Élisabeth Maitland, Duchesse de Lauderdale, Élisabeth Tollemache (de son 1er mariage) (née Murray, Lady Dysart, le à Londres et morte le à Ham House) est une aristocrate et une femme politique écossaise. Elle est la fille aînée de William Murray et de son épouse Catherine (Bruce) Murray, comte et comtesse de Dysart. Cette fervente royaliste est élevée dans les cercles de la cour d'Angleterre pendant les années qui précèdent la guerre civile anglaise et reçoit une éducation très complète.
Son premier mari est Lionel Tollemache, avec qui elle a onze enfants. En 1672, trois ans après la mort de Lionel Tollemache, elle épouse John Maitland et acquiert une position importante au sein de la cour restaurée.
Après la mort de son père, Élisabeth Maitland porte le titre de comtesse de Dysart. Après son remariage en 1672, elle devient duchesse de Lauderdale. Elle est célèbre pour l'influence politique qu'elle exerce et pour son soutien à Charles II pendant son exil et joue un double jeu entre ses partisans et Oliver Cromwell. Elle s'associe à l'organisation royaliste secrète Sealed Knot, et soutient activement le retour de la monarchie après l'exécution de Charles Ier d’Angleterre.
Elle profite de la position de John Maitland pour s'imposer auprès de la noblesse écossaise et pour lui faire lever des impôts illégaux qui leur procurent de gros revenus. Ils sont investis notamment dans des travaux qui vont transformer Ham House, sa maison d'enfance, en somptueuse demeure. Elle est également une mécène d'artistes, en particulier Peter Lely. Elle meurt à l'âge de 71 ans dans sa maison familiale, Ham House, près de Richmond près de la Tamise, et est enterrée dans l'église paroissiale voisine.
Biographie
Enfance et formation
Élisabeth Murray naît le à St Martin-in-the-Fields. Sa naissance est consignée dans le registre des baptêmes de cette paroisse[1]. D’origine écossaise, c'est la fille aînée des cinq filles de William Murray, 1er comte de Dysart[2], ami proche et courtisan du roi Charles Ier d’Angleterre et de Catherine Murray, comtesse de Dysart[3], fille du Colonel Norman Bruce[4],[5]. Cette année-là, ses parents s'installent à Ham House, près de Richmond sur la Tamise. Elle y passe son enfance[6],[5]. Son père tient à ce qu'elle reçoive une éducation complète, ce qui est inhabituel pour les femmes de l'époque[7]. Elle apprend les mathématiques, l’histoire et la philosophie et les enseignements domestiques[8].
Guerre civile anglaise, premier mariage avec Sir Tollemache
Pendant la guerre civile anglaise, en 1642, son père, Lord Dysart est envoyé en Écosse pour assurer la liaison avec les royalistes. Pendant ce temps, leurs opposants au Parlement tentent à plusieurs reprises de mettre Ham House sous séquestre à la fin de la guerre[5]. Ceci renforce les convictions royalistes d'Élisabeth Murray et sa détermination à défendre ses droits[8]. L'hiver 1644-45, sa mère se rend avec ses filles à la cour d'Oxford sur la Tamise, pour enseigner l'étiquette à ses filles[9]. À l'issue de la recherche d'un bon parti, Élisabeth Murray épouse, en 1648, Lionel Tollemache, 3e Baronnet, un riche propriétaire terrien qui n'a pas été impliqué dans la guerre civile[5],[8]. Au début de leur mariage, Sir Lionel Tollemache et Lady Dysart vivent à Fakenham Magna dans le Suffolk, une campagne boisée proche du domaine familial de Helmingham Hall de Sir Tollemache et éloignée de la plupart des bouleversements de la guerre[10]. Ils ont onze enfants, dont seuls cinq survivent :
Lionel Tollemache, 3e Comte de Dysart, fils aîné, hérite du comté de Dysart à la mort de sa mère en 1698.
Thomas Tollemache, major général. Tous deux futurs membres du parlement britannique[5].
Après la mort de sa mère en 1649[4], Élisabeth Tollemache s'installe fréquemment à Ham House[12]. Elle rencontre et reçoit régulièrement le parlementaire Oliver Cromwell, qui tombe sous son charme[13], probablement lorsque le quartier général de son armée s'installe dans la ville voisine de Kingston-upon-Thames à l'été 1647[14]. Selon Gilbert Burnet qui la rencontre plus tard, elle fait croire à John Maitland, le comte royaliste de Lauderdale, qu'elle plaide sa cause avec succès auprès de Cromwell[13], après sa capture à la bataille de Worcester[5].
Activités secrètes royalistes
La relation d'Élisabeth Tollemache avec Cromwell, nommé lord-protecteur en 1953, sert de couverture à ses propres activités royalistes[8]. À partir de 1653, elle est affiliée à l'organisation royaliste secrète Sealed Knot[5]. Elle entretient une correspondance avec des partisans exilés de Charles II[Note 1], lui-même exilé, et se rend souvent en Europe pour transmettre des lettres au roi[5],[16]. Elle se rend également à Paris où sa famille possède une propriété et où l'une de ses filles reçoit son éducation[17]. Ceci malgré ses grossesses fréquentes et la surveillance étroite du Protectorate[18]. Son dévouement à la cause l'amène à mettre au point un type d'encre invisible à utiliser pour la correspondance secrète[19].
