Hippolyte Léon Denizard Rivail naît à Lyon en 1804, troisième d'une fratrie de quatre enfants. Son père, Jean Baptiste Antoine Rivail (1759-1834), est avocat. Celui-ci épouse en 1793 Jeanne Louise Duhamel, dont le père est également avocat et notaire royal. Le couple a trois autres enfants, les deux aînés morts en bas âge, Auguste (1796-1802) et Marie (1799-1801), puis une sœur puînée, Isaure[8], née en 1806 et dont on ignore le devenir. Le couple semble se séparer en 1807, sans toutefois divorcer[9].
Le jeune Rivail va à l'école primaire locale jusqu'à ses dix ans, mais sa famille l'envoie terminer ses études à l'étranger, à l'abri des troubles de la fin du Premier Empire.
Il devient interne au château d'Yverdon, au bord du lac de Neuchâtel, dans l'institut créé par le pédagogue Johann Heinrich Pestalozzi, qui met alors en pratique les principes de l’Émile de Rousseau. Dans cette école mutuelle, il apprend avec d'autres jeunes gens de la bonne société européenne. Il parle plusieurs langues vivantes, comme l'anglais, l'allemand et le néerlandais.
Vers 1850, il est régisseur de spectacles d'illusion au carré Marigny, sous la direction du physicien-prestidigitateur Henri Lacaze. Il est également administrateur et contrôleur du théâtre des Funambules et du théâtre des Délassements-Comiques où le public l’appelle familièrement « Le Père Rivail »[réf. nécessaire]. En 1853, il dirige, à Paris, un grand magasin d’articles de contremarques, sous l'enseigne « Bazar des Bons Marchés », au capital de deux millions. Entre 1854 et 1857, il est employé aux livres de comptes dans l'établissement Pélagaud, éditeur-libraire de Livres de dévotion catholique et dans le journal L'Univers du polémiste catholique Louis Veuillot[réf. nécessaire].
Il est au début de sa vie un pédagogue disciple de Johann Heinrich Pestalozzi. Il fait venir en France ses idées et son type d'école. En 1820, il s'installe à Paris et ouvre en 1824, au 35 de la rue de Sèvres, un cours privé fondé sur les méthodes de Pestalozzi. Il publie de nombreux ouvrages de pédagogie, dont l'ouvrage Plan proposé pour l'amélioration de l'éducation publique[10], soutenu par Ampère, son compatriote lyonnais, qui reçoit un prix de l'Académie royale d'Arras en 1828.
En 1832, il épouse Amélie Boudet, une institutrice qui travaille avec lui dans son école et dans la poursuite de son œuvre pédagogique. Lorsque l'école doit fermer pour des raisons financières, Léon Rivail traduit des textes allemands et publie des manuels pour gagner sa vie. Il continue à donner des cours, gratuitement, de chimie, physique, anatomie et astronomie.
C'est en pédagogue positiviste qu'il est sollicité pour superviser des séances de tables tournantes. Et c'est exclusivement sous son vrai nom qu'il publie ses manuels de pédagogie[11].
Le spirite
Il découvre ainsi les tables tournantes (pratique venue des États-Unis) en , à l'occasion d'une séance à laquelle un magnétiseur du nom de Fortier l'a fait assister. Il renouvelle l'expérience dans des cercles parisiens aux côtés de Victorien Sardou[12]. Plus tard, il lui est demandé de mettre de l'ordre dans les communications reçues de divers esprits lors de séances. En outre, il converse, par le biais de différents médiums, avec toutes sortes d'esprits ; et il en définit une philosophie, qu'il intitule spiritisme, qu'il diffuse par écrit dans Le Livre des Esprits (1857), Le Livre des médiums (1861) et L'Évangile selon le spiritisme. C'est à cette époque qu'il publie sous le pseudonyme d'Allan Kardec, nom qui viendrait d'une vie antérieure durant laquelle il était druide[6].
Kardec produit ainsi les cinq livres fondamentaux du spiritisme, continuellement réédités jusqu'à nos jours. Il fonde également La Revue spirite, encore publiée aujourd'hui, dans plusieurs langues.
