conversion au catholicisme d'Henri IV, elle le reconnut comme roi et tenta de convaincre ses fils rebelles d’en faire autant.
À sa mort, le [1], la valeur de ses biens mobiliers atteignait un peu plus de 4000 livres. Ses entrailles furent enterrées à Paris et son cœur dans le caveau des Guise à Joinville. Son corps fut transporté à Annecy, où il fut enterré à côté de celui de son second mari. Aucune de ces sépultures n’a été conservée.
Importance
À bien des égards, Anne d’Este représente le type même de la femme de la haute aristocratie de la seconde moitié du XVIe siècle. Comme la plupart des princesses de son temps, elle gère un important patrimoine, arrange les mariages et les carrières de ses enfants, intercède à la cour pour ses protégés, et entretient une correspondance assidue avec la noblesse européenne. Le pouvoir d’Anne d’Este reposait sur l’efficacité de ses réseaux, et surtout ses relations avec sa mère et sa belle-mère, mais aussi avec les reines successives, la reine-mère et les grandes princesses du royaume.
Sa situation dans la tourmente des guerres de religion ne diffère pas non plus beaucoup de celles de beaucoup d’autres princesses. Sa mère était calviniste, et son père, ses maris et ses fils furent tous des catholiques plus ou moins radicaux. Pour la princesse, comme pour beaucoup de ses contemporains, les liens familiaux et les réseaux de relations étaient au moins aussi importants que les convictions religieuses.
Anne d’Este bénéficiait également d’un statut spécial à la cour de France, en sa qualité de petite-fille de Louis XII. Ce sont ses procès qui le font apparaître. La noblesse française menait une multitude de procès, même pour des causes mineures. Mais quand Renée de France et sa fille disputèrent la moitié de la Bretagne au roi, elles le firent en tant que fille et petite-fille d’un roi de France, et Anne d’Este agit de la même façon dans ses propres actions de justice. Elle en jouait si bien que, même si elle perdait un procès, le roi et ses juges se voyaient contraints de consentir à des compromis très favorables pour elle.
↑Christiane Coester, Livre de comptes d’Anne d’Este de l’année 1593, Paris, Cour de France.fr, 2009. Document inédit publié en ligne le 3 mai 2009 (http://cour-de-france.fr/article998.html).
Annexes
Bibliographie
Christiane Coester, Schön wie Venus, mutig wie Mars. Anna d’Este, Herzogin von Guise und von Nemours (1531–1607). Munich: Oldenbourg, 2007. (ISBN978-3-486-58028-0)
Huguette Leloup, Anne d’Este (1531–1607). Fille aînée de Renée de France, Duchesse de Guise puis duchesse de Nemours, Dame de Montargis. Édition spéciale du Bulletin de la Société d’Émulation de l’Arrondissement de Montargis, sér. 3, 119, 2002.
Jessica Munns, Penny Richards, « Exploiting and destabilizing Gender Roles: Anne d’Este», in French History, 6, 1992, p. 206–215.
Dora Polachek, « L’affaire de Guise : Anne d’Este et la politique de la lamentation maternelle », Dans les miroirs de l’écriture. La réflexivité chez les femmes écrivains d’Ancien Régime, Actes du colloque de Montréal (1997), dir. J.-Ph. Beaulieu et D. Desrosiers-Bonin, Montréal, Université de Montréal, 1998, p. 73-81.
Matteo Sanfilippo, « Article: Este, Anna d’ », in Dizionario biografico degli Italiani, vol. 43, Rome: Istituto della Enciclopedia Italiana, 1993, pp. 315–320.
Éliane Viennot, « Des « femmes d’État » au XVIe siècle : les princesses de la Ligue et l’écriture de l’Histoire », in D. Haase-Dubosc & É. Viennot (dir.), Femmes et Pouvoirs sous l’Ancien Régime, Actes du colloque de Paris, , Paris, Rivages, 1991, p. 77-97.
Eliane Viennot, « « Veuves de mère en fille au XVIe siècle : le cas du clan Guise », in N. Pellegrin & C. Winn (dir.), Veufs, Veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime, Paris, H. Champion, 2003, p. 187-198.
Sources primaires
Marc-Claude de Buttet (1530-1586), gentilhomme et poète savoisien (XVIe siècle) : « Sur la venue de très illustre princesse Anne d'Este, duchesse de Nemours et Genevois, en sa ville d'Annessi ». Édition François Pomar aîné, Chambéry, 1566.
Pierre Matthieu, La Guisiade (1589). Édition établie par Louis Lobbes. Genève, Droz, 1990. (ISSN 0257-4063)
Severin Bertrand, Oraison funebre sur le trespas de tres-haulte, tres-illustre et tres-vertueuse Princesse Anne d’Est’, Duchesse de Chartres, de Guyse, Nemours, Genevois, &c. Paris 1607.
Le sieur de La Palud, Discours funebre sur la mort de tres-Illustre Princesse Anne D’est Duchesse de Genevois, Nemours, Chartres, &c. Chambery (1609).
Francesco Agostino della Chiesa, Theatro delle donne letterate, con vn breve discorso della preminenza, e perfettione del sesso donnesco. Mondovi 1620.
Hilarion de Coste, « Anne d’Est ou de Ferare, Duchesse de Guise & de Nemours », in Id., Les éloges et vies des reynes, princesses, dames et damoiselles illustres. Paris 1630, p. 32–37.
Christiane Coester, Livre de comptes d’Anne d’Este de l’année 1593, Paris, Cour de France.fr, 2009. Document inédit publié en ligne le (http://cour-de-france.fr/article998.html).
Liens externes
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