Les sciences de l'information et de la communication (SIC) forment un champ de recherches universitaires, connu sous ce nom en France, Belgique, Suisse, Algérie et au Maroc. Au Québec, on se réfère aux études en « Communication » ou « Science de l'information ».
Les SIC sont créées en France au cours du XXe siècle, en écho aux interdisciplines américaines préexistantes media studies, communication studies et information science, ainsi qu'à la Publizistikwissenschaft(de) allemande. Cette nouvelle discipline se fonde sans que les chercheurs qui y participent ne partagent un paradigme commun. Du fait de la multiplication des référents théoriques, elle se constitue en « inter-discipline », ce qui interroge sur sa légitimité disciplinaire auprès des disciplines plus anciennes qui nourrissent ses travaux. C'est ainsi que les SIC empruntent largement aux sciences humaines sans ignorer pour autant les sciences de l'ingénieur : l'informatique, la cybernétique, les théories du signal (etc.), trouvent un écho dans les recherches relatives à l'information ; les recherches sur la communication organisationnelle (institution, organisation, entreprise...) recoupent en partie les recherches en gestion ; les sciences de la documentation (documentation, bibliologie, bibliothéconomie…) et des métiers du livre se rapprochent de l'information et des sciences de l'éducation ; les sciences de la communication font appel à la sociologie, à la psychologie, à l'anthropologie, à l'histoire, à la sémiologie, à la philosophie (etc.) et engendrent de nouvelles recherches spécifiques aux SIC. Naissent ainsi de nouveaux courants tels que l’épistémologie des SIC, l’histoire des SIC[1], la didactique des SIC, l'anthropo-sémiotique et l'anthropologie de la communication.
Le XXIe siècle marque un tournant dans la discipline dans la mesure où les chercheurs en SIC soutiennent désormais une thèse dans cette discipline, quand leurs prédécesseurs avaient rejoint les SIC après un cursus doctoral dans une autre discipline. Cette évolution contribue à une structuration plus forte de son organisation et au renforcement du corpus théorique issu de l'histoire des SIC. La reconnaissance de la discipline dépasse le monde strictement universitaire, comme en témoigne l'intérêt des médias pour les chercheurs qui analysent la société contemporaine au prisme des SIC.
Historique
Le champ de connaissance a émergé après la Seconde Guerre, sans que l'histoire des sciences de la communication et de l'information se confondent entièrement[2]. L'histoire des sciences de l'information s'enracine dans l'évolution des techniques documentaires et le développement de l'informatique.
En France, dans les années 1970, le projet scientifique concerne également la schématologie, la publicité et l'édition ; à partir des années 1990, il inclut de nombreuses recherches concernant les technologies de l'information et de la communication, l'Internet et les nouveaux médias, les communications organisationnelles[4].
L'absence de nom collectif rend ardue la visibilité de la discipline : on parle de "communicologie"[5] au début des années 1980 ; on tente la "médiologie" au début des années 1990 ; on essaie la « médialogie » depuis peu... Mais, dans les médias, les « communicologues » sont souvent étiquetés en référence à des disciplines plus anciennes et sont assimilés aux « sociologues », « philosophes », « politologues », voire « historiens », ce qui laisse dans le flou l'existence d'une discipline universitaire spécifique[2]. Depuis les années 2000, cette assimilation s'estompe progressivement, sauf quand il s'agit de nouveaux courants de la discipline comme celui de l' "anthropologie de la communication" dont les chercheurs sont associés aux « anthropologues ».
Le positionnement des sciences de l'information et de la communication est également intéressant pour cette question[6].
Institutionnalisation, organisation, rayonnement
L'institutionnalisation des Sciences de l'information et de la communication française s'effectue en 1975 par la création de la 71e « section » du Conseil national des universités. Un premier état des lieux de la discipline[7], analysé, domaine par domaine, est, en effet, effectué par le Comité national d'évaluation en 1992-1993. En 2009, une « Commission interdisciplinaire » (CID 42) intitulée "Sciences de la communication" fonctionne au sein du CNRS. Ces instances revêtent une importance réelle en matière d'évaluation, de recrutement et de carrière.
En 2010, les responsables des laboratoires en SIC labellisés par le ministère décident de se rencontrer régulièrement en une "Conférence permanente des directrices et directeurs des unités de recherche en sciences de l'information et de la communication" (CPDirSIC) . Elle prend le statut d'association à but non lucratif[8] et se donne pour objectif de permettre aux responsables d'équipes et de laboratoires d'échanger des informations sur la gestion des laboratoires, de développer et de valoriser la discipline, et de contribuer à la culture commune[9]. L'adhésion est volontaire. En 2018, la CPDirSIC s'élargit aux responsables d'équipes SIC intégrés dans des laboratoires pluridisciplinaires.
Les SIC existent également au travers de sociétés savantes françaises ou étrangères et de réseaux de recherches internationaux au rang desquels on trouve : la SFSIC (Société française des sciences de l’information et de la communication), l'ACC (Association canadienne de communication), l’AIÉRI (Association internationale des études et recherches sur l’information), l’ICA (International communication association), l’ECREA (European Communication Research and Education Association), l’AMIC (Asociación mexicana de Investigadores de la comunicación), les UNITWIN digital campusUNESCO (E. laboratoire on Human Trace Unitwin Complexes Systèmes Digital Campus) et les chaires universitaires UNESCO (URBICOM). Elles existent également sur le plan scientifique au travers des groupes d'études et de recherches centrés sur des problématiques particulières. Certains sont labellisés par la SFSIC comme le groupe d'études sur les communications organisationnelles (Org&Co) ou le Groupe « Industrialisation de la formation ».