Selon Allan Kardec : « L'homme n'est pas seulement composé de matière, il y a en lui un principe pensant relié au corps physique qu'il quitte, comme on quitte un vêtement usagé, lorsque son incarnation présente est achevée. Une fois désincarnés, les morts peuvent communiquer avec les vivants, soit directement, soit par l'intermédiaire de médiums de manière visible ou invisible » (Le Livre des Esprits).
Mort
Allan Kardec meurt d'un anévrisme en 1869 en laissant des textes en cours d'écriture. Un sixième livre, dont le titre provisoire était Les Prévisions concernant le spiritisme, est également retrouvé. Tous ces travaux inachevés sont regroupés par l'éditeur Pierre-Gaëtan Leymarie quelques années plus tard et édités sous le titre Œuvres posthumes.
Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (44e division), à Paris ; son épouse, morte en 1883, y est également inhumée. Sur le frontispice au-dessus de sa tombe en forme de dolmen (certains de ses disciples la prennent comme modèle pour leur propre tombe) et de son buste en bronze poli sculpté par Paul-Gabriel Capellaro, est gravé le postulat de la doctrine : « Naître, mourir, renaître encore et progresser sans cesse, telle est la Loi ». Sur la stèle soutenant le buste, on lit : « Tout effet a une cause, tout effet intelligent a une cause intelligente, la puissance de la cause est en raison de la grandeur de l’effet ». C'est Camille Flammarion qui prononce son éloge funèbre et affirme, comme Kardec, que « le spiritisme n'est pas une religion, mais c'est une science… ».
Le 2 juillet 1989, vers quatre heures du matin, sa tombe fait l'objet d'un attentat à l'explosif revendiqué par le « mouvement pour la suprématie de la raison »[13]. Sa tombe au cimetière du Père-Lachaise reste un lieu de recueillement, elle est l'une des plus fleuries et des plus visitées du cimetière[14]. Des médiums et des adeptes de divers courants spirituels viennent régulièrement chercher l'inspiration sur le buste d'Allan Kardec[14] réputé pouvoir exaucer tous types de vœux[15].
Postérité
La tombe sur une photographie ancienne (à gauche) et de nos jours (à droite).
Au niveau mondial, le Conseil spirite international fédère les organisations nationales. Il est propriétaire des droits sur La Revue spirite, celle-là même fondée par Kardec, qui est son organe officiel. Diverses webradios portent son nom, comme Radio Kardec en Belgique.
À travers le monde, plusieurs centaines de centres spirites et d'association portent aujourd'hui le nom d'Allan Kardec, ou de spirites lui ayant succédé (comme Gabriel Delanne, Léon Denis, Chico Xavier), et perpétuent son enseignement, principalement au Brésil[16] et plus largement en Amérique latine, mais aussi en France, pays historique du spiritisme.
De nos jours, il est l'un des auteurs français les plus lus dans ce pays[23], notamment en raison du caractère religieux du spiritisme dans le pays[16],[23].
En 2000, six millions de personnes s'y déclarent spirites[24] pour 3,8 millions d'adhérents et 20 millions de syncrétistes[16],[23]. Ainsi, en 2015, un spirite sur trois dans le monde était brésilien, affirme le Pew Research Center. Depuis 2008, une web TV spirite, TVCEI (devenue FEBtv(pt)), diffuse des programmes promouvant le spiritisme en portugais[16].
Aujourd'hui, des rues, des places et même des écoles sont baptisées du nom d'Allan Kardec [25],[26]. Son nom est aussi utilisé pour nommer des centres spirites, de même que son portrait est utilisé lors d'évènements à caractères spirites.
Timbre brésilien de 1969 (centenaire de la mort d'Allan Kardec).
Timbres et cachets postaux commémorant la naissance d'Allan Kardec et l'Evangile selon le spiritisme.
Sa vie influence également la culture au Brésil. En 2007 une pièce de théâtre traitant de sa vie est créée[29],[30]. À l'occasion du 150e anniversaire de sa mort en 2019, le biopic brésilien KARDEC sort dans les salles brésiliennes et sur Netflix, avec Leonardo Medeiros dans le rôle d'Allan Kardec.
