On attribue la fondation de l'église, placée sous le vocable de Germain d'Auxerre, à Roger de Barneville, mort en 1096[1] au cours de la première croisade, mais elle pourrait avoir été construite par son fils, Jourdain Ier de Barneville, vers 1150[1],[note 2]. Une charte de cette époque nous apprend que Jourdain Ier donne des terres en alleux (allodiis de novo burgo apud Barnevillam), ce qui entraîna sans aucun doute une augmentation de la population du bourg et par voie de conséquence le besoin d'agrandissement de l'église. L'église est donnée à l'abbaye de Grestain par Robert de Mortain († 1091), demi-frère de Guillaume le Conquérant. Robert donna, en plus des dîmes et du droit de patronage de l'église, quelques pièces de terres qui furent constitués en fief connu jusqu'à la Révolution sous le nom de fief de Grestain. C'est l'abbé de Grestain, qui nomme à la cure, perçoit les deux tiers des dîmes et sur son fief, des rentes en argent, grains, œufs et oiseaux. Le seigneur de Barneville n'est que patron honorifique[2].
Dès la première moitié du XVe siècle, le point fortifié du bourg est la tour de l'église, car l'ancien château à motte de Roger de Barneville ne devait plus avoir grande valeur stratégique[3].
En 1657 ou 1658, François Pitteboult, écuyer, seigneur de Graffard, trésorier de la paroisse, époux de Charlotte Thomas, inhumée dans l'église, donne une rente foncière de 7 livres pour l'entretien de la chapelle Saint-Sébastien[7].
Le , la déclaration de la cure faite par le curé Pierre Le Cannellier précise : « le domaine (du bénéfice cure) consiste au manoir presbytéral dudit lieu à usage de salle… ». Le revenu annuel de la cure est en 1692 de 350 livres[2].
Entre 1891 et 1893, l'édifice a fait l'objet de grands travaux, sous l'autorité de l'abbé Victor Louis Hamelin, curé doyen de Barneville[8].
Description
L'église Saint-Germain de Barneville, normalement orientée, est-ouest, adopte un plan rectangulaire sans transept à deux élévations : arcades et fenêtres hautes[9]. La nefromane du 2e quart du XIIe siècle à collatéraux[10], arbore de grandes arcades moulurées de bâtons brisés et de frettes décorées de chapiteaux à décor historié : Daniel dans la fosse aux lions, baptême du Christ, la punition de l'avare en enfer[note 5], une scène de crime qui peut être interprété comme le meurtre d'Abel par Caïn[note 6], ainsi qu'un bestiaire varié, lions, griffons, dragons, quadrupède, oiseaux, serpents, et des motifs simples, végétaux, entrelacs, godrons (feuillages qui sortent de la commissure des lèvres d'un masque), galons perlés, cannelages [note 7], volutes, masques, avec des tailloirs ornés de palmettes ou d'une frise végétale[4],[note 8]. Elle est composée de cinq travées, quatre de plan barlong, et la cinquième, celle précédant le chœur, de plan carré, qui ont été couvertes en croisée d'ogives en 1891[1]. Avant cette date, la nef devait probablement être couverte par une charpente[9] et un plafond plat. Le porche d'entrée ouest date également de 1891[1], et est un pastiche du porche roman conservé dans le bas-côté nord. Le chœur a été refait au XIXe siècle[10].
L'église, comme beaucoup d'églises situées sur la côte du Cotentin, possède une tour carrée remontant au XIIe siècle, rehaussée et fortifiée au XIVe siècle[1] pendant la guerre de Cent Ans, appuyée ici sur le côté sud. On retrouve notamment ce type de clocher-tour à Portbail, La Haye du Puits ou Saint-Germain-sur-Ay. La tour est couronnée de mâchicoulis sur arc[note 9] s’appuyant sur des corbeaux réemployant des éléments de sarcophages dont on peut encore distinguer le décor. On y trouve une salle de garde pourvue d'une cheminée et elle est percée de trous de fusil. On y accède par une porte située dans la cinquième travée de la nef. La tourelle d'escalier ne datant que de 1726[1]. Entièrement reprise au XVe siècle, la base de la tour a conservé des parements en opus spicatum[11], ce qui laisse supposer, tout comme son vocable ancien, à l'existence d'une église pré-romane.
La chapelle près du chœur, côté sud, a été couverte au XVe siècle d'une voûte sur croisée d'ogives et sa fenêtre a été agrandie au XVIIe siècle. On peut encore voir la moitié de la porte, bouchée à la suite de la construction en 1726 de la tourelle d'escalier, par laquelle entrait le seigneur sur le mur extérieur près du clocher. Le bas-côté sud a été reconstruit lors de la grande campagne de travaux de 1890. La chapelle des seigneurs de Graffard, côté nord, dédiée à saint Sébastien[note 10], voutée sur croisée d'ogives, peut être datée de la première moitié du XVIe siècle[1]. Le bas côté nord a été rétabli au XVIIe siècle. Les vitraux des bas-côtés illustrent la vie de saint Germain d'Auxerre.