Auteurs liés aux sciences de l'information et de la communication
En France, la discipline universitaire regroupe désormais plus de 700 enseignants-chercheurs[10] (dont près de 80 % au grade de maître de conférences), c'est-à-dire davantage que la science politique ou les sciences de l'éducation, et à peine moins que la sociologie.
L'offre de formation en Sciences de l'information et de la communication s'est beaucoup étoffée ces dernières années : des seuls DUT en « Techniques de l'information et de la communication » des années 1970[11], on est passé aux DEUG et licences dans les années 1980 (remplacés eux-mêmes par les licences LMD en 2005), aux maîtrises et DEA ou DESS (remplacés par les masters LMD en 2005) et aux doctorats.
En France, de nombreux diplômes ressortissent à la discipline des « Sciences de l'information et de la communication » (71e section du CNU) :
la licence en « Information et communication ». Il y en a une trentaine en France, qui préparent tant à la poursuite d'études qu'à l'entrée dans le monde du travail. En 2007, il y avait treize licences disciplinaires à offrir les trois années en formation initiale, et seize diplômes offrant la seule année de spécialisation L3 à des étudiants venant d'autres disciplines avec un Bac + 2.
la licence professionnelle. Il en existe près d'une centaine, sous des appellations diverses (la mention « Activités et techniques de communication » regroupe 64 formations recensées par l'ONISEP)
le bachelor universitaire de technologie (BUT, anciens DUT) en « Information – Communication » (19 formations en France, avec quatre options : « Communication d’entreprise », « Journalisme », « Métiers du livre », « Gestion de l'information et du document dans les organisations), ou « Métiers du multimédia et de l'Internet » (MMI, qui remplace le DUT « Services et réseaux de communication » [SRC] depuis 2013).
le brevet de technicien supérieur (BTS) en « Communication », en « Communication et industries graphiques », en « Design graphique » (s'appelait «Communication visuelle» avant 2013), et en « Métiers de l'audiovisuel ». Selon les chiffres de l'ONISEP (2012), il y a 150 formations qui préparent en France au BTS en « Communication », 119 au BTS en « Communication visuelle », 97 au BTS « Métiers de l'audiovisuel », et 44 au BTS en « Communication et industries graphiques ».
Dans une étude de 2011, les diplômes de sciences de l'information et de la communication sont classées en deuxième place pour les "filières sciences humaines et sociales où l'on réussit" : les diplômés en SIC font état de 90 % de taux d'insertion, 66 % en CDI, et 93 % à temps plein[12].
Au Québec, la discipline concernée s'appelle simplement « Communication », et offre les diplômes suivants :
En Algérie, la Faculté des Sciences de l'information et de la communication de l'Université d'Alger 3[13], l’École nationale supérieure de journalisme et de Sciences de l'information (ENSJSI)[14], l'université de Constantine 3 et l'Université Skikda proposent des formations dans cette discipline.
Technologies de l'information et de la communication
Soumises à débat, les « Sciences et technologies de l'information et de la communication » (STIC) sont à la fois un domaine d'application de l'informatique, des statistiques, des mathématiques et de la modélisation mais aussi un champ de recherche des Sciences de l'information et de la communication. Les STIC rejoignent tout autant l'industrie (ex. : télécommunications, reconnaissance des formes, reconnaissance vocale), que les autres domaines scientifiques (ex : médecine, astronomie, sciences sociales, et environnement).
Depuis les années 2010, des rapprochements de plus en plus fréquents se font entre chercheurs en informatique, spécialistes de la modélisation des systèmes complexes et chercheurs en SIC[15]. Ils permettent d'étudier l'impact de l'évolution des techniques sur la communication humaine et leurs conséquences sur le développement de la société.
2006. Groupe d'études et de recherche interdisciplinaire en information et communication (GERiiCO, UR no 4073) de l'université de Lille-III
2007. Communications, médiations, organisations et savoirs (CIMEOS, UR no 4177), de l’Université de Bourgogne
2007. Équipe de recherche de Lyon en communication (ELICO, UR no 4147), de l'Université de Lyon-I
2008. Pôle de recherche sur les francophonies, interculturalité, communication, sociolinguistique (PREFICS, UR no 7469), des universités de Rennes-II et de Bretagne-Sud
2008. Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, UR no 7492), de l’Université de Toulon
2016. Pratiques et ressources de l'information et des médiations (PRIM, UR no 7503), de l'Université de Tours
2017. Institut de recherche sur les médias, les cultures, la communication et le numérique (IRMÉCCEN, no 7546), de l'Université de la Sorbonne-nouvelle
2018[18]. Académie des controverses et de la communication sensible (association à but non lucratif)
↑ a et b« La science de l'information, ou le poids de l'histoire » (2006). Article de H. Fondin dans Les enjeux de l'information et de la communication. Revue en ligne. Disponible sur [1]
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↑(en) Béatrice Galinon-Mélénec in Pierre Parrend, Paul Bourgine, Pierre Collet (Edit.), First Complex systems Digital Campus World E-Conference,, Arizona (USA), 2015, « From « TRACES » and « HUMAN TRACE » to « HUMAN-TRACE PARADIGM »
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