Publications
Œuvres pédagogiques
D. H. L. Rivail, rédigea plusieurs manuels scolaires[31], dont voici :
H.-L.-D. Rivail, Cours pratique et théorique d'arithmétique, d'après la méthode de Pestalozzi, Paris, Pillet Ainé, (réimpr. 1845, 1847) (lire en ligne), Paris
H.-L.-D. Rivail, Plan proposé pour l'amélioration de l'éducation publique : couronné par l'Académie Royale d'Arras, Paris, Dentu, (lire en ligne [PDF])
H.-L.-D. Rivail, Mémoire sur l'instruction publique adressé à MM. les membres de la commission chargée de réviser la législation universitaire, Paris, publication à compte d'auteur,
H.-L.-D. Rivail, Grammaire française classique sur un nouveau plan. 1re partie, Paris, Hachette,
H.-L.-D. Rivail, Programme des études selon le plan d'instruction de H.-L.-D. Rivail. 1er cahier. Enseignement primaire, Paris, publication à compte d'auteur,
H.-L.-D. Rivail, Solutions raisonnées des questions et problèmes d'arithmétique et de géométrie usuelle proposés dans les examens de l'Hôtel de ville et de la Sorbonne, Paris, Pillet aîné,
H.-L.-D. Rivail, Projet de réforme concernant les examens et les maisons d'éducation des jeunes personnes, suivi d'une proposition touchant l'adoption des ouvrages classiques par l'Université, au sujet du nouveau projet de loi sur l'enseignement, Paris, publication à compte d'auteur,
H.-L.-D. Rivail, Catéchisme grammatical de la langue française, Paris, C. Borrani, (réimpr. 1868) (lire en ligne)
D. Lévi Alvarès et H.-D.-L. Rivail, Grammaire normale des examens, Paris, C. Borrani et Droz, (réimpr. 1856, 1860, 1862, 1867, 1872, 1876, 1880, 1883) (lire en ligne)
H.-L.-D. Rivail, Dictées du premier et du second âge, Paris, Borrani et Droz, (réimpr. 1862, 1876) (lire en ligne)
D. Lévi Alvarès et H.-L.-D. Rivail, Dictées normales des examens, Paris, Borrani et Droz, (réimpr. 1859, 1863, 1867, 1876, 1879)
Allan Kardec, Œuvres posthumes (recueil de textes inédits publiés après sa mort,) (1re éd. 1890) (lire en ligne sur Gallica)
Notes et références
↑Encyclopédie Larousse couleur en 22 volumes, Paris, France Loisirs, :
« Kardec (Léon Hippolyte Denizard RIVAIL, dit Allan) spirite français (Lyon 1804 - Paris 1869). Dans ses nombreux ouvrages (Le Livre des Esprits, 1857 ; Le livre des médiums, 1861), il s'efforça à la fois de promouvoir et de codifier le spiritisme »
« Kardec Allan, de son vrai nom Hippolyte Léon Denizard Rivail (1804-1869). Cet instituteur catholique publia en 1857 Le livre des Esprits (E. Dentu, Paris), où il codifie une nouvelle doctrine appelée « spiritisme ». »
↑Ce terme de « codificateur » est systématiquement repris dans toutes les biographies imprimées et sur la totalité des sites spirites francophones. Ce terme est également inscrit sur le Mémorial Allan Kardec à Lyon.
↑Jean Prieur, Allan Kardec et son époque, éditions du Rocher, Monaco, 2004.
↑Sur l'acte de mariage Rivail - Boudet, en 1832, il est inscrit que le père du marié "Jean Baptiste Antoine Rivail est absent sans nouvelle". Les différentes biographies spirites le disent disparu pendant la campagne d'Espagne de 1807. En réalité, il mourra à Périgueux en 1834 comme l'attestent les archives (Périgueux, décès 1834, acte no 196 vue 57/141).
