Le statut d'autonomie de la Catalogne de 1932 (en catalan : Estatut d'Autonomia de Catalunya de 1932), également connu comme le statut de Núria (en catalan : Estatut de Núria), est le premier statut d'autonomie octroyé à la Catalogne. D'inspiration souverainiste, la rédaction du statut fut soutenue par le président de la Généralité de Catalogne, Francesc Macià, et ses alliés républicains. Il fut approuvé par référendum par une majorité écrasante des électeurs catalans, à 99 %. L'avant-projet du statut fut achevé le dans la ville pyrénéenne de Núria et fut approuvé par le Parlement espagnol le [1].
En , un nouveau parti républicain catalan, l'Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), est constitué en prévision des élections municipales du 12 avril 1931[3]. L'ERC remporte un véritable succès électoral en Catalogne lors de ces élections. La victoire des républicains dans le reste de l'Espagne précipite l'abdication d'Alphonse XIII, le . Le lendemain, Francesc Macià, qui dirige l'ERC, proclame la République catalane à l'intérieur de la Fédération des républiques ibériques, et annonce la formation du premier gouvernement de cette République catalane.
Le gouvernement provisoire de la Généralité prépare immédiatement un avant-projet de statut, rédigé par un groupe d'hommes politiques et de juristes de diverses tendances républicaines, socialistes et nationalistes, dirigés par Jaume Carner. Cet avant-projet, connu comme l’Estatut de Núria, car il est achevé le dans la ville catalane de Núria[1]. Après avoir subi quelques modifications, il est adopté par la députation provisoire et par la Généralité. Il est ensuite soumis au vote des citoyens catalans le , qui l'approuvent à 99 %, avec un taux de participation de 75 %[3].
Les tensions aux Cortes et le statut définitif
Le , la Généralité affirme officiellement son soutien au projet, qui est présenté le par le président Niceto Alcalá Zamora devant les députés des Cortes espagnoles. Cependant, les tensions s'accroissent entre les représentants catalans, qui considèrent que le projet, qui a reçu le vote populaire, doit être accepté en l'état, et les autres députés espagnols, qui ne s'estiment pas liés par le texte du projet et se proposent de l'amender. Le , l'adoption de la constitution espagnole, qui refuse toute forme fédérale pour l'État espagnol, brise un certain nombre d'espoirs du côté catalan[1].
Le , le débat sur le projet de statut s'ouvre enfin aux Cortes, dans un climat plutôt hostile aux revendications catalanes. Niceto Alcalá Zamora et Manuel Azaña ont du mal à convaincre leurs collègues républicains que ce projet ne prépare pas un démembrement de l'Espagne, tandis que les élus de droite en agitent le spectre[3]. Le coup d'État manqué du général José Sanjurjo, qui pensait profiter des peurs de décomposition de l'État espagnol, accélère le débat et l'adoption définitive du statut, le [1]. Il est approuvé à une large majorité de 314 voix pour et 24 contre.
Dispositions générales
L'avant-projet de statut
L'avant-projet de statut est connu comme le « statut de Núria ». Il faut cependant souligner que, n'ayant pas été encore approuvé par la population catalane, ni par les instances représentatives qu'étaient la Généralité et les Cortes, il est abusif de le désigner comme un véritable statut d'autonomie.
Cet avant-projet proposait une structure fédérale de l'Espagne. À l'intérieur de cette fédération, les Pays catalans auraient obtenu un gouvernement autonome unique, réalisant les désirs d'une grande union pancatalane. Le catalan aurait été reconnu comme seule langue officielle de la Catalogne[1].
La Généralité, comme autorité organisatrice et légiférante de la Catalogne, devait obtenir de larges pouvoirs dans de nombreux domaines :
l'économie, en retrouvant un rôle directeur dans les investissements économiques, en particulier dans le domaine agricole, mais surtout en obtenant le contrôle de l'impôt ;
l'éducation, avec le contrôle de l'enseignement ;
l'administration, avec la refonte du système municipal et la possibilité de revoir la division territoriale de la Catalogne ;
le droit, avec la réforme du droit civil et hypothécaire, et la justice, avec la réorganisation du système judiciaire ;
l'ordre public.
