Après plusieurs années passées à l'ultra-gauche, il crée en 1989 la revue Revision, où il fait preuve d'un négationnisme et d'un antisémitisme exacerbés.
En , alors qu'il est élève du lycée Jean-Baptiste-Say, impliqué dans une rixe au sein avec des militants d'extrême droite, il est brièvement incarcéré à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, ce qui provoque de nouveaux remous[2] : après que 2000 lycéens se sont réunis aux cris de « Libérez Guionnet ! » et l'organisation de « diverses réunions de protestation »[3], plusieurs établissements parisiens se mettent en grève[4],[5] ; il est relâché après dix jours derrière les barreaux[3],[6] ; l'année suivante, son exclusion définitive du lycée entraîne de nouvelles protestations[7].
Au début des années 1980[8], il entre en contact avec Robert Faurisson, avec qui il correspond[15]. En 1986, il diffuse à l'université Paris-VI son premier tract, contre la circoncision, signé « Aigle noir »[8]. En , il fonde, avec Xavier Valla (secrétaire) et Didier Diers (trésorier), l'Association contre la mutilation des enfants (AME)[16] L'AME se propose d'exposer les conséquences « néfastes de la circoncision sur les nouveaux-nés [sic] » et diffuse régulièrement une feuille, Article 312[17],[18]. Gérard Zwang serait son éminence grise (c'est lui qui décerne les prix littéraires de l'AME).[réf. nécessaire]Guionnet quitte la présidence de l'association en 1991.[réf. souhaitée]
Dans le même temps, il continue ses distributions de tracts, toujours signés « L'Aigle noir » mais à présent négationnistes, notamment dans la périphérie de Lyon à l'occasion du procès de Klaus Barbie[34],[27]. Il présente Revision lors de fêtes du Front national[35], ainsi celle des Bleu-blanc-rouge 1990, où il salue Jean-Marie Le Pen[36]. Cette même année, à l'occasion de sa première condamnation judiciaire en mars, il reçoit le soutien de François Brigneau dans National-Hebdo[37],[38],[31],[39] — journal qui accueille par ailleurs des encarts publicitaires pour Revision[40].
En 1991, il est interrogé par Serge Moati dans son documentaire La Haine antisémite, diffusé sur TF1[41],[42]. S'éloignant de Robert Faurisson et Henri Roques, il commence à cette époque à se réclamer avec Olivier Mathieu du « post-révisionnisme »[43],[44],[45], qui devient « une nouvelle génération » de négationnistes, « plus virulente »[19] et se revendiquant ouvertement du néofascisme[46].
Guy Birenbaum cite sa revue Revision parmi les publications négationnistes importantes[38]. Pour Jean-Yves Camus, il s'agit du « plus extrême des organes négationnistes antisémites », qui « témoigne surtout des obsessions de son fondateur »[47]. Le même auteur souligne que la revue « se caractérise par un antisémitisme obsessionnel et ordurier » et que sa lecture « suscite des doutes sur l'équilibre mental des collaborateurs »[26]. Le psychiatre Michel Erlich a parlé à son propos d'« antisémitisme délirant »[48]. Stéphane François range Guionnet dans la catégorie des complotistesparanoïaques qui « expliquent leurs malheurs par l'existence d’un complot juif visant à les faire taire », et souligne que dans son cas « l'aspect pathologique n’est pas à négliger »[49].
Les écrits de Guionnet repoussent régulièrement les limites de la provocation, et Revision, qui se proclame « seul journal antijuif »[25], multiplie les titres du type « Les coupeurs de verge à la grande vergue ! », « Salut Hitler ! », « L'argent n'a pas d'odeur... Mais le juif en a une ! »[31] ou les articles consacrés à la circoncision[50]. La revue tourne essentiellement autour de la figure de son fondateur, allant jusqu'à publier une interview d'« Attila Lemage » par « Jacques Moulin », l'un et l'autre étant des pseudonymes de Guionnet[51]. Elle est initialement diffusée en kiosque[31] dans les grandes villes, à deux mille exemplaires[52]. En , un an après sa création, elle est interdite de vente aux mineurs, d'affichage et de toute forme de publicité[52]. Elle n'est plus ensuite diffusée que par abonnements et dans certaines librairies d'extrême droite[52], comme L'Æncre[53] ou la librairie Ogmios[25]. Roland Gaucher et Philippe Randa écrivent en 2001 que chaque numéro du journal « fait en général l'objet d'une mise en examen » d'Alain Guionnet[54].
Diverses figures du négationnisme, comme Robert Faurisson ou Henri Roques, prennent assez rapidement leurs distances avec lui ; Roques dit le considérer comme un « cas un peu pathologique »[55] et Faurisson, dans un entretien accordé à Valérie Igounet, se contente de déclarer : « Alain Guionnet, c’est un alcoolique. Je n’ai rien à ajouter »[56]. Le dernier numéro de Revision paraît en 2009[57].
Le , il organise à Paris, avec Jean Plantin, une manifestation « pour la défense de la liberté d'expression », en soutien aux négationnistes allemands, belges et suisses poursuivis dans leur pays ; il s'agit selon Jacques Leclercq d'« une première en Europe », mais elle est interdite et ne se tient finalement pas[58].
Condamnations
Alain Guionnet fait l'objet de multiples poursuites et condamnations, tant pour ses articles que pour les autocollants à caractère négationniste et/ou antisémite qu'il appose dans des lieux publics[31]. Après avoir été relaxé des chefs de « diffamation » et d'« injures raciales » en 1989[59], il est condamné à trois reprises (1990, jugement confirmé l'année suivante[60],[61],[62],[63], 1993[64] et 1994) à des peines de prison ferme pour « contestation de crimes contre l'humanité », et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales et diffamation raciale »[65]. En 1997, il est condamné pour « diffamation envers la mémoire des morts »[66].
« Jacques Moulin », Le Mode de production des hommes-plantes, Issy-les-Moulineaux, A. Guionnet, , 177 p. (BNF36601252).
« L'Aigle noir », Josef Kramer contre Josef Kramer : mémoire en défense, Paris, Polémiques, , 151 p. (ISBN2-906407-02-X).
« Attila Lemage », Manifeste antijuif : du 10e siècle avant notre ère à nos jours, le combat des Titans, Issy-les-Moulineaux, Libre parole-A. Lemage, , 73 p. (BNF35476667).
Préfaces
Friedrich Engels (trad. de l'allemand, préf. « Jacques Moulin »), La Campagne pour la constitution du Reich allemand : 1850 [« Die Deutsche Reichsverfassungskampagne »], Paris, J. Moulin, , 147 p. (BNF34690626).
↑Jean-Christophe Attias, « Conférence de M. Jean-Christophe Attias », Annuaire de l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses, vol. 116, no 112, , p. 168 (lire en ligne).
↑Esther Benbassa, « Conférence de Mme Esther Benbassa », Annuaire de l'Éole pratique des hautes études, section des sciences religieuses, vol. 116, no 112, , p. 180 (lire en ligne).
↑Jean-Yves Camus et René Monzat, Les Droites nationales et radicales en France : répertoire critique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, , 526 p. (ISBN2-7297-0416-7), p. 354.
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Annexes
Bibliographie
« Le « post-révisionnisme », une dénonciation exacerbée du « pouvoir juif », dans Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Le Seuil, coll. « XXe siècle », (ISBN2-02-035492-6), p. 548-561.