↑Guillaume Cuchet, Les Voix d'outre-tombe. Tables tournantes, spiritisme et société au XIXe siècle, éd. du Seuil, coll. « L’Univers historique », , 458 p. (présentation en ligne)
↑Jean Vartier, Allan Kardec : la naissance du spiritisme, Hachette, (BNF35173334), p. 114
↑« Au Père-Lachaise, attentat anti-spirite », Le Monde, , p. 18 (lire en ligne)
↑Emma Gobin, « Le triomphe des croyances. Catholiques et spirites autour de la tombe d’Allan Kardec », Terrain, no 45, (lire en ligne)
↑ abcd et e(pt-BR) « Como Allan Kardec popularizou o espiritismo no Brasil, o maior país católico do mundo », BBC News Brasil, (lire en ligne, consulté le )
↑Sulyac, « Orphelinat Allan Kardec : Un heureux évènement », La Revue Spirite, , p. 88-89 :
« l’Orphelinat Allan Kardec, de Lyon, vient de prendre une nouvelle extension par suite de son installation dans un vaste domaine de la région méridionale. [...]
Depuis le 10 octobre, l’Orphelinat est installé au domaine de Caraguilhes [...]
En faisant installer l’Orphelinat au Château de Caraguilhes, M. Jean Meyer, qui réalise les projets qu’Allan Kardec avait formulés et incarne les pensées du Maître, a voulu ajouter aux institutions qu’il a fondées, un Centre d’œuvres spirites sociales et philanthropiques, dont l’Orphelinat peut être considéré comme le premier fondement. »
↑Hubert Forestier, « Le Spiritisme bienfaisant : L'orphelinat Allan Kardec », La Revue Spirite, , p. 42-44 :
« Depuis un an, l'Orphelinat Allan Kardec est, comme nous l’avons annoncé, installé au domaine de Caraguilhes. »
↑Marion Aubrée, « La nouvelle dynamique du spiritisme kardéciste », dans Les nouveaux mouvements religieux, Paris, CNRS, , 595 p. (lire en ligne)
« En effet dans ce pays (Brésil) où l'on estime à six millions le nombre de spirites pratiquants et à vingt millions celui des sympathisants, le kardécisme [...] s'est beaucoup diffusé [...]. »
↑« Allan Kardec célébré au Brésil », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ) :
« Le timbre, imprimé à 810 010 exemplaires, aux couleurs jaune et vert du Brésil, a bénéficié d'une présentation en France lors du 4e Congrès spirite mondial [...] à Paris. »
↑Françoise Parot (Université Paris 7), « Honorer l'incertain : la science positive du XIXe siècle enfante le spiritisme », Revue d'histoire des sciences, Paris, no 57, , p. 33-63 (lire en ligne).
Nicole Edelmann, « RIVAIL Léon, dit Allan KARDEC », dans Xavier de Montclos (dir.) et al., Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. 6 : Lyon : le Lyonnais - le Beaujolais, éditions Beauchesne, (ISBN978-2-7010-1305-3, DOI10.14375/NP.9782701013053), p. 369-370.
Jean-Pierre Chantin (dir.) et al., Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. 10 : Les marges du christianisme : "sectes", dissidences, ésotérisme, Paris, éditions Beauchesne, (ISBN2-7010-1418-2), « Rivail Hyppolyte-Léon-Denizard (H.L.D. Rivail) », p. 206-207.
Xavier de Montclos (dir.) et al., Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. 6 : Lyon : le Lyonnais - le Beaujolais, Beauchesne, (ISBN978-2-7010-1305-3, DOI10.14375/NP.9782701013053), « RIVAIL Léon, dit Allan KARDEC », p. 369-370.
Patrice Béghain, Bruno Benoit (dir.), Gérard Corneloup et Bruno Thévenon, Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, Ed. Stéphane Bachès, (ISBN978-2-915266-65-8, BNF42001687), article sur Allan Kardec.
Françoise Parot, « Heureux comme l’esprit en France », dans L’Esprit en héritage. D’où vient l’esprit qui hante la psychologie ?, Paris, Éditions Matériologiques, coll. « Essais », (lire en ligne), p. 131-146.