Comtesse de Dysart et Lady Huntingtower
À la mort de son père en 1655, Élisabeth Tollemache hérite de ses titres, devenant comtesse de Dysart et Lady Huntingtower à part entière[20]. Quelques années plus tard, elle écrit à son parent Sir Robert Moray pour qu'il l'aide à retracer sa lignée familiale afin de compléter l'établissement de ses armoiries[21]. Le résultat de cette généalogie lui permet de remonter jusqu'au roi Jacques II d'Écosse[21].
En 1660, lorsque Charles II est couronné, il récompense Elizabeth Tollemache en lui accordant une pension annuelle de 800 livres[5]. Elle et son mari se voient également accorder la pleine propriété de 75 acres entourant Ham House en reconnaissance du « service rendu par le défunt comte de Dysart et sa fille »[20]. Ses ennemis l'accusent de sorcellerie en raison de son influence politique[22] et elle fait l'objet d'accusations non fondées d'avoir eu une liaison avec Cromwell[23]. Son titre de comtesse de Dysart est garanti par l'octroi de nouvelles lettres patentes le , qui réaffirment également la possibilité pour les héritières, d'hériter du titre en l'absence d'héritier mâle[24].
Second mariage avec John Maitland, duc de Lauderdale
En 1669, son mari Lionel Tollemache se fait soigner en France et meurt à Paris[5]. Élisabeth Tollemache devient l'unique propriétaire de Ham House, ainsi que d'autres propriétés dont Framsden Hall dans le Suffolk[25]. Peu après la mort de son mari, elle devient la maîtresse[26] de John Maitland, 2e comte de Lauderdale[5], noble et homme politique écossais et elle prend un grand ascendant sur lui selon Burnet[27]. Elle est impliquée dans les intrigues et les luttes de pouvoir de la cour pour la Restauration Stuart grâce à l'influence qu'elle exerce sur lui[28], ainsi que sur d'autres aristocrates écossais tels que William Douglas-Hamilton, duc d'Hamilton[29]. Burnet, qui n'apprécie pas Élisabeth Tollemache, la décrit cependant comme ayant une grande vivacité d'esprit, de la beauté et de l'intelligence. Il note qu'elle a appris l'histoire, les mathématiques et la philosophie[30].
Élisabeth Tollemache et John Maitland se marient le , six semaines après la mort de sa première épouse Anne Home en [30],[31]. Il reçoit un duché en , ce qui fait de sa femme la duchesse de Lauderdale[31]. Il est membre du ministère de la Cabale de Charles II et est nommé à la fois secrétaire d'État et haut-commissaire pour l'Écosse[32]. Un mois après leur mariage, ils se rendent en Écosse pour l'ouverture du Parlement écossais où, au mépris de la tradition, Élisabeth Maitland décide d'accompagner son mari[31]. Son insistance à vouloir des chaises pour elle-même et ses dames d'honneur est source de commentaires et de condamnations[31]. Élisabeth Maitland est connue pour son influence, sa richesse et son extravagance[33]. Elle se sert de la position de son mari, déjà connu pour sa rapacité, pour obtenir de l'argent, notamment en versant des pots-de-vin aux autorités écossaises afin de pouvoir lever des impôts illégaux[34].
Travaux à Ham House
En janvier 1671, Élisabeth Tollemache consulte son cousin, l'architecte écossais Sir William Bruce, pour lui demander de concevoir une nouvelle porte d'entrée sur le parvis de Ham House[35] en vue de la visite de Charles II et de son épouse, la reine Catherine de Bragance[36] prévue en 1673 et qui n'eut jamais lieu[37].
En 1673, avec son mari John Maitland, la duchesse de Lauderdale investit une grande partie des fonds qu'ils ont récoltés pour engager une série de travaux à Ham House[38] afin d'agrandir et de moderniser la propriété selon le style le plus récent de l'époque[39],[40],[41]. Le remaniement de la façade sud de la maison permet la création d'un ensemble de chambres royales au premier étage ainsi que d'appartements séparés pour le duc et la duchesse au rez-de-chaussée[42]. Peu après l'achèvement des appartements, Élisabeth Maitland fait aménager une salle de bains au sous-sol de la maison, ce qui témoigne de l'attention qu'elle porte à l'hygiène[42]. Les efforts déployés pour moderniser la maison, la décorer de matériaux raffinés[38] et la doter d'un mobilier et d'œuvres d'art luxueux sont utilisés comme une expression de leur pouvoir et de leur aisance[43]. Les jardins sont également redessinés[44].