Le , fut inhumé dans le chœur, Jean Pitteboult, écuyer, seigneur de Graffard. Sa veuve, dame Jeanne des Fontaines († 1666), par contrat passé le , devant Baratte, « donne à l'église de Barneville une rente de 21 livres pour célébrer une messe à notes tous les mardis en l'honneur de la Sainte Vierge et de sainte Anne, à son intention, à celles de son mari et de Pierre de Pitteboult (le frère de ce dernier), seigneur de Saint-Georges. » Ces messes devaient être chantées dans la chapelle Saint-Sébastien qui avait été fondée et érigée dans l'église de Barneville par le « prédécesseur de ladite dame », noble homme Charles Labley (ou Labbé)[7].
Le , toujours dans le chœur, sera inhumée Charlotte Thomas épouse de François Pitteboult, seigneur de Graffard[7].
François Pitteboult (-), écuyer, seigneur de Sortosville-en-Beaumont, et époux de Charlotte-Françoise du Saussey, mort sans postérité sera à son tour inhumé dans le chœur le [7]. Le , c'est Madeleine de Cussy, mère de Pierre-Georges-François-Robert-Pitteboult, décédée au château d'Écausseville qui fut inhumée à l'entrée du portail de l'église. Le , Madeleine Pitteboult, épouse de Jean-Baptiste-François Rossignol, décédée en novembre au château d'Écausseville, sera inhumée par le curé de Saint-Georges-de-la-Rivière au haut de la nef, en « présence d'un grand nombre d'ecclésiastiques et d'une très grande affluence de peuples »[15].
Le , fut inhumé, par le curé du Rosel, dans le chœur de l'église, le corps du seigneur de Graffard, Pierre-Georges-François Pitteboult (° ), époux d'Anne-Catherine de Hennot du Rosel († 22brumairean IV ()), en présence d'un grand nombre d'ecclésiastiques[16].
Notes et références
Notes
↑Au sud de l'église devait probablement se situer une grande basse-cour ou un petit parc seigneurial.
↑L'examen archéologique ne permet pas de faire remonter la construction de l'édifice au-delà du milieu du XIIe siècle[2].
↑Robert Blondel est alors partisan du roi de France[4].
↑On retrouve ce motif bien au delà de la Normandie, notamment dans l'art roman auvergnat (Saint-Nectaire et Thuret).
↑Sur ce chapiteau, un personnage se tient debout avec un bonnet pointu (ce qui représente un oriental dans la sculpture romane), tue un homme, et un serpent commence à le dévorer par le bras pour le punir.
↑Maylis Baylé, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les date des environs de 1040. Elle a par ailleurs démontré l'existence au cours de la première moitié du XIIe siècle « d'un atelier de sculpteurs, sans doute liés à un atelier de maçons itinérants cheminant de chantiers en chantiers pendant une trentaine d'années entre Tollevast, Réville, Martinvast, Bricquebec, Portbail, Barneville… ».
↑On retrouve l'arc arrondi au-dessus du mâchicoulis, variante locale dans l'architecture médiévale militaire à la La Haye-du-Puits et à Portbail[4].
↑On l'invoquait lors des grandes épidémies de peste et autres maladies.
↑ a et bBernard Beck (photogr. Bernard Pagnon), Quand les Normands bâtissaient les églises : 15 siècles de vie des hommes, d'histoire et d'architecture religieuse dans la Manche, Coutances, Éditions OCEP, , 204 p. (ISBN2-7134-0053-8), p. 123.
↑ ab et cNorbert Girard et Maurice Lecœur, Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Éditions Isoète, , 296 p. (ISBN978-2-913920-38-5), p. 54.
↑Julien Deshayes, « L'église Saint-Pair de Digulleville et sa tour clocher préromane », Vikland, la revue du Cotentin, no 32, février-mars-avril 2020, p. 31 (ISSN0224-7992).
↑René Gautier et al. (préf. Jean-François Le Grand, postface Danièle Polvé-Montmasson), 601 communes et lieux de vie de la Manche : Le dictionnaire incontournable de notre patrimoine, Bayeux, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits & Introuvables », , 704 p. (ISBN978-2-35458-036-0), p. 72.
↑Université Inter-Âges de Basse-Normandie - Antenne de Cherbourg (préf. Rodolphe de Mons), Blasons armoriés du Clos du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 214 p. (ISBN2-85480-543-7), p. 24.
Jean Barros, Le canton de Barneville-Carteret (Côte des Isles) : Le patrimoine, t. 1, Valognes, Éditions de la Côte des Isles, , 391 p. (ISBN2-9505339-1-4), p. 21-25.
Jeannine Bavay, « Barneville », Vikland, la revue du Cotentin, no 2, juillet-août-septembre 2012, p. 14-16 (ISSN0224-7992).
Jean-Jacque Bertaux, « L'église de Barneville », dans Congrès archéologique de France. 124e session. Cotentin et Avranchin. 1966, Paris, Société française d'archéologie, (lire en ligne), p. 93-108.
Émile Travers, « L'église de Barneville », dans La Normandie monumentale et pittoresque, édifices publics, églises, châteaux, manoirs, etc. : Manche 1re partie, Le Havre, Lemale & Cie, imprimeurs éditeurs, (lire en ligne), p. 331-332.