Cette affection a été initialement décrite par des internistes et cardiologues japonais[3],[4],[5] en 1977. Sa dénomination provient de la forme que prend la silhouette cardiaque dans cette pathologie, une forme d'amphore (蛸壺?, littéralement « piège à poulpe »)[6],[7] .
On a remarqué une augmentation de l'incidence de ce syndrome, pourtant rare, lors de l'épidémie au coronavirus de 2019-2021[8]. Selon certaines études, sa survenue aurait été multipliée par 4 en 2020[9].
Mécanisme
Encore mal compris, le syndrome de tako-tsubo semble être provoqué par une décharge intense et brutale de catécholamines (hormones du stress produites par les glandes surrénales — comme l'adrénaline) au cours d'un stress intense ; l'hypothèse a été confirmée par la description d'un cas de crise de tako-tsubo après l'injection de catécholamines exogènes[10]. Dans un tiers des cas, cependant, le stress causal n'est pas identifié[11].
Le mécanisme de l'altération de la fonction cardiaque n'est pas clair. Il pourrait s'agir d'un trouble réversible de la microcirculation coronaire, non visible par la coronarographie[12]. La concentration en récepteurs béta-adrénergiques étant supérieure au niveau de la pointe du ventricule[13], cela pourrait contribuer à une réponse différentielle selon les parties du cœur après stimulation adrénergique.
Épidémiologie
L'incidence semble être de 15 à 30 cas pour 100 000 patients, mais elle est probablement sous-évaluée, seules les formes graves, hospitalisées, étant comptabilisées[14].
Le syndrome de tako-tsubo atteint essentiellement la femme âgée[11]. 1 à 2 % des patients se présentant pour un infarctus du myocarde reçoivent un diagnostic final de tako-tsubo[15]. Le stress causal peut être autant physique que psychique, mais il n'est pas retrouvé dans un tiers des cas[16]. Le stress causal est le plus souvent « négatif » (deuil, rupture, altercation, etc.) et, parfois, « positif » (joie intense)[17]. Dans près de la moitié des cas, il existe un terrain neurologique ou psychiatrique[16].
Diagnostic
Dans le tako-tsubo, l'électrocardiogramme montre des signes d'infarctus, mais l'échocardiographie évoque un aspect de ballonisation (forme d'amphore ou de piège à poulpe) typique du ventricule gauche. Le dosage sanguin de troponine est augmenté habituellement de manière peu importante. Plusieurs micro-ARN peuvent être détectés dans le sang des patients, alors que leur taux est bas lors d'un infarctus[18]. La coronarographie montre des artères saines. L'IRM cardiaque montre des images très évocatrices : forme du ventricule gauche, œdème myocardique sans nécrose ni fibrose[11].
L'atteinte concerne les deux ventricules dans un tiers des cas[11]. Plus rarement, l'akinésie (immobilité de la paroi myocardique durant la contraction) est atypique, ne concernant plus seulement la pointe du ventricule, mais d'autres parois[19].
La scintigraphie myocardique au MIBI-Tc99m synchronisée à l'électrocardiogramme montre typiquement une dysfonction ventriculaire gauche sans ischémie myocardique segmentaire. La réalisation d'une scintigraphie myocardique au MIBG-I123, radiotraceur permettant l'étude des terminaisons catécholaminergiques, montre une hypocaptation globale par le cœur, signant la saturation transitoire des récepteurs catécholaminergiques, caractéristique de la maladie.
Il existe parfois un obstacle à l'éjection (LVOTO), contre-indiquant dans ce cas l'emploi d'inotropes positifs[14].
Évolution
Passé le cap aigu, la fonction systolique se normalise, ce qui est caractéristique de cette affection. Il peut exister toutefois des complications neurologiques[16]. Une récupération tardive (au delà de 10 jours) est de moins bon pronostic[20].
Les formes survenant chez les sujets de moins de 50 ans[21] ou chez les hommes[22] sont généralement plus graves.
La maladie peut récidiver, même si cela est rare[14]. Aucun traitement n'a démontré d'efficacité pour limiter ce risque[23], mais certains experts tendent à recommander l'utilisation de bêta-bloquants[24].
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↑Nekfeu – Les Étoiles Vagabondes (2019, CD) (lire en ligne)