Après la mort de sa femme Mélanie, Jean-Marc Thomas, un ancien footballeur français, s’installe à Montréal, la ville natale de la défunte. Il espère ainsi ressentir sa présence, regrettant de ne pas lui avoir dit à quel point il l’aimait. Complètement ruiné après douze ans de carrière, il commet des vols pour subvenir à ses besoins. Un jour, un dénommé Howard lui commande un meurtre pour lequel il touchera une forte somme d’argent. Voyant là une solution pour payer son loyer, sa nourriture, sa facture d’électricité, Jean-Marc accepte à contrecœur d’abattre un certain Igor Rizzi... Toutefois, sa nature plutôt pacifique l’empêchera de commettre l’irréparable.
Sur la trace d'Igor Rizzi a été auto-financé par le réalisateur. Malgré un petit budget, le film a été tourné en 35 mm. Les prises de vues ont été filmées à Montréal au plus dur de l'hiver, par des températures comprises entre −10 °C et −32 °C. Les domiciles de l'acteur principal et du réalisateur ont été aménagés pour servir de décors intérieurs. La voiture, un modèle Oldsmobile Cutlass 1981, a été sauvée de la casse et a fait l'objet d'une importante réparation car sa couleur bleu pâle comme la glace la rendait précieuse pour le décor hivernal du film. De nombreux accessoires aux allures Far West proviennent de la fameuse boutique d'articles amérindiens Indianica, située dans le Vieux-Montréal. La toile dans le film représentant Isabelle Blais a été peinte par Nadia Szczepara.
Concernant ses motivations à faire ce film, le cinéaste Noël Mitrani a déclaré : "J’ai une sensibilité française dans l’écriture, et l’acteur principal du film, Laurent Lucas, est un acteur français. J’ai glissé cette sensibilité dans le décor montréalais, avec un amour pour la ville, la neige, etc. Du coup, je crois que ça a créé une formule assez inédite. Il existe des systèmes de coproduction dans le cinéma français où, pour des prétextes parfois assez farfelus, on vient tourner au Québec. Au fond, c’est essentiellement pour des raisons économiques. La particularité de mon film, c’est que Laurent et moi vivons tous les deux à Montréal. Donc on a fait un film d’immigrés, d’immigrés implantés et heureux d’être là."[4]
Commentaire
Souvent comparé à Fargo des frères Coen[5] ou aux films de Jim Jarmusch, Sur la trace d'Igor Rizzi est une réflexion sur le remords et la fuite du temps. Le personnage, qui a tout perdu après avoir connu la gloire et la facilité, est aux prises avec ses regrets. Pour surmonter son deuil, il doit trouver la réponse en lui-même, faire le point sur son passé et accomplir une quête morale. Le décor insolite de Montréal sous la neige sert à amplifier les sentiments de désarroi ressentis par le personnage, mais aussi à exalter la poésie de la vie.
Critiques
Dans le Guide des films de Jean Tulard[6]le critique Claude Bouniq-Mercier écrit : "Un film dans la tradition du thriller avec tueur à gages et cadavre à la clé, aux images sombres et presque charbonneuses malgré la neige de cet hiver canadien. Mais il s'agit bien d'un film noir, c'est surtout son humour distancié qui est noir. En de longues séquences, avec maints détails incongrus, le réalisateur propose un portrait original et inattendu d'un bras cassé de la criminalité. Laurent Lucas, le visage barré d'une épaisse moustache, très pince-sans-rire, est étonnant dans son interprétation "à froid". Un film décalé et surprenant, plus drôle qu'inquiétant."
Odile Tremblay dans Le Devoir : "Signé Noël Mitrani, Sur la trace d'Igor Rizzi est un blues, une œuvre de rédemption remplie de silences, qui s'offre Montréal pour cadre. Un Montréal qu'aucun Québécois de souche, aveuglé par l'habitude, n'aurait eu l'idée de capter. Devant la neige soudain au sol comme une fibre poétique, le film offre des images inédites du pont Jacques-Cartier, des entrepôts, de la tour de l'Horloge, capturées par un œil étranger en position découverte, jamais blasé."[7]
Anabelle Nicoud dans La Presse : "Il y a dans Sur la trace d'Igor Rizzi un réel talent pour écrire des dialogues braques, construire avec chaque plan une histoire et nimber le tout de la couleur des souvenirs."[8]
Stéphane Defy dans Ciné-Bulles : " Sur la trace d'Igor Rizzi est un film volontairement relâché, privilégiant le méditatif au rationnel."[9]
Rachel Haller dans 24 images : "Loin des diktats du mouvement et du surdécoupage, Noël Mitrani ose la lenteur et la contemplation (Montréal n’a plus été aussi belle depuis longtemps). Il ose aussi l’économie. L’économie du langage, de l’action, du jeu. Et surtout, il rend à la musique sa place de choix. Contrepoint obstiné, elle n’annonce, ni ne soutient le récit. Elle le prolonge comme la blancheur des paysages. Avec douceur et mélancolie."[10].
Charles-Henri Ramond dans Séquences : "À la fois comédie satirique et ode gracieuse à l’hiver montréalais, Sur la trace d’Igor Rizzi possède une indéniable personnalité qui en fait l’une des productions québécoises les plus originales de ces dix dernières années."[11]
La musique
Les musiques participent au climat mélancolique et intemporel du film, elles se composent d'une série de chansons tirées du répertoire folk rock et country. Le classique Wayfaring Stranger, qui date de 1858, apparaît sous trois interprétations, celle d'Emmylou Harris (1975), celle de Bill Monroe (1956) et celle de Trace Adkins (1997). On entend également la poignante composition Chase The Blues Away de Tim Buckley (1969) et une interprétation lyrique du standard Sealed With a Kiss par Bobby Vinton.
Making-of
Le tournage a fait l'objet d'un documentaire réalisé par Véronique Mitrani, l'épouse du cinéaste.