Theodor Erich Ernst Emil Otto Oberländer, né le à Meiningen et mort le à Bonn, est un ingénieur agronome, universitaire et homme politique allemand.
Biographie
L'entre-deux-guerres
A 18 ans, il prend part à la tentative de putsch d'Hitler à Munich en 1923[1]. Il n'adhère au parti nazi qu'en 1933, après l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Il devient un cadre local de la Sturmabteilung (SA)[1].
Docteur en sciences agricoles (1929) de l'Université de Berlin et docteur en économie de l'Université de Königsberg (1930), c'est un spécialiste des questions agraires et de l'Europe orientale, en relation avec les recherches sur l'Est. Il est assistant à l'Institut de l'économie de l'Europe de l'Est de l'Université de Königsberg en Prusse-Orientale à partir de 1931 puis son directeur à partir de 1933.
Le journaliste et historien allemand Götz Aly le classe parmi les intellectuels nazis qui ont pensé avant son exécution la politique nazie de liquidation des populations à l'Est, juives notamment, dans la mesure où il préconise une extension de la civilisation germanique à l'Est au détriment des Slaves et des Juifs car l'Allemagne est selon lui surpeuplée[1]. Il préside en tout cas le Bund deutscher Osten (Ligue de l'Est allemand, BDO) à partir de 1934, dirige en Prusse-Orientale le Verein für das Deutschtum im Ausland (société pour la promotion de la germanité à l'étranger, VDA), devient le conseiller du gauleiter de Prusse-OrientaleErich Koch[1].
Il est toutefois écarté du BDO en 1937[2] car il s'est exprimé contre la radicalisation des projets nazis à l'Est[3]. Il doit quitter également l'Université de Königsberg et le VDA. Il enseigne ensuite à l'Université de Greifswald, en Poméranie.
L'historien français Alfred Wahl note que son parcours comporte des zones d'ombre pour la période 1941-1942, durant laquelle il est mobilisé comme officier subalterne sur le front de l'Est, à la suite de l'opération Barbarossa qui marqua l'invasion de l'URSS en juin 1941 par les Allemands. Sous les auspices de l'Abwehr, il est chargé de mettre en place en 1941 deux unités spéciales de la Wehrmacht, composées de Slaves, le bataillon Nachtigall, composé en majorité de nationalistes ukrainiens, puis le Sonderverband Bergmann. Les historiens ne sont pas d'accord sur son rôle exact dans les crimes commis par ces unités, notamment les massacres de Polonais et de Juifs à Lwów (Lemberg en allemand) durant l'été 1941. Alfred Wahl souligne que le biographe allemand d'Oberländer est indulgent et le disculpe, contrairement à Aly. Philipp-Christian Wachs, biographe d'Oberländer, démontre que ce dernier a contesté la violence inhumaine des nazis contre les peuples slaves, ce qui lui valut sa disgrâce et son retour à l'université, à Prague en 1943. En mars 1945, il s'engage à nouveau et sert comme officier de liaison dans l'Armée Vlassov[1].
En France, Theodor Oberländer aurait été le principal responsable nazi des tueries de Saint-Nazaire-en-Royans (Drôme) de juillet et août 1944 : 46 personnes ont été fusillées dans la cour du château de cette localité[4].
Théodor Oberländer se rend aux Américains en avril 1945.
Les attaques à propos de son passé commencent en RDA en 1954. Son passé nazi est dévoilé à partir de 1957 en Bavière. En septembre 1959, la presse soviétique et est-allemande révèle son passé nazi, ses écrits et ses actes, et l'accuse surtout d'avoir commis des crimes à la tête du bataillon Nachtigall en 1941 à Lemberg (Lviv). Une agence de presse polonaise apporte des témoignages tandis que la commission spéciale soviétique d'enquête sur les crimes de guerre lui impute des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en 1960. Un procès mené à Berlin-Est par la RDA le condamne par contumace à la prison à vie en avril 1960[1],[5],[6],[7],[8],[9],[10]. Quoique cela participe d'une campagne de la RDA visant à déstabiliser la RFA[3], des périodiques ouest-allemands comme Der Spiegel et Die Zeit évoquent aussi son passé et il est mis en cause par l'association allemande des victimes du nazisme et par des parlementaires de la CDU et du SPD qui demandent son retrait[11]. Il se défend à La Haye, devant une commission de personnalités, réunies à sa demande[12],[13]. Adenauer le défend timidement, reconnaissant qu'il a été « brun et même très brun ». Oberländer démissionne le 3 mai 1960 de sa fonction de ministre après avoir résisté un temps aux pressions de ses adversaires et de ses alliés politiques[1],[14],[15],[16].