Les pouvoirs étaient partagés entre la Généralité, dirigée par un président et ses conseillers, un parlement et un tribunal supérieur de justice[1].
Le texte définitif
Du fait de l'introduction de nombreux amendements, le texte final, avec 52 articles, est considérablement plus long que l'avant-projet de statut qui n'en comptait que 18. Le statut dispose que, conformément à la Constitution de la République qui définit l'Espagne comme « un État intégral, compatible avec l'autonomie des régions et des municipalités », la Catalogne est « une région autonome au sein de l'État espagnol ». Le catalan est reconnu comme langue officielle, mais au même titre que l'espagnol. La Généralité, qui souhaitait une autonomie très large, doit accepter le partage des compétences avec l'État espagnol dans les domaines de l'enseignement et du maintien de l'ordre public[1].
Le , afin de définir précisément les limites de compétences, mais aussi répartir les biens entre l'État et la Généralité, une commission paritaire de douze membres est formée, dont six sont nommés par l'État et six par la Généralité. Enfin, alors que les conflits entre la Généralité et l'État devaient être réglés par un organisme paritaire, le statut lui substitue un Tribunal des garanties constitutionnelles[1].
Malgré ces modifications, le statut conférait une autonomie substantielle à la Catalogne : la Généralité était dorénavant composée d'un Parlement, un président et un conseil exécutif.
Les élections générales de 1933 voient un changement politique important. Si, en Catalogne, l'ERC obtient la majorité des sièges, ce sont les radicaux de droite du Parti républicain radical (PRR) et la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA), et leurs alliés catalan de la Ligue régionaliste qui l'emportent au niveau national[3]. La nouvelle chambre est beaucoup plus hostile aux prétentions catalanes que la précédente. Les conflits se multiplient entre le gouvernement espagnol et la Généralité.
Le , la Généralité promulgue la controversée loi sur les contrats de culture (Llei de Contractes de Conreu), qui garantit aux métayers (rabassaires) l'exploitation de terres pendant six ans au moins et la possibilité de les acheter après 15 années d'exploitation. Cette loi, qui provoque la fureur des propriétaires terriens, conduit la Ligue régionaliste à demander que cette loi soit déclarée inconstitutionnelle, en demandant au gouvernement espagnol de faire appel au Tribunal des garanties constitutionnelles. Celui-ci déclare la loi inconstitutionnelle le , précisant qu'elle excède le champ des compétences du statut d'autonomie[3].
Cette décision est considérée par l'ERC comme une attaque contre l'autonomie catalane. Les députés catalans de l'ERC et basques du PNV quittent les Cortes. Le , la Généralité soumet au vote du parlement catalan une loi identique à celle qui a été repoussée par le Tribunal des garanties constitutionnelles[3]. Face à cette grave crise de confiance, le gouvernement de Ricardo Samper s'efforce, durant tout l'été 1934 de renouer le fil de la discussion avec la Généralité. Le , la CEDA, considérant que Ricardo Samper n'est pas assez ferme face aux problèmes sociaux qui agitent l'Espagne et en particulier la « question rabassaire », lui retire sa confiance. Alejandro Lerroux prend la tête du gouvernement suivant, dans lequel entrent plusieurs ministres de la CEDA. Cet événement porte à son comble l'exaspération des socialistes, qui annoncent le début d'une grève générale dans tout le pays pour le lendemain : c'est la révolution qui commence.
Le , le président de la Généralité, Lluís Companys, depuis le balcon de la Généralité à Barcelone, proclame l'« État catalan au sein de la République fédérale espagnole », afin de réagir contre « les forces monarchistes et fascistes qui ont pris d'assaut le pouvoir ». Mais le manque de préparation et de soutien mènent à l'échec du soulèvement dès le lendemain. Le président de la Généralité et ses conseillers sont emprisonnés, tandis que le statut d'autonomie de la Catalogne est suspendu[4]. L'administration est soumise au contrôle militaire, avant que, le , les Cortes espagnoles votent la suspension indéfinie et le retour des compétences abandonnées à la Généralité à l'État central.