Dernières années
Au début de 1680, Élizabeth Maitland subit une grave crise de goutte[45] qui affectera sa santé jusqu'à la fin de sa vie[46]. La même année, la santé de John Maitland se détériore également après avoir subi une attaque d'apoplexie ainsi que des épisodes de scorbut et de calculs vésicaux[39]. Il démissionne de ses fonctions gouvernementales en septembre, et sa femme le soigne alors à Ham House[39]. La mort de Maitland en précipite l'action en justice du frère du défunt, Charles Maitland (3e comte de Lauderdale), au sujet de ses dettes et des frais funéraires[47]. Ce dernier insiste pour organiser un enterrement ostentatoire pour son frère et envoie ensuite la facture à Élizabeth Maitland, déclenchant un conflit entre eux, qui persiste dans la décennie suivante[39].
Avant sa mort, le duc de Lauderdale a hypothéqué Ham House pour financer la rénovation de ses propriétés écossaises (en particulier le château de Thirlestane)[48]. Celles-ci reviennent désormais à Charles Maitland par testament du défunt duc, tandis que Ham House est restitué à Élizabeth Maitland[49]. La duchesse vend certains de ses bijoux ainsi qu'une partie de la collection de livres du défunt duc pour couvrir les intérêts sur les hypothèques[47]. Malgré les efforts du fils de Charles Maitland et même de Jacques II, le litige persiste jusqu'à ce qu'il soit réglé par les tribunaux écossais en juin 1688[50], qui exigent de Charles Maitland qu'il couvre les dettes, tout en attribuant à Élisabeth la responsabilité des frais funéraires[47].
Élizabeth souffre de la goutte, ce qui limite sa mobilité jusqu'à ce qu'elle soit confinée au rez-de-chaussée de Ham House[47]. Malgré cela, elle entretient une correspondance soutenue avec ses amis et sa famille, car elle continue à s'intéresser aux nouvelles de la Cour[47]. En 1694, elle perd ses fils Thomas et William Tollemache[46].
Élizabeth Maitland meurt le . Elle est enterrée dans le caveau de la famille Murray situé sous le chœur de l’Église Saint-Pierre de Petersham, près de la maison familiale de Ham House[8],[51],[52]. Son fils Lionel Tollemache, 3e comte de Dysart lui succède[53].
Héritage
Élizabeth Murray est décrite dans la littérature populaire dans le livre de Doreen Cripps, Elizabeth of the Sealed Knot (1975), basé sur des archives de la famille Tollemache, son premier mari[54].
Elizabeth Murray, Countess of Dysart (1626-1698), with her First Husband, Sir Lionel Tollemache (1624-1669), and her Sister, Margaret Murray, Lady Maynard (c.1638-1682), 1648[57],
Elizabeth Murray, Lady Tollemache, later Countess of Dysart and Duchess of Lauderdale (1626-1698) with a Black Servant, 1651[58],
Elizabeth Murray, Countess of Dysart and Duchess of Lauderdale (1626-1698)[59],
John Maitland, Duke of Lauderdale (1616-1682) and Elizabeth Murray, Countess of Dysart and Duchess of Lauderdale (1626-1698), 1675[60], présenté ci-contre.
Ces tableaux sont exposées à Ham House.
Notes et références
Notes
↑Son nom de code est "Mrs. Grey" et ses lettres sont interceptées plus tard par les services secrets du Commonwealth[15].
↑(en) James Balfour Allen County Public Library Genealogy Center, The Scots peerage; founded on Wood's edition of Sir Robert Douglas's peerage of Scotland; containing an historical and genealogical account of the nobility of that kingdom, Edinburgh : D. Douglas, (lire en ligne), p. 402-404
↑(en) James Balfour Allen County Public Library Genealogy Center, The Scots peerage; founded on Wood's edition of Sir Robert Douglas's peerage of Scotland; containing an historical and genealogical account of the nobility of that kingdom, Edinburgh : D. Douglas, (lire en ligne), p. 403
(en) Nadine Akkerman, Invisible agents : women and espionage in Seventeenth-Century Britain, Oxford, Oxford University Press, , 264 p. (ISBN9780198823018).
(en) Rosemary Baird, Restoration Drama Elizabeth Murray Countess of Dysart and Duchess of Lauderdale dans Mistress of the house : great ladies and grand houses, 1670 - 1830, London, Weidenfeld & Nicolson, , 320 p. (ISBN978-0-297-83078-8, lire en ligne), p. 83-99..
(en) Doreen Cripps, Elizabeth of the sealed knot: a biography of Elizabeth Murray, Countess of Dysart, Roundwood Press, (ISBN978-0-900093-43-2, lire en ligne)..
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(en) John Maitland Lauderdale, Elizabeth Murray Maitland Lauderdale, Charles Maitland Hatton, John Dowden, James Sharp, Thirty-four letters, written to James Sharp, archbp. of St. Andrews : by the Duke and Duchess of Lauderdale and by Charles Maitland, Lord Hatton, 1660-77, Edinburgh, (OCLC56027541, lire en ligne).
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Fiction
(en) Hilton Tims, All the pride of power, an historical novel, London, Macdonald, , 225 p. (OCLC1294416, lire en ligne).