Militant anticommuniste
Anticommuniste convaincu et radical, il est inséré dans les années 1960 et 1970 dans plusieurs réseaux transnationaux combattant le communisme. En 1965, à New York, il donne un discours devant des membres américains du Bloc des nations anti-bolchéviques (ABN), une organisation nationaliste et anticommuniste qui rassemble des émigrés issus de peuples non-russes de l'URSS et d'autres pays communistes du Bloc de l'Est, dirigée depuis Munich par l'Ukrainien réfugié en RFA Iaroslav Stetsko[17]. En mars 1966, il participe à Lisbonne au 6e congrès d'une organisation transnationale qui lutte contre le communisme athée, le Comité international de défense de la civilisation chrétienne (CIDCC), alors présidé par l'Espagnol José Solís Ruiz et qui a comme président d'honneur l'ancien chancelier Adenauer, aux côtés d'autres Allemands comme le ministre CDU Bruno Heck ou Hermann Pünder (Politiker)(de) (président de la branche ouest-allemande de cette organisation), de représentants d'autres pays européens (parmi lesquels les Français Antoine Pinay et Marie-Hélène Cardot) mais aussi américains[18]. Il assiste la même année, en novembre, à la 12e conférence de la Ligue anticommuniste des peuples d’Asie (Asian Peoples' Anti-Communist League ou APACL) à Séoul, qui voit la fondation de la Ligue anticommuniste mondiale (World Anti-Communist League/WACL). Il prend part par la suite aux congrès de la WACL qui ont lieu dans diverses métropoles mondiales et préside son chapitre ouest-allemand, est membre un temps du comité exécutif du Conseil européen de la liberté ou European freedom council (EFC)[19], animé notamment par Iaroslav Stetsko - qu'il a côtoyé à Lisbonne et à Séoul en 1966 -, fondé en 1967 et lié à la WACL, et est vice-président du WACL Council for Europe, fondé en 1979.
Contesté du fait de son passé nazi, il gagne tous ses procès contre ses adversaires jusqu'à sa mort[1].
Bibliographie
Alfred Wahl, La Seconde Histoire du nazisme dans l'Allemagne fédérale depuis 1945, Armand Colin, .
Philipp-Christian Wachs, Der Fall Oberländer (1905–1998). Ein Lehrstück deutscher Geschichte, Frankfurt am Main, Campus Verlag, 2000
↑Christian Ingrao, La promesse de l'Est. Espérance nazie et génocide 1939-1943, Seuil, 2016, p. 122
↑ a et bHélène Miard-Delacroix, Question nationale allemande et nationalisme, Perceptions françaises d'une problématique allemande au début des années cinquante, Presses universitaires du Septentrion, , p.110.
↑« Varsovie publie un dossier sur les crimes reprochés aux unités commandées à Lvov par le Dr Oberlaender », Le Monde, (lire en ligne).
↑« La Commission soviétique sur les crimes de guerre accuse à son tour M. Oberlaender », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Un nouveau film soviétique consacré au Dr Oberlaender sort à Moscou », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Ouverture du procès du Dr Oberlaender », Le Monde, (lire en ligne).
↑« " Le Pr Oberlaender nous a félicités après les massacres de Lvov ", affirme à Berlin-Est un témoin du procès », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Le professeur Oberlaender condamné à Berlin-Est aux travaux forcés à perpétuité », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Nouvelles attaques contre le Dr Oberlaende », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Pour la commission de résistants da La Haye, le Dr Oberlaender n'est pas responsable des massacres de Lvov », Le Monde, (lire en ligne).
↑« " Le secrétaire hollandais de Comité international à la Résistance disculpe le Pr Oberlaender », Le Monde, (lire en ligne). (La commission internationale constituée en novembre dernier comprend Karel Van Stkal (Hollande), Ole Bjørn Kraft (ancien ministre danois des affaires étrangères, qui va côtoyer Oberländer à la WACL et à l'European Freedom Council), Hans Capellen (Norvège), Kurt Schock (Suisse) et le professeur Flor Peters (Belgique). Certains de ses membres ont démissionné.
↑« Malaise au Bundestag et dans la majorité chrétienne démocrate à propos du cas Oberlaender », Le Monde, .
↑« Le Dr Oberlaender démissionnera avant la fin de ses vacances », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Le parquet de Bonn dément que la justice allemande ait renoncé à se saisir du cas Oberlaender », Le Monde, (lire en ligne).