La Vie de saint Alexis, ou Chanson de saint Alexis, est une série de poèmes médiévaux hagiographiques qui racontent la vie, la mort et les miracles de saint Alexis et dont la version primitive remonte au XIe siècle (vers 1040 selon G. Paris, vers 1090 selon F. Zufferey)[1]. Le plus ancien témoin connu offre 125 quintils de vers décasyllabiques assonancés (au total 625 vers)[1]. L'auteur, qui ne saurait être Thibaut de Vernon (comme le pensait G. Paris), un chanoine du deuxième tiers du XIe siècle appartenant au chapitre cathédral de Rouen, doit être cherché plutôt du côté de l'abbaye bénédictine du Bec-Hellouin, un important foyer intellectuel au XIe siècle.
Fils d'un sénateur romain, Alexis accepte le mariage que son père lui impose. Mais il s'enfuit le soir même de ses noces, car il veut se consacrer à la vie spirituelle. Il débarque à Laodicée, puis se rend à Édesse en Syrie (à Sis en Cilicie, dans la version primitive), où, après avoir distribué aux pauvres tout son argent, il devient mendiant pendant dix-sept ans. Il doit s'enfuir et revient à Rome, où il vit sans être reconnu pendant dix-sept autres années, sous l'escalier de la maison paternelle. À sa mort, vers 404, on trouvera sur lui un parchemin relatant sa vie. Ses parents se lamentent devant son corps sans vie (ici, l’édition de Gaston Paris de 1885) :
La mère :
De la dolor que demenat li pedre Grant fut la noise, si l’entendit la medre : La vint corant com feme forsenede, Batant ses palmes, cridant, eschavelede ; Veit mort son fil, a terre chiet pasmede.
De la douleur que témoigna le père Grand fut le bruit; la mère l'entendit. Elle accourut comme femme forcenée, Battant ses paumes, criant, échevelée : Voit mort son fils, à terre choit pâmée.
L'épouse :
« O bele boche, bels vis, bele faiture, Com vei mudede vostre bele figure ! Plus vos amai que nule creature. Si grant dolor ui m’est apareüde ! Mielz me venist, amis, que morte fusse.
O belle bouche, beau visage, beau corps, Je vois changée votre belle apparence ! Plus vous aimai que nulle créature. Grande douleur m'est ce jour apparue ! Mieux eût valu, ami, que morte fusse.
Manuscrits
Paris, Bibliothèque nationale de France, nouvelles acquisitions françaises, 4503, f. 11v-19v. Siglé A.
Le plus ancien manuscrit, circa 1123 selon l'Université d'Aberdeen[2]. Notamment, il a les terminaisons -et pour un participe passé masculin singulier et -ede pour le féminin singulier. Voir l'extrait de l'édition de Gaston Paris ci-dessus.
Gaston Paris et Léopold Pannier, La Vie de saint Alexis : poème du XIe siècle et renouvellements des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, publiés avec préfaces, variantes, notes et glossaire, Paris, A. Franck, coll. « Bibliothèque de l'École des hautes études. Sciences philologiques et historiques 7 », .
Christopher Storey, Saint Alexis. Étude de la langue du manuscrit de Hildesheim, suivie d'une édition critique du texte d'après le manuscrit L avec commentaire et glossaire, Paris, Droz, 1934. Repris avec quelques modifications dans La Vie de saint Alexis, Genève - Paris, Droz - Minard, coll. «Textes littéraires français » 148, 1968.
Mario Eusebi, La Chanson de saint Alexis, Modène, Mucchi, coll. « Studi, testi e manuali, nuova serie » 2, 2001.
François Zufferey, La Chanson de saint Alexis. Essai d'édition critique de la version primitive avec apparat synoptique de tous les témoins, Abbeville, F. Paillart, Société des anciens textes français 116